INTRODUCTION AU DROIT DU NUMÉRIQUE (SUPPORT B2) ENSEIGNANT : ALBERT KAMGA INTRO

INTRODUCTION AU DROIT DU NUMÉRIQUE (SUPPORT B2) ENSEIGNANT : ALBERT KAMGA INTRODUCTION GENERALE « Partout où la terre émerge des océans, les hommes ont pris pied. Ils ont occupé l’espace, constitué des nations. Ils se sont donné des gouvernements pour les diriger. Mais un continent nouveau serait apparu, mêlé de pensée et d’électrons, dans un à-côté, un ailleurs, un au-delà. Ses citoyens d’emprunt seraient voisins dans le monde des idées. Abstraits de leur assise terrestre, ils seraient par là dispensés d’obéir aux lois des hommes, attachées au sol ». Cette utopie proposée par John Barlow, co-fondateur d’une association américaine de « défense des libertés publiques dans le monde numérique »1 traduit quelque peu l’opinion de nombreuses personnes à travers le monde, pour qui le caractère abstrait du cyberespace en fait une « chose » insaisissable qui échapperait à tout contrôle avec les règles classiques. Pour tenter de comprendre cette position, il convient de noter que le numérique regroupe les technologies de l’information et de la communication ainsi que l’ensemble des techniques utilisées dans le traitement et la transmission des informations telles que les communications électroniques, internet ou l’informatique. Il connait de nos jours un développement fulgurant. Le numérique semble entrainer comme une révolution, non ! Il marque plutôt une disruption, en d’autres termes, un changement brusque qui ne laisse pas beaucoup de place à l’hésitation. Ceux qui peuvent encore rester indifférents à l’oubli de leur terminal de communication (téléphone) en sortant de leur domicile sont rares. Il en est de même de ceux qui pour une raison quelconque ne peuvent pas accéder à l’Internet. L’on a eu l’occasion de le vérifier encore ces derniers jours (janvier 2020), avec l’interruption de certains câbles sous-marins qui permettent la connexion à l’Internet du Cameroun et d’autres pays de la sous-région Afrique centrale2. Le manque de connexion devient insupportable. La place qu’occupent le numérique en général et son emblème qu’est l’Internet en particulier dans la vie socioéconomique est ainsi devenue très importante, amenant même certains pays à faire de l’accès à l’Internet un droit fondamental du citoyen. Sur le plan économique, des études aux Etats-Unis soutiennent que le numérique a une contribution au Produit Intérieur Brut (PIB) comprise entre 3% et 13%. C’est donc dire que le numérique est un levier de croissance économique. Il induit aussi de nouveaux rapports entre les acteurs sociaux, avec malheureusement une nouvelle forme de délinquance (cybercriminalité). Les enjeux sont aussi politiques et stratégiques avec notamment la question de l’accès à Internet. Ainsi parle-t-on de la neutralité du net remise en cause au États-Unis depuis le 18 mai 2017. En effet, la Federal Communications Commission (FCC) a voté la fin de la neutralité du Net (« Net neutrality ») qui est le principe stipulant que toutes les données soient traitées à la même vitesse et sans aucune préférence par les opérateurs internet, quelles que soient leurs sources3. 1 https://www.eff.org/about/ 2 https://www.investiraucameroun.com/gestion-publique/2001-13895-une-panne-du-cable-wacs-au-cameroun- affecte-la-fourniture-d-internet-dans-le-pays-et-au-gabon-au-congo-et-en-rdc À la différence des révolutions industrielles précédentes, la spécificité de l’innovation numérique, en grande partie dématérialisée, est de pouvoir être diffusée très rapidement, avec un taux de pénétration des marchés extrêmement élevé. Le droit ne pouvait rester insensible à une incursion aussi visible du numérique dans la vie économique et sociale. Les évolutions observées du droit et du numérique permettent de noter trois types de rapports entre eux. Le premier rapport entre le numérique et le droit est un rapport de collaboration. En effet, le numérique s’avère d’un grand secours pour les activités nécessitant la manipulation de quantités importantes d’informations. L’exemple de Ross4, Intelligence artificielle mise en œuvre par IBM en est ici une parfaite illustration. Le numérique permet de donner la parole à une masse plus importante de personnes pour leurs contributions à l’élaboration des normes. Le deuxième rapport est un rapport de concurrence. Il est facile à voir, quand on sait que le numérique est constitué d’un ensemble de règles embarqués, dans des objets corporels et incorporels, lesquelles règles dans bien des cas sont auto-exécutables. C’est le cas aujourd’hui des smart contracts qui s’appuient sur les technologies blockchain. Le troisième rapport est un rapport de soumission. Le droit semble être asservi par le numérique, donnant lieu à ce que l’on appelle de plus en plus le droit du numérique. Cette évolution montre bien que le droit n’a pas pu appréhender le numérique au travers de ses branches classiques. Dans ce cours d’introduction au droit du numérique (pour non juristes), nous aurons, face donc à cette déferlante du numérique dans les rapports entre acteurs sociaux, commencer par nous fixer les idées avec les notions de droit général. Nous nous pencherons ensuite sur l’environnement juridique du numérique au Cameroun. Suivra l’encadrement de la protection des données dites à caractère personnel avec une extension plus ou moins logique au « droit à l’image ». Comme avec le cyberespace se sont développées de nouvelles formes d’infraction, nous évoquerons la cybercriminalité également. Cette introduction au droit du numérique s’achèvera par une évocation de certains défis particuliers qui restent à être surmontés par le droit face au numérique. 3 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/06/11/aux-etats-unis-la-neutralite-du-net-prend-officiellement- fin_5312968_4408996.html 4 https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-3589795/Your-AI-lawyer-IBM-s-ROSS-world-s-artificially- intelligent-attorney.html Première partie : rappels des fondamentaux du droit (Introduction générale au droit) Chapitre 0 : notions préliminaires Il sera présenté dans ce chapitre les notions choisies parmi les plus importantes qui permettent de mieux appréhender le droit dans le contexte du Cameroun. Les éléments les plus importants pour la compréhension du droit camerounais sont notamment la nécessité du droit dans la société humaine, la doctrine du droit naturel, le positivisme juridique, l’édiction de la règle de droit et les systèmes de droit. Définition du droit Le droit est un terme polysémique. Il est l’ensemble de règles visant à organiser la conduite de l’homme en société et dont le respect est assuré par la puissance publique (droit objectif). Pluralisé, ils représentent les prérogatives attribuées dans leur intérêt à des individus, qui leur permettent de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation (droits subjectifs). 1. La nécessité du droit dans la société humaine L’homme est un animal social, il vit en société avec d’autres hommes. Les intérêts individuels des hommes peuvent diverger, et d’ailleurs divergent le plus souvent. Le droit permet ainsi par son ensemble de règles à organiser la vie des hommes en société et de faire en sorte que la vie en société soit autant paisible que possible. 2. La doctrine du droit naturel Cette doctrine soutient que la règle de droit doit être celle qui est dictée par la nature, ou celle qui est en harmonie avec la nature. L’on ne s’aurait ainsi édicter sur le plan du droit une règle qui tendrait à empêcher les mangues de tomber. Une telle règle, contraire à la loi naturelle, serait impossible d’application. 3. Le positivisme juridique Les adeptes de cette doctrine soutiennent que la règle de droit doit être édictée pour être valable. Son avantage est de ne pas laisser de doute sur son existence. La doctrine positiviste est plus appropriée pour les sociétés dont les membres ont des croyances et des origines diversifiées (sociétés cosmopolites). 4. L’édiction de la règle de droit La loi au Cameroun est adoptée par le Parlement. Ce dernier examine dans la pratique un texte qui lui est soumis soit par le Président de la République, soit par des membres du Parlement. 5. Les systèmes de droit au Cameroun Le Cameroun a un double héritage en matière de droit : L’héritage du droit français d’inspiration romano-germanique qui fait la part belle au droit positif (textes), et l’héritage du droit anglo-saxon qui recourt à la règle du précédent, en d’autres termes, un litige sera tranché en conformité à la solution qu’une juridiction majeure a déjà préconisée pour les litiges similaires dont elle a été saisie (jurisprudence). Chapitre un : Le Droit objectif Comme nous l’avons dit plus haut, le droit objectif renvoie à l’ensemble des règles de conduite qui gouvernent les rapports des membres d’une société, et dont le respect est assuré par l’autorité publique. Le droit objectif sera appréhendé en le situant dans son environnement (A), en en précisant les sources (B) et en évoquant son existence (C). A. Le droit dans son environnement 1. Les spécificités de la règle de droit Il existe dans de nombreux esprits, une confusion compréhensible entre le droit et certaines autres notions qui lui sont d’une certaine proximité : la morale, la justice, l’équité et d’autres règles de conduite Le droit et la morale La morale est dictée par la conscience. La règle de droit peut ainsi n’avoir aucun lien avec la morale. Des fois, la règle de droit légitime une situation immorale, c’est le cas par exemple quand le géniteur d’un enfant adultérin décide de le reconnaitre, même si le préalable à cette reconnaissance est que ledit enfant soit désavoué par le mari de sa mère. Le droit prend sa source dans le commandement de l’autorité publique, alors que la morale prend la sienne dans l’éthique sociale, les prescriptions religieuses, la conscience individuelle, etc. Le droit vise le bien de la société, alors uploads/S4/ b2-premiere-partie-support-de-cours-intro-droit-du-nume-rique.pdf

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  • Publié le Aoû 26, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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