44 D Dr ro oi it t J Ju ud di ic ci ia ai ir re e REDEFINIR L’ACCES A LA JUSTIC

44 D Dr ro oi it t J Ju ud di ic ci ia ai ir re e REDEFINIR L’ACCES A LA JUSTICE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO. LE DROIT D’ACCES AU JUGE DANS LE RESSORT DE LA COUR D’APPEL DU NORD-KIVU ENTRE MYTHE ET REALITE Par MASUDI KADOGO* Résumé Le principe d’accès à la justice nous renvoie du point de vue institutionnel à l’accès aux cours et tribunaux, de la base au sommet et donc au juge ; au juge du niveau le plus bas de la pyramide juridictionnelle à celui de la sommité, autrement dit au juge du tribunal de paix à celui de la cour de cassation, et du point de vue de la finalité de la justice, à l’accès aux droits. Ainsi justice comme institution est une justice-moyen et justice comme droit, une justice-fin donc une finalité de la justice- moyen. La justice-moyen met en exergue une autre règle axiale qu’est la justice de proximité. Cette dernière est un pilier fondamental et l’écheveau d’un procès équitable. Il est le berceau de la restauration d’un droit violé. Dans ses manifestations vigoureuses, il assure l’effectivité des autres principes qui concourent à un procès équitable. Bien respecter en amont tout comme en aval, il est le garant de la restauration de tout droit violé et par ricochet de la sécurité juridique et judiciaire. Actuellement pour renforcer la justice-fin, des voix s’élèvent pour repenser la forme actuelle de rendre justice en sollicitant la mise en œuvre de la justice douce ou alternative dispute résolution en sigle ADR, afin d’asseoir le règlement extra judiciaire des conflits pénaux en dehors des règles de procédure pénale classique. D’où le recours informel dans la pratique judiciaire au règlement amiable de certains litiges. La pertinence d’une telle approche exige la formalisation de la médiation pénale. Celle-ci étant appliquée seulement au niveau de la justice pour mineur, son extension sur l’ensemble du système judiciaire surtout sur toutes les infractions d’une moindre gravité soit des infractions punissables d’une peine de plus ou moins deux ans de servitude pénale ou celles punissables de cinq ans de privation de liberté, pour des faits bénins, serait un correctif aux plusieurs obstacles d’accès à la justice. Mots-clés : accès à la justice, procès équitable, droit judiciaire congolais, tribunal indépendant, tribunal impartial, tribunal compétent 45 Introduction e droit d’accès à un juge est l’un des droits fondamentaux reconnus aux citoyens congolais par les instruments juridiques tant internationaux, régionaux que nationaux, notamment la Déclaration universelle de droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative à l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard de la femme, la Convention relative à la protection de l‘enfant, la Convention européenne de droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Constitution congolaise du 18 février 2006, la loi organique n° 13/011-B du 11avril, 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire etc. Normalement accéder au juge c’est aussi accéder à la justice ; une justice comprise non seulement comme un droit légitime et un besoin social primaire pour les citoyens, une obligation pour le juge, bref un droit à un égal traitement devant le juge. Cet égal traitement ressort mieux de l’adage latin « cuis que suum » signifiant (à situation égale, traitement égal), vecteur irrésistible de l’idée d’égalité pour tous156, les citoyens restant égaux dans toutes les dimensions pertinentes. Conformément à ce précepte d’égalité formelle selon lequel ceux qui sont égaux (similaires) dans toutes les dimensions pertinentes doivent être traités de manière égale157 et en toute équité. John Rawls écrit que la justice comme équité est une théorie idéale ou théorie de l’obéissance stricte. L’obéissance stricte signifie que chacun se conforme aux principes de justice et donc accepte leurs conséquences.158 Ainsi, les gouvernants, les gouvernés, les magistrats (juges et officiers du ministère public), les justiciables, tout le monde doit s’y soumettre. Or, il est chimérique de croire que tout le monde se soumettrait à la justice de la même façon et dans la même proportion. Les écarts sociaux et sociétaux créent de degrés différents de soumission à la loi et partant à la justice. La justice comme sens d’équité, telle que conçue textuellement et telle que vécue contextuellement, en RD Congo, est en perte de vitesse. Certains pensent * Licence (Université de Kinshasa), Candidat au D.E.S (Université de Kisangani), Chef de travaux à l’Université de Goma, Avocat au Barreau de Goma et membre du Conseil de l’ordre au sein du même Barreau. masudikadogo@gmail.com 156 C. ROUSSEAU, « Le droit international et l’idée de justice », in Mélange Virally, Ed. P.U.L., Paris, 2001, p.85 cité par MAKAYA KIELA Serge, La contribution de la justice pénale internationale au développement de la justice pénale congolaise, Mémoire de DES, Fac. Droit UNIKIN, 2005-2007, p.29 157 J. RAWLS, La justice comme équité une formulation de la théorie de la justice, Nouveaux horizons, Ed. LA DECOUVERTE, Paris, p.38 158 Idem, p.32 L L Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 46 qu’il y a absence de justice ou mauvaise justice,159 d’autres pensent qu’elle est à deux vitesses, en raison d’un bilan caractérisé non seulement par son passif très lourd, mais aussi par sa rigueur aux dépens de « petits citoyens », son impuissance devant les grands criminels et son incapacité à protéger les victimes des graves crimes160, d’autres enfin, la qualifient d’une justice à trois vitesses, rigoureuse pour les « petits citoyens », inefficace pour les « grands criminels » et inexistante pour les victimes des graves crimes.161Sans démocratisation réelle de l’espace politique congolais, la justice restera toujours le maillon faible de la chaine des institutions politiques. En interrogeant les bénéficiaires de ce service public, les défenseurs, les plaideurs, les observateurs avertis, en visitant la prison centrale de Munzenze à Goma, on s’apercevra vite, qu’elle demeurera encore peut-être pour longtemps rigoureuse pour les « faibles citoyens », inerte pour les « grand criminels nantis de pouvoir ou d’argent», impuissante pour les criminels internationaux et enfin, irréalisable pour les victimes des crimes graves. Cela étant, cette justice peut être qualifiée sans crainte, de justice à quatre vitesses. Raison pour laquelle John Rawls estime que « la justice comme équité est utopique de façon réaliste : elle explore les limites de ce qui est praticable tout en étant réaliste, c’est-à-dire qu’elle cherche à déterminer dans quelle mesure un régime démocratique peut atteindre une réalisation complète de ses valeurs politiques dans le monde tel que nous le connaissons(avec ses lois et ses tendances), ou si l’on préfère, dans quelle mesure il est possible d’approcher la perfection démocratique162 ». John Rawls en parfaite contradiction avec lui-même, conclut, il est peut-être préférable de concevoir un ordre mondial juste comme une société des peuples, dans laquelle chaque peuple soutient un régime politique (domestique) bien ordonné et décent, qui n’est pas nécessairement démocratique mais qui respecte pleinement les droits de l’homme fondamentaux.163 En sus, l’érection de la justice, à la fois comme droit, comme structure et infrastructure, dans un système de gouvernance « a démocratique », n’est qu’une construction d’un château de carte. Toute imagination d’un régime politique non démocratique mais s’astreignant au respect des droits fondamentaux de l’homme, n’est qu’une duperie. 159 A. RUBERWA MANYWA, Discours prononce à l’occasion du lancement de la mission conjointe multi bailleurs d’audit d’organisations du secteur de la justice en RD CONGO, octobre 2003 cité par MAKAYA KIELA Serge, op cit., p.12 160 LUZOLO BAMBI LESSA, Lors d’une conférence sur les droits de l’homme, à l’Université protestante au Congo, le 20 avril2005, cité par S. MAKAYA KIELA, op cit., p.12 161 MAKAYA KIELA Serge, La contribution de la justice pénale internationale au développement de la justice pénale congolaise, Mémoire de DES, Fac. Droit UNIKIN, 2005-2007, p.12 162 Ibidem 163 J. RAWLS, Op cit., p. 33 Redéfinir l’accès à la justice en République Démocratique du Congo. Le droit d’accès au juge dans le ressort de la Cour d’appel du Nord-Kivu entre mythe et réalité 47 Le droit d’accès à la justice est une norme impérative du droit international, une règle de jus cogens.164 Il est un élément essentiel en matière de protection des droits de l’homme,165 un des leviers pittoresques de la mise en œuvre des autres droits de l’homme. En effet, tout justiciable dont les droits sont violés et qui s’estime léser peut saisir le juge naturellement compétent, dans le but ultime d’obtenir réparation judiciaire d’un préjudice subi. Ce droit impose l’accès à un tribunal de proximité pour y faire entendre sa voix, y porter ses prétentions et avoir satisfaction à la suite de l’organisation d’un procès équitable. La justice de proximité est équipollente non seulement au rapprochement pyramidal des citoyens aux institutions judiciaires, de la base au sommet (du tribunal de paix à la cour de cassation), mais également au rapprochement des citoyens à leurs droits. C’est-à-dire les citoyens doivent avoir la possibilité d’introduire leur action en justice aussi facilement, la passibilité de jouir de leur droit au double degré de juridiction, uploads/S4/ 3-redefinir-l-x27-acces-a-la-justice-en-republique-democratique-du-congo-le-droit-d-x27-acces-au-juge-dans-le-ressort-de-la-cour-d-x27-appel-du-nord-kivu-entre-mythe-et-realite.pdf

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  • Publié le Nov 28, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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