Bartleby le scribe : une histoire de Wall Street traduction et adaptation franç
Bartleby le scribe : une histoire de Wall Street traduction et adaptation française de Mario Dragunsky basé sur la nouvelle de Herman Melville (1819 – 1891) : Bartleby, the Scrivener : A Story of Wall-street (1853) © Mario Dragunsky 12 rue Paul Berthelot 33300 Bordeaux tél : 05 57 87 09 55 1 PERSONNAGES Avocat, conseiller à la Cour de la Chancellerie, la soixantaine Bartleby, scribe dans les bureaux de l’Avocat, jeune, mais sans âge Ladinde, copiste dans les bureaux de l’Avocat, Anglais, la soixantaine Lapince copiste dans les bureaux de l’Avocat, Anglais, trente ans Gingembre garçon de bureau, chez l’Avocat, Mr Melcity Notaire Mr. Cutlets cantinier, dans la prison 1 © Mario Dragunsky 12 rue Paul Berthelot 33300 Bordeaux tél : 05 57 87 09 55 1.- Bureau de l’avocat New York, Wall Street Une étude d’avocat austère. Quatre bureaux couverts de papiers, dossiers, chemises, etc. Chacun a son caractère propre, celui de l’Avocat, celui de Ladinde, celui de Lapince et celui de Bartleby. Gingembre s’attelle à tous les bureaux. Ladinde et Lapince, travaillent chacun selon son humeur, ils baignent dans une lumière bleutée, comme dans une nuit de pleine lune. L’Avocat est assis derrière son bureau, caché par des livres de droit et des dossiers. Il a un verre de whisky à la main. AVOCAT.- Je suis, aux yeux de la loi sur les retraites, un homme âgé. La nature de ma profession aux cours de trente dernières années m’a mis en contact avec une catégorie d’hommes intéressants et singuliers sur lesquels on n’a, jusqu’à présent, à ma connaissance, rien dit. Je veux parler des copistes des pièces juridiques ou scribes. J’en ai connu un très grand nombre, à titre privé ou professionnel. Je pourrais, si je voulais, raconter un tas d’histoires qui feraient sourire les bons esprits et pleurer les âmes sensibles. Mais je renonce à la biographie de tous les scribes pour quelques passages de la vie de Bartleby… Ce que mes yeux étonnés ont vu de Bartleby, voilà tout ce que sais de lui. (Pause, il boit) Bartleby était un de ces individus dont on ne peut rien apprendre si on ne remonte pas aux sources. Mais, quelles sources ?. Je pourrais parler d’un détail qui a son importance mais je le ferais en temps utile.(Pause, il boit) Avant de poursuivre, permettez-moi de me présenter. Je suis un homme empreint depuis ma jeunesse de la conviction profonde que la meilleure façon de vivre est d’essayer d’être tranquille. Je suis un de ces hommes de loi sans ambitions, qui jamais n’interpellent un jury ou une cour quelconque, ni ne suscitent en aucune manière les applaudissement d’un public. Je fais des affaires avec des hypothèques, titres et contrats, et je prends soin de quelques clients de bonne position. Tous ceux qui me connaissent me considèrent comme un homme honnête et sûr. Feu John Jacob Astor, qui était peu enclin aux compliments poétiques, n’hésitait pas à déclarer que ma première qualité a toujours été la prudence et ma deuxième, la méthode. J’ai été l’employé de John Jacob Astor et j’aime à répéter son nom, qui a un son spécial, un tintement de milliards. Et j’avoue que je n’étais pas insensible à la bonne opinion que John Jacob Astor avait de moi. Il écarte quelques dossiers et il se penche entre les papiers, regardant vers le bureau. AVOCAT.- Bartleby… (pause) A l’époque qui précédait la venue de Bartleby le travail au bureau s’était développé considérablement. (Il lève sa canne et fait avec elle un signe qui signifie «Action !») © Mario Dragunsky 12 rue Paul Berthelot 33300 Bordeaux tél : 05 57 87 09 55 LADINDE et LAPINCE commencent leur activité routinière, la lumière devient peu à peu celle du bureau, à un rythme soutenu ils écrivent, copient, etc. L’Avocat se lève et parcours le bureau, pendant qu’il parle. AVOCAT.- La bonne vieille charge, éteinte à présent dans l’Etat de New York, de conseiller à la Cour de la Chancellerie, m’avait été conférée. C’était une charge bien rémunérée et pas très ardue… (pause) Mon bureau se trouvait au deuxième étage d’un immeuble vétuste, à Wall Street. Les fenêtres donnaient, d’un côté, sur la paroi blanche des bureaux d’un gratte-ciel, et de l’autre sur un mur de briques noirci par le temps et par une ombre sempiternelle. J’aime bien dire «ombre sempiternelle»… L’Avocat s’approche du bureau où se trouve Ladinde. Il reste derrière lui. AVOCAT.- Ladinde, Lapince… Avant l’arrivée de Bartleby, j’avais en mon bureau ces deux copistes, Ladinde et Lapince. Et un garçon de bureau très prometteur : Gingembre, c’est lui... Ces noms, qui ne se trouvent pas dans l’annuaire, étaient en fait des surnoms qu’ils s’étaient mutuellement donnés. Avec les années, j’avais oublié leurs vrais noms, ils étaient pour moi simplement Ladinde, Lapince et Gingembre. Les matins, Ladinde travaillait normalement, mais au retour du déjeuner… Lapince se lève et sort, bafouillant. Commence la transformation de Ladinde : il travaille de plus en plus frénétiquement, il tâche un livre avec de l’encre, il utilise la poubelle comme du papier buvard, il commence à casser ses stylos, il fait du bruit avec sa chaise, etc. AVOCAT.- … Son visage flamboyait comme du charbon ardent, et demeurait de la sorte jusqu’à six heures du soir, quand l’éclat disparaissait avec le soleil. Cette conduite avait fini par m’irriter profondément. Ladinde jette des feuilles en l’air, se lève émet des sons difficilement compréhensibles et des insultes tantôt en anglais, tantôt en français. AVOCAT .- Comme il était un copiste pour le moins efficace tout le temps qui précédait la douzième heure, je m’étais habitué à fermer les yeux sur ses excentricités, mais… Ladinde ! LADINDE .- J’arrive, monsieur. Ladinde se lève avec difficulté de son bureau, sans lâcher sa règle, avec laquelle il fera de grands gestes et s’approche un peu de l’Avocat AVOCAT .- Ladinde, maintenant vous vous faites vieux, et avec les années… enfin… LADINDE .- Avec les années ? © Mario Dragunsky 12 rue Paul Berthelot 33300 Bordeaux tél : 05 57 87 09 55 AVOCAT .- Bon, vous le savez déjà, je crois qu’il serait bon, dorénavant, d’abréger vos horaires de travail. LADINDE .- Qu’est-ce que cela signifie, monsieur ? AVOCAT .- Cela signifie que dorénavant il suffira que vous veniez au bureau le matin. L’après-midi… LADINDE .- L’après-midi ? AVOCAT .- Enfin, les après-midi vous pourrez rentrer chez vous tranquillement et vous reposer jusqu’à l’heure du thé. LADINDE .- Il n’en est pas question, monsieur ! Pas question ! Si mes services sont utiles le matin, l’après-midi, ils ne peuvent être qu’indispensables. Oui monsieur, in-dis-pen-sa-bles ! AVOCAT .- Mais Ladinde… LADINDE .- Sauf votre respect, monsieur, je me considère votre bras droit. Le matin je ne fais que déployer mes troupes, disons-le comme ça, mais l’après- midi, je me mets à leur tête et je charge l’ennemi, comme ça ! (il charge violemment avec sa règle en guise d’épée et tombe bruyamment sur son bureau) AVOCAT .- Mais les tâches d’encre, Ladinde ! LADINDE .- (Se relevant péniblement) C’est vrai, monsieur, je le reconnais, mais regardez ces cheveux gris. Je me fais vieux. Ca c’est sûr, monsieur. Mais une tâche ou deux, l’après-midi, n’est pas une chose dont vous devriez faire grand grief à mes cheveux gris. La vieillesse est honorable, même si elle tache le papier. Et sauf votre respect, monsieur, nous nous faisons vieux tous les deux… Avec votre permission. Ladinde s’éclaircit la voix, calmé il s’assied péniblement à son bureau et se remet au travail. L’AVOCAT l’observe en souriant. AVOCAT .- (pour lui-même) C’était une conclusion sans appel. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien à faire pour le convaincre. Je me suis habitué à le garder l’après-midi, tout en veillant à ce qu’il n’eût affaire qu’aux moins importants de mes documents. Entre Lapince. Il va pendre son pardessus dans le portemanteau. Il reste immobile. AVOCAT .- L’autre soldat de mon bureau, Lapince, jeune, une mine de pirate, était victime de deux puissances malignes : l’ambition et l’indigestion. Lapince rentre et salue en passant, et se dirige vers son bureau, bafouillant et de très mauvaise humeur. Effet de lumière : c’est le matin, lever du soleil, lent. Ladinde change d’humeur. Lapince commence à mettre de l’ordre dans les affaires de son bureau. © Mario Dragunsky 12 rue Paul Berthelot 33300 Bordeaux tél : 05 57 87 09 55 AVOCAT .- L’ambition se manifestait par l’impatience qu’il montrait envers les simples devoirs de copiste, puisqu’en réalité il ne se contentait pas d’être un simple copiste, mais il prétendait rédiger les actes originaux. Lapince, souffle, se bat avec ses éléments, bafouille, et rentre dans un état paroxystique d’irritation. AVOCAT .- On n’a jamais su quelle était l’origine de l’indigestion, il grinçait des dents, il avait des remontées stomacales, il avait une nervosité irascible. Et les victimes étaient presque toujours les mêmes : les éléments de son bureau. Finalement Lapince arrive à ordonner ses affaires, s’assoit et commence à écrire. AVOCAT .- Heureusement, l’irritabilité de Lapince uploads/S4/ barbebly-le-scribe-par-daniel-pennac.pdf
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- Publié le Oct 18, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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