Droit public-droit priv´ e : de la summa divisio ` a la ratio divisio ? Boris B

Droit public-droit priv´ e : de la summa divisio ` a la ratio divisio ? Boris Barraud To cite this version: Boris Barraud. Droit public-droit priv´ e : de la summa divisio ` a la ratio divisio ?. Revue de la Recherche Juridique - Droit prospectif, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2015, p. 1101 s. <hal-01367507> HAL Id: hal-01367507 https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01367507 Submitted on 16 Sep 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. Boris Barraud, « Droit public - droit privé : de la summa divisio à la ratio divisio ? », Revue de la Recherche Juridique - Droit Prospectif 2014, p. 1101 s. manuscrit de l’auteur 2 Boris Barraud, « Droit public - droit privé : de la summa divisio à la ratio divisio ? » (manuscrit de l’auteur) I. La logique récente de la divisio et la congruence éphémère du concept de summa divisio A. L’historicité modeste de la divisio droit public/droit privé comme contestation de l’évidence de l’idée de summa divisio B. La rationalité moderne de la divisio droit public/droit privé comme confirmation de la pertinence de l’idée de summa divisio II. La critique croissante de la divisio et la concurrence nécessaire du concept de ratio divisio A. La réprobation théorique de la divisio droit public/droit privé comme indice du réalisme de l’idée de ratio divisio B. La relativisation pratique de la divisio droit public/droit privé comme preuve du pragmatisme de l’idée de ratio divisio La distinction du droit public et du droit privé semble être la division primaire et structurante de l’ensemble du droit ; toute norme et toute institution appartiendrait nécessairement soit à l’hémisphère public, soit à l’hémisphère privé du monde juridique et c’est pourquoi on qualifie cette divisio de « summa » (suprême). Que ce soit le droit positif, la doctrine juridique ou les facultés de droit, rien ne paraît échapper, parmi le droit français, à cette présentation binaire et manichéenne. Or, si cette dernière repose sur des fondations modernes qui ont indiscutablement consacré son rôle cardinal, elle est toutefois loin d’incarner la vérité éternelle et universelle de tout phénomène juridique : historiquement, elle ne s’est imposée que tardivement, tandis qu’actuellement, à mesure que le droit devient « postmoderne », il se trouve de plus en plus de données juridiques qu’elle peine à accueillir, si ce n’est artificiellement. Aussi la présente contribution propose-t-elle de retenir préférablement l’idée de « ratio divisio » (division rationnelle ou raisonnable), laquelle, tout en reconnaissant la pertinence pérenne de la séparation du droit public et du droit privé, tolère l’existence d’une part de « transdroit » irréductible à l’une ou l’autre dimension. In France, the distinction between public law and private law seems to be the primary and structuring division of the whole law. Any norm and any institution necessarily belong to the public hemisphere or to the private hemisphere of the legal world and that is why this divisio is named “summa” (supreme). In the French positive law, in the French legal doctrine and in the French law schools, nothing seems to escape from this binary and manichean presentation. But, if it is based on modern foundations that have undoubtedly spent his cardinal role, it is far to embody an eternal and universal truth of any legal phenomenon: historically, it has become late, whereas now, as the law becomes “postmodern”, there is more and more legal data that it pains to accommodate. Also this contribution preferably 3 Boris Barraud, « Droit public - droit privé : de la summa divisio à la ratio divisio ? » (manuscrit de l’auteur) retains the idea of “ratio divisio” (rational or reasonable division), which, while recognizing the lasting relevance of the separation of public law and private law, tolerates the existence of a “trans-law” irreducible in either dimension. Une « divisio » est, en logique formelle, une opération de partage d’un concept en plusieurs classes. L’expression « summa divisio » signifie littéralement « division la plus élevée », « division suprême ». Quant à celle de « ratio divisio », elle permet de désigner une « division rationnelle » ou « division raisonnable »1. « Ratio divisio » s’oppose donc à « summa divisio » en invitant à une approche équilibrée et ouverte plutôt qu’absolutisante et fermée des phénomènes en cause. La « summa divisio » des juristes correspond classiquement à la séparation de l’ensemble-droit en deux méta-branches, non pas principales, mais uniques : le droit public et le droit privé ; cette distinction serait la division-mère de tout le droit ou, en tout cas, de tout le droit français. Inviter la doctrine juridique à subroger « ratio divisio » à « summa divisio », c’est donc proposer de faire de cette frontière entre le public et le privé une frontière toujours pertinente et nécessaire, mais plus infranchissable et incontestable. La grande différence entre les idées de summa divisio et de ratio divisio est que cette dernière est accueillante à l’égard de la possibilité qu’il existe une part de « transdroit », quand la première y est par définition hostile. Léon Duguit, bien que plutôt réfractaire à toute présentation manichéenne du droit, expliquait que, « dans les sociétés modernes, le domaine du droit est devenu tellement étendu qu’il est nécessaire d’y faire des divisions. C’est la condition indispensable pour étudier avec ordre et méthode les nombreuses règles du droit moderne. Mais comme toutes les distinctions que fait l’esprit, celles que l’on doit faire dans le domaine du droit sont un peu artificielles et forcément se pénètrent respectivement. La moins artificielle est encore la distinction traditionnelle du droit public et du droit privé »2. Ainsi serait-ce par défaut que la divisio droit public-droit privé serait retenue en tant que summa divisio : elle ne serait pas la meilleure, mais plutôt la moins mauvaise des synthétisations au sein d’un univers par nature multiple et hétérogène. Seulement, depuis que le maître bordelais a écrit, le phénomène juridique n’a eu de cesse d’évoluer ; s’il était en 1927 « étendu », certainement est-il aujourd’hui devenu hyperétendu et hypercomplexe. Aussi la divisio droit public- droit privé n’est-elle peut-être plus la « moins artificielle » des divisios possibles. Des propositions concurrentes sont peut-être en droit de revendiquer légitimement le titre de « summa divisio ». Or l’avantage patent de l’idée de ratio divisio par rapport à celle de summa divisio est qu’il est possible que plusieurs divisios soient en même temps ratio, là où une seule à la fois peut-être summa. La ratio divisio tolère et 1 « Ratio » étant ici la forme abrégée de l’adjectif « rationabilis » et non le nom « ratio » qui signifie « système ». 2 L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel. Tome premier : la règle de droit, le problème de l’État, 3e éd., Paris, De Boccard, 1927, p. 702. 4 Boris Barraud, « Droit public - droit privé : de la summa divisio à la ratio divisio ? » (manuscrit de l’auteur) comprend l’existence de manifestations juridiques transdisciplinaires, irréductibles à un quelconque caractère public ou privé. Dès lors, la séparation binaire laisserait la place à une séparation ternaire : droit public, droit privé, transdroit. Mais la divisio survivrait-elle à pareille dégradation, à l’abandon du qualificatif « summa » qui lui est traditionnellement accolé ? Il faut gager que oui tant rien n’interdit de faire de l’opposition public-privé un pilier porteur du droit sans en faire pour autant le pilier central. Largement entendu, l’adjectif publicus permet de désigner tout ce qui se rapporte à l’État ; il est donc peu ou prou synonyme d’ « étatique » et, d’ailleurs, les auteurs allemands utilisent assez indifféremment les expressions « ôffentliches Recht » (droit public) et « Staatsrecht » (droit de l’État)1. Privatus est le contraire ou l’antonyme de publicus ; il se rapproche de singuli, donc de tout ce qui a trait à l’individu et à ses actions subjectives2. Partant, le public paraît s’opposer au privé en ce qu’il reposerait sur l’intérêt général ou collectif, loin des intérêts particuliers. Le droit public serait le droit de tous quand le droit privé serait le droit de l’un ou de quelques-uns ; il existerait donc des liens de parenté étroits entre droit public et droit objectif et entre droit privé et droits subjectifs. Il se trouve là une première pierre d’achoppement puisque les définitions de « droit public » et de « droit privé » sont diverses, le rapprochement avec les notions de droit objectif et de droits subjectifs étant loin d’être consensuellement reconnu parmi les juristes. Comme souvent à l’heure des mutations uploads/S4/ boris-barraud-droit-public-droit-prive-de-la-summa-divisio-a-la-ratio-divisio 1 .pdf

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  • Publié le Jan 19, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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