1 Apprendre à lire Une révolution : place au codage de l’oral Jacques Delacour

1 Apprendre à lire Une révolution : place au codage de l’oral Jacques Delacour Directeur d’école honoraire delacour.j@wanadoo.fr L’échec partiel des méthodes de lecture Depuis des siècles on apprend à lire aux enfants avec des méthodes de lecture1, avec le succès très relatif connu dont les évaluations témoignent. Et on cherche toutes sortes d’explications aux échecs en apprentissage de la lecture. L’élève fut d’abord le principal responsable, il manquait d’intelligence (il avait pourtant appris à parler !). Ou alors il avait une structure psychologique déficiente (faible QI) ou absente : défaut de latéralité, manque de spatio-temporalité, gaucherie. Le plus handicapant : il était issu de milieu socio-culturel défavorable et manquait de culture et surtout de vocabulaire (l’hypothèse de Bentolila). Les parents ont également été ciblés : « s’ils suivaient correctement leurs enfants » cela irait beaucoup mieux ! Les maîtres ont croulé sous les reproches : manque de formation, bon maître, mauvais maître, école maternelle déficiente, etc. Les méthodes de lectures censées permettre l’apprentissage n’étaient pas épargnées : arguments à l’appui, on préférait telle méthode à telle autre. On s’est finalement résolu à composer avec tout ce qui semblait être efficace dans chaque méthode de lecture. En intégrant toutes les pépites pédagogiques, on ferait lire beaucoup mieux… On tenta de réduire les effectifs des classes de CP : on abandonna très vite devant les résultats aussi peu probants que dans les autres classes. On fit appel à la médecine, et on trouva un mot d’explication : dyslexie. Ce n’était plus « le poumon vous dis-je », mais « la dyslexie, vous dis-je » ! Après deux ans de CP les élèves étaient orientés en classe de « perfectionnement »… On officialisait et institutionnalisait l’échec. La dernière étude sérieuse en date n’a fait que radiographier les diverses méthodes, tout en déclarant péremptoirement que la guerre des méthodes n’avait plus lieu d’être alors qu’elle couvait sous la cendre. On finit par noyer totalement la polémique, en centrant l’attention des pédagogues, sur le défaut de compréhension. Il est vrai qu’il est plus facile de « pédagogiser » sur la compréhension que de savoir comment fournir à un enfant analphabète les moyens de passer de la communication orale à la communication écrite, de lui permettre de parvenir à lire seul un texte et à le comprendre. Clairement on baisse pavillon devant l’échec. 1 Il y a plus longtemps, faute de méthode imprimée on apprenait heureusement à écrire sur la cire, la glaise ou le plomb pour apprendre à lire…. 2 Et pratiquement, un seul recours reste possible : vérifier l’efficacité du codage. Ne plus apprendre à lire, apprendre à coder l’oral par écrit comme l’ont pratiqué les inventeurs de l’écriture, le cerveau fera nécessairement émerger la lecture. Une révolution pédagogique ! Pourquoi inverser l’approche pédagogique actuelle ? Parce que c’est un peu prétentieux de vouloir, comme maintenant, faire lire un non lecteur. Finira-t-on par comprendre que devant un texte, l’illettré est totalement incapable de lire le moindre mot ? Finira-t-on par comprendre qu’il n’a véritablement qu’une possibilité : apprendre à coder l’oral en écrit, ce qui le rend apte à lire ce qu’il vient d’écrire et même plus en réinvestissant son nouveau savoir. En voici un exemple rapide. Comment lisez-vous 123 ? Ne dites pas cent vingt-trois car le mot prononcé /cor/ a été codé par écrit avec les signes 123. Donc si 123 code /cor/, 123 se lit « cor ». Et si vous inversez l’ordre des lettres, sans que j’intervienne, sans que vous soyez obligé de coder avant de lire, vous savez lire 321, et si vous les combinez autrement, à l’image de ce qui se passe oralement, vous lisez facilement : 213. Donc le codage écrit de /cor/ avec 123, permet aussi de lire sans écriture préalable roc et ocre. Le codage orthographique s’apprend, se mémorise pour assurer la lecture, au moment du passage de l’oral connu à l’écrit. Et l’écrit créé se décode correctement dans 100% des cas. Et à force de codage et de lectures dérivées toujours correctes après codage, la lecture émerge2. La zone neuronale du cerveau dédiée à la lecture, totalement absente au départ3, se met progressivement en place à chaque leçon, des connexions nerveuses s’installent provoquées par les codages réalisés. Le codage écrit est indispensable parce que cette action est la seule à pouvoir faire cohabiter et coexister simultanément tout ce qui doit être absolument présent pour assurer la communication écrite : le sens, les sons, les codes utilisés et la mémoire des codages utilisés. Le décodage, direct ou indirect, n’a jamais cette possibilité. Le sens est toujours absent au départ et la vision des signes ne conduit pas forcément et sûrement au son représenté. Les apprentis partent toujours de l’inconnu, quelques signes sur une page qui n’ont aucune signification pour tout illettré qui les regarde. Débutants, ils peuvent toujours hésiter sur la traduction orale d’une ou des lettres. Les méthodes de décodage les plus explicites sont défendues farouchement par des chercheurs et des professionnels respectables. J’en faisais partie avant de me convertir il y a 45 ans à l’approche par le codage ! Je n’oserais plus enseigner que « on » se décode /on/, et faire décoder ou écrire une syllabe en dehors de tout sens. Ça n’a pas de sens dirait Devos ! 2 Varela dirait que la lecture est énactée par l’action de codage. 3 Les scientifiques l’ont prouvé chez l’enfant comme chez l’adulte analphabète. 3 Certains croient encore qu’il suffit d’enseigner explicitement le son des lettres (quels sons ?) pour obtenir le même résultat qu’au codage. Ils me le disent, me l’écrivent. Ils sont persuadés que devant loin, puisqu’on leur a appris que « oin » se décode /oin/, les apprentis vont décoder directement /oin/. Lointain sera lu /lointain/. Ils prennent leur hypothèse pour la réalité : pourquoi l’enfant ne passerait pas d’abord par /lo/ puis /loi/ avant de décoder /loin/ ? Beaucoup de pédagogues ont entendu cela dans leur classe, des témoignages le confirmeraient. Alors il faut démontrer une fois de plus que le décodage direct est impossible. Essayons.On apprend aux élèves que « en » se décode … vous avez déjà lu /en/ puisque vous l’avez appris aussi comme moi. Et bien puisque c’est si simple et facile essayez de décoder « en » dans les mots suivants (7 décodages différents à placer au bon endroit !) : xxxxenx, xxxxenx, xenxxxx, xxxxxxen, enxxxx, xxxenxxx, xenxxxxxxx4 Comme vous n’y arrivez pas concluez que : - Il est impossible pour un non lecteur de découper correctement les mots en graphèmes dès qu’il y a plus de lettres que de sons, donc impossible de retrouver chaque phonème - La lecture des « en » visibles est totalement tributaire des autres codages, des autres lettres. « en » de tenir n’a rien à voir avec celui de tenter. - Comme vous êtes censé ne pas savoir lire, se pose alors la question du « e » au sein de « en », dont la valeur sonore est improbable (e, é, è, en ?), comme le « x » se décode de deux manières (excellent, examen) et que le « men » d’examen n’a rien à voir avec celui de /amen/ ! - On voit que le tout au moment du codage, associant le sens, les sons d’/examen/ avec le code écrit (e-x-a-m-en) permet de lire immédiatement « examen » en mémoire des codages mentaux effectués. Le décodage direct, sans cette préparation, n’offre pas cette certitude. C’est le moment de bien distinguer code et codage. Le code est visible sans aucune valeur sonore à priori. Toutes nos lettres servent de code pour plusieurs sons5. Par contre le codage est cette image mentale, interne, invisible, associant pour l’avenir et à jamais, le sens, un son au sein de ce sens, et une graphie orthographique. Et ne croyez pas que les syllabes, d’abord orales, puissent être parfaitement visibles à l’écrit. Essayez donc de trouver les 9 lectures différentes de « lo » : Loxxxxx, loxxxx, loxxxx, loxx, loxxxxxx, xxxxlox, xxxxlox, xxxxlox, xxxxxloxxx6 4 Ferment, ferment, benzine, cyclamen, ennemi, solennel, renouveler 5 Même le « b » contrairement à ce que j’ai pu lire. 6 Loterie, louper, longer, lois, lointain, maillot, maillon, caillou, bouilloire, 4 Vous parvenez aux mêmes conclusions que plus haut, Il faut voir le mot en entier quand on sait lire, pour décoder correctement « lo ». On comprend donc que l’élève, qui est à la peine en essayant des décodages divers, finisse par se décourager. Alors que s’il commence par coder, il le fait avec plaisir, conscient qu’il est en train d’acquérir la communication écrite, sur le mode d’apprentissage de la parole. Ce que Maria Montessori a bien constaté : http://meirieu.com/PATRIMOINE/montessoridelacour.pdf Et constatez ci-dessous comment le codage du mot dans sa totalité va favoriser la lecture, même si une partie est illisible. C’est donc bien le sens du mot écrit qui informe de la valeur sonore particulière de toutes les lettres le composant, groupées ou non. Nous allons pouvoir lire sans aucune difficulté les uploads/S4/ delacour-revolution.pdf

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  • Publié le Aoû 16, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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