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- PhiloLog - http://www.philolog.fr - Deuxième discours sur la condition des Grands. Grandeurs naturelles, grandeurs d’établissement. Pascal. Posted By Simone MANON On 27 mai 2009 @ 6 h 31 min In Chapitre XIX - Droit et justice.,Chapitre XX - Etat et Société.,Exercices,Explication de texte,Textes | 12 Comments * « Il est bon, Monsieur, que vous sachiez ce que l’on vous doit, afin que vous ne prétendiez pas exiger des hommes ce qui ne vous est pas dû, car c’est une injustice visible et cependant elle est fort commune à ceux de votre condition, parce qu’ils en ignorent la nature. Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs; car il y a des grandeurs d’établissement, et des grandeurs naturelles. Les grandeurs d’établissement dépendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains états, et y attacher certains respects. Les dignités et la noblesse sont de ce genre. En un pays on honore les nobles, en l’autre les roturiers; en celui-ci les aînés, en cet autre les cadets. Pourquoi cela? Parce qu’il a plu aux hommes. La chose était indifférente avant l’établissement : après l’établissement, elle devient juste, parce qu’il est injuste de troubler. Les grandeurs naturelles sont celles qui sont indépendantes de la fantaisie des hommes, parce qu’elles consistent dans des qualités réelles et effectives de l’âme ou du corps, qui rendent l’un ou l’autre plus estimable, comme les sciences, la lumière de l’esprit, la vertu, la santé, la force. Nous devons quelque chose à l’une et à l’autre de ces grandeurs; mais comme elles sont d’une nature différente, nous leur devons aussi différents respects. Aux grandeurs d’établissement, nous leur devons des respects d’établissement, c’est-à-dire certaines cérémonies extérieures qui doivent être néanmoins accompagnées, selon la raison, d’une reconnaissance intérieure de la justice de cet ordre, mais qui ne nous font pas concevoir quelque qualité réelle en ceux que nous honorons de cette sorte : il faut parler aux rois à genoux; il faut se tenir debout dans la chambre des princes. C’est une sottise et une bassesse d’esprit que de leur refuser ces devoirs. Mais pour les respects naturels, qui consistent dans l’estime, nous ne les devons qu’aux grandeurs naturelles, et nous devons au contraire le mépris et l’aversion aux qualités contraires à ces grandeurs naturelles. Il n’est pas nécessaire, parce que vous êtes duc, que je vous estime, mais il est nécessaire que je vous salue. Si vous êtes duc et honnête homme, je rendrai ce que je dois à l’une et à l’autre de ces qualités. Je ne vous refuserai point les cérémonies que mérite votre qualité de duc, ni l’estime que mérite celle d’honnête homme. Mais si vous étiez duc sans être honnête homme, je vous ferais encore justice; car en vous rendant les devoirs extérieurs que l’ordre des hommes a attachés à votre naissance, je ne manquerais pas d’avoir pour vous le mépris intérieur que mériterait la bassesse de votre esprit. V oilà en quoi consiste la justice de ces devoirs. Et l’injustice consiste à attacher les respects naturels aux grandeurs d’établissement, ou à exiger les respects d’établissement pour les grandeurs naturelles. M. N*** est un plus grand géomètre que moi; en cette qualité il veut passer devant moi? je lui dirai qu’il n’y entend rien. La géométrie est une grandeur naturelle, elle demande une préférence d’estime, les hommes n’y ont attaché aucune préférence extérieure. Je passerai donc devant lui, et l’estimerai plus que moi en qualité de géomètre. De même si, étant duc et pair, vous ne vous contentez pas que je me tienne découvert devant vous, et que vous voulussiez encore que je vous estimasse, je vous prierais de me montrer les qualités qui méritent mon estime. Si vous le faisiez, elle vous est acquise, et je ne vous la pourrais refuser avec justice; mais si vous ne le faisiez pas, vous seriez injuste de me la demander, et assurément vous n’y réussiriez pas, fussiez-vous le plus grand prince du monde. » Pascal, Trois discours sur la condition des Grands. * Questions: * 1) Explicitez le sens de la distinction entre les grandeurs naturelles et les grandeurs d’établissement. PhiloLog » Deuxième discours sur la condition des Grands. Grandeurs naturelles, grandeurs d’établissement. Pascal. » Print 30/01/2015 http://www.philolog.fr/deuxieme-discours-sur-la-condition-des-grands-grandeurs-naturelles-grandeurs-detablissement-pascal/print/ 1 / 6 * 2) Expliquez: « Aux grandeurs d’établissement, nous leur devons des respects d’établissement, c’est-à-dire certaines cérémonies extérieures qui doivent être néanmoins accompagnées, selon la raison, d’une reconnaissance intérieure de la justice de cet ordre.» Pointez le paradoxe. Qu’est-ce qui justifie le propos de Pascal? * 3) Quel usage Pascal fait-il de la notion de justice et d’injustice? Utilisez le commentaire du texte du philosophe portant sur les trois ordres [1] pour approfondir votre réponse. * * Correction: * Qu’est-ce que les hommes reconnaissent comme des grandeurs (thème) ou des valeurs ? (Question) * La thèse de Pascal consiste à dire qu’il y a deux ordres de grandeurs, la première partie s’efforçant de déterminer la nature de ce qu’il appelle des grandeurs d’établissement et des grandeurs naturelles. Il va de soi que ces différentes grandeurs appellent différents types de respect. Aux grandeurs d’établissement, respect d’établissement ; aux grandeurs naturelles, respect naturel. Telle est la thèse qui a rendu Pascal célèbre. Mais ce n’est là que le premier niveau de la problématique du texte, le plus simple. Ce qui est beaucoup plus subtil est le jugement formulé à propos des respects d’établissement. Ils doivent, apprend-on, « être néanmoins accompagnés selon la raison d’une reconnaissance intérieure de la justice de cet ordre ». Ou bien : « C’est une sottise et une bassesse d’esprit que de leur refuser ces devoirs ».V oilà qui a de quoi surprendre. N’est-il pas contradictoire de fonder en raison, ce qui a été préalablement analysé comme une simple convention, expression de la fantaisie et de l’arbitraire humains ? Peut-on à la fois disjoindre radicalement un ordre naturel et un ordre conventionnel au point de récuser toute prétention à fonder naturellement l’établissement humain et légitimer celui-ci comme juste selon la raison ? L’élucidation de ce paradoxe constitue le point le plus important de ce texte où Pascal livre sa conception, proprement tragique de l’ordre politique. * I) Les deux sortes de grandeurs. * Distinguer des grandeurs ou des ordres ; Pascal est coutumier de ce souci. On se souvient de la distinction des trois ordres. Ici, la distinction ne s’opère pas au sein de la nature, entre les corps et les esprits, ou entre la nature et la surnature c’est-à-dire entre les deux premiers ordres de l’extériorité et de l’intériorité et l’ordre de la supériorité. Elle s’opère entre ce qui est par nature, comme disaient les sophistes et ce qui est par convention, L’objet auquel s’applique cette distinction est ce que Pascal appelle les grandeurs. Il faut comprendre sous cette dénomination, ce que les hommes reconnaissent comme une valeur, une supériorité ou une dignité. * 1°) Les grandeurs conventionnelles. * Ce sont toutes celles que les hommes sont convenus, par des accords tacites ou explicites, d’instituer comme telles. Une convention est en effet ce qui découle de la décision humaine. Toute institution, tout établissement humain, met en jeu des conventions. Or, l’observation des faits le montre, les conventions ont la relativité des appréciations humaines. Ce que précise le texte au moyen d’exemples. En France, au 17° siècle on confère une supériorité aux nobles, c’est-à-dire aux descendants des conquérants germains, en Suisse à la même époque on honore les roturiers. Ici on donne un privilège à l’aîné, là au cadet. Pascal souligne le caractère contingent et arbitraire des hiérarchies sociales. « C’est ainsi » mais cela pourrait être autrement. La distinction entre ce qu’une société honore et ce qu’elle méprise n’a pas de fondement naturel. « La chose était indifférente avant l’établissement ». C’est la volonté des hommes qui décide ici, d’instituer le droit d’aînesse, ailleurs le droit du cadet. En nature, il n’y a pas plus de raison d’affirmer le privilège de l’un que celui de l’autre. Ce sont là des conventions propres à chaque peuple. Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce point, Pascal se fait explicite. Qu’est-ce qui est au principe de ces conventions ? La réponse : « Parce qu’il a plu aux hommes » révèle qu’elles n’ont pas d’autre justification que le bon plaisir des peuples. Avec la notion de plaisir le philosophe enracine les institutions dans la sphère des désirs ou dans son langage, des concupiscences et dans la toute PhiloLog » Deuxième discours sur la condition des Grands. Grandeurs naturelles, grandeurs d’établissement. Pascal. » Print 30/01/2015 http://www.philolog.fr/deuxieme-discours-sur-la-condition-des-grands-grandeurs-naturelles-grandeurs-detablissement-pascal/print/ 2 / 6 puissance de l’imagination. On ne peut pointer davantage l’arbitraire et la relativité des établissements humains et donc des lois, et donc de la justice. Avant la convention qui décide de ces déterminations il n’y a ni juste, ni injuste. Mais dès que la convention a force de loi, le juste s’identifie au respect de la légalité, l’injuste à l’illégalité. Le texte donne une première explication de cette nécessité politique en faisant référence uploads/S4/ deuxieme-discours-sur-la-condition-des-grands.pdf
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- Publié le Nov 18, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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