1 Prof. Dr. MWINDULWA Hervé Droit constitutionnel congolais – Unikivu – 2017-20
1 Prof. Dr. MWINDULWA Hervé Droit constitutionnel congolais – Unikivu – 2017-2018 DROIT CONSTITUTIONNEL CONGOLAIS INTRODUCTION En Droit congolais, on distingue le droit privé et le droit public, on parle de division principale (Summa Divisio). Le droit privé et le droit public comportent chacun plusieurs branches (subdivisions) et le droit constitutionnel est une branche du droit public. Le droit constitutionnel est l’une des branches fondamentales du droit public. Le Droit constitutionnel a pour objet, selon J. GICQUEL, l’encadrement juridique des phénomènes politiques1. Quant à VEDEL, le Droit constitutionnel est le droit de l’autorité politique2. Le Droit constitutionnel a connu une évolution considérable et son domaine est devenu vaste. Il n’intéresse plus seulement l’Etat mais aussi les Droits de l’homme qui protègent les libertés fondamentales de l’homme. C’est ce que le doyen Louis FAVOREU appelle le Droit constitutionnel substantiel (limiter le pouvoir). Il régit la forme de l’État, l’agencement de sa Constitution et le régime d’organisation des pouvoirs publics. Dans les démocraties modernes, il se fixe comme objectif la réalisation pleine et entière de ce que l’on appelle l’État de droit. Celui-ci place la Constitution au cœur de l’édifice juridique et attend d’elle qu’elle garantisse le respect des libertés individuelles par les gouvernants. Pour aborder le droit constitutionnel, il convient de connaître les bases sur lesquelles il repose, mais aussi ses principaux développements en République démocratique du Congo. À cet effet, sont traités les bases constitutionnelles de l’État de droit, les développements du droit constitutionnel, et les mutations du droit constitutionnel sous la IIIème République de 2006 à 2017. Le Droit Constitutionnel Congolais voudrait analyser la manière dont ces différentes notions sont analysées en RDC. 1. Contexte La RDC est un Etat post-conflit. Dans ce sens, elle est aujourd’hui engagée dans un processus de réunification et de reconstruction. Dans un tel contexte, il est aussi important de revisiter les histoires du pays sans oublier son histoire constitutionnelle. En effet, à travers le droit et surtout le droit constitutionnel, seule l’histoire politique du pays qui est portée à la connaissance des citoyens. Le cours de Droit constitutionnel congolais est venu remplacer celui d’Institutions politiques du Congo. La possibilité d’un droit constitutionnel congolais résulte directement du principe de souveraineté selon lequel tout Etat peut se doter d’une organisation politique, administrative, sociale et culturelle de son choix. C’est ce qu’on appelle « l’autonomie 1 Jean GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, 10e Edition, Paris, Montchrestien, 1993, p.4 2 Georges VEDEL, Manuel élémentaire de droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 2002 2 Prof. Dr. MWINDULWA Hervé Droit constitutionnel congolais – Unikivu – 2017-2018 constitutionnelle ». Celle-ci est la conséquence de non-ingérence, chaque peuple a droit à l’autodétermination. Aussi, le préambule de la Constitution congolaise de 2006 précise « Réaffirmant notre doit inaliénable et imprescriptible de nos organiser librement et de développer notre vie politique, économique, sociale et culturelle, selon notre génie propre ». Dès son accession à l’indépendance, la République démocratique du Congo(RDC) a connu des nombreuses constituions dont certains n’ont pas été appliquées. On peut évoquer donc : la Loi fondamentale(1960), la Constitution de Luluabourg(1964), la Constitution révolutionnaire(1967), l’Acte constitutionnel de la transition(1992), la Constitution, le Décret- loi constitutionnel (24/05/1997), la Constitution de la transition issue du dialogue inter congolais(2003) et la Constitution de la 3ème République (2006). Parmi les textes qui n’ont pas connu des meilleures applications, on peut citer : l’Acte portant dispositions constitutionnelles relative à la période de transition, le Projet de Constitution de la République fédérale du Congo proposé par la Conférence Nationale Souveraine et la Loi No 93-001 portant l’acte constitutionnel harmonisé relatif à la transition du 02/04/1993. 2. Intérêt et objectif du cours Actuellement, l’Afrique, en général et la RDC, en particulier, ressentent le besoin de réécrire leurs histoires. Cette réappropriation de l’histoire ne peut pas se limiter à un simple rappel des évènements et laisser de côté les phénomènes sociaux tels que les institutions politiques et le droit constitutionnel. Par ailleurs, le paysage doctrinal congolais, très peu d’auteurs ont consacrés leur recherche à l’histoire constitutionnelle de la RDC. A l’instar de ce que Georges BURDEAU3, B. CHANTEBOUT, P. PACTET, J. MEKHANTER, G. GICQUEL ont fait pour la France et F. DELPERE4 a fait pour la Belgique. Les juristes congolais5 devraient combler cette lacune, cette carence de l’histoire. La politique constitutionnelle pourra permettre de tirer les renseignements du passé, éviter les écueils mimétismes qui nous entraînent souvent dans des impasses, des crises et, mieux penser l’avenir. Le premier objectif de ce cours est de connaitre l’histoire constitutionnelle ; le deuxième est de connaitre aussi la Constitution actuelle. 3 Georges BURDEAU, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 1974 4 F. DELPEREE, Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Bruylant 2000, et Paris, LGDJ, p. 6. 5 ESAMBO KANGASHE Jean-Louis, Traité de droit constitutionnel congolais, Paris, Harmattan, 2017 ; NDJOLI ESENG’EKELI Jacques, Droit constitutionnel: L’expérience congolaise (RDC), Paris, Harmattan, 2013 ; WASSO MISONA Joseph, Constitution de l'Etat de droit et de développement. Essai sur le fondement de la justice constitutionnelle dans les pays en développement d’Afrique noire francophone, Presses Académiques Francophones, 2012 ; Evariste BOSHAB, Entre la Révision de la Constitution et l'inanition de la Nation, Bruxelles, Larcier, 2013 3 Prof. Dr. MWINDULWA Hervé Droit constitutionnel congolais – Unikivu – 2017-2018 Par-delà, l’histoire constitutionnelle, l’étude du droit constitutionnel congolais voulait aussi permettre aux étudiant(e)s, de comprendre l’économie générale de la constitution actuelle. La connaissance des lois devrait commencer par la norme suprême c’est-à-dire la Constitution. L’enseignement du droit constitutionnel en RDC est malheureusement réputé lacunaire et superficielle de sorte que des nombreux (ses) étudiant(e)s sortent de l’université sans connaitre la Constitution de leur pays même la notion qu’on leur apprend6. 3. Les caractéristiques du droit constitutionnel congolais Comme bien des Etats africains, la RDC est ballotée entre l’autoritarisme et l’anarchie. Elle a du mal à atteindre un équilibre satisfaisant. Il lui faudrait des institutions solides, efficaces, légitimes et harmonieuses capables de résister aux pressions internes et externes. Il est à remarquer que l’histoire de la RDC offre l’exemple de toutes les formes marginales des records négatifs : instabilités politiques, militarisation politique et économique, rébellion récurrente, inflation constitutionnelle et monétaire, mauvaise gouvernance, pillage des ressources naturelles, clientélisme politique, népotisme, tribalisme, usurpation de pouvoir, dépassement délibéré des mandats électifs… Cette histoire chaotique a imprimé au droit constitutionnel congolais certaines caractéristiques dont les unes sont d’origine constitutionnelle et d’autres d’origine institutionnelle. a. Les caractéristiques d’origine constitutionnelle Parmi ces caractéristiques, nous pouvons mentionner : - Une inflation constitutionnelle galopante qui est due aux interventions fréquentes du pouvoir constituant originaire ou au pouvoir constituant dérivé. Aussi, la RDC apparait comme un pays grand producteur des constitutions mais à consommation médiocre parce que les citoyens ignorent ces constitutions et les gouvernants les violent. F. DELPEREE7 remarque pour sa part que s’il est un domaine dans lequel le Congo a le plus excellé depuis l’indépendance octroyée le 30 juin 1960 par le Royaume de Belgique, c’est bien celui de la production constitutionnelle. En 40 ans d’indépendance, l’ancienne colonie belge a produit des textes constitutionnels n’ayant aucune commune mesure avec le nombre de ceux de son ancienne métropole, la Belgique, en cent soixante-treize ans. - Une présence de Constitution sans constitutionnalisme. Le constitutionnalisme suppose la séparation et la limitation du pouvoir. Or en RDC, le pouvoir est concentré entre les mains de l’exécutif et surtout du Chef de l’Etat. La Constitutionnalisme suppose aussi la légitimité démocratique de la Constitution et des gouvernants. Or en RDC, la constitution ne provient pas vraiment du peuple parce qu’elle n’est pas 6 Jean Malonga 7 Si en 1831, la constitution de la Belgique crée l’Etat Belge aux comportements unitaires, c’est à partir de 1970 qu’elle lui donne une organisation inspirée des principes du fédéralisme ; celle-ci prend une importance particulière avec la constitution du 17 février 1994. Dans l’un ou l’autre cas, les réformes s’inscrivent dans la continuité constitutionnelle de plus d’un siècle et demi. F. DELPEREE, Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Bruylant 2000, et Paris, LGDJ, p. 6. 4 Prof. Dr. MWINDULWA Hervé Droit constitutionnel congolais – Unikivu – 2017-2018 vraiment soumise au débat public et elle est rédigée dans une langue inaccessible à la plupart des citoyens. Les gouvernants eux-mêmes ont une légitimité douteuse et expirée en raison de la fraude électorale. Ils exercent une gouvernance par « hold up ». Le constitutionnalisme suppose encore : la promotion, la protection et le respect des droits humains. En RDC, l’affirmation des droits humains est théorique. - Une carence de protection de la Constitution. En RDC, la constitution qui est censée protéger les citoyens n’est pas elle-même protégée, en plus d’être ignorée, elle est violée et ultra-cryptée. A ces différentes caractéristiques, on peut ajouter le mimétisme constitutionnel, c’est-à-dire que les constitutions congolaises semblent à certains égards être de textes d’importation qui ne sont pas adaptés à la réalité congolaise. b. Les caractéristiques d’origine institutionnelle On peut souligner ici une certaine instabilité institutionnelle chronique. Elle résulte de changement intempestif d’acteurs politiques et de coup d’Etat. - La militarisation de la vie politique uploads/S4/ droit-constitutionnel-congolais 1 .pdf
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- Publié le Mar 12, 2022
- Catégorie Law / Droit
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