DROIT, FONCIER ET DÉVELOPPEMENT : LES ENJEUX DE LA NOTION DE PROPRIÉTÉ ÉTUDE DE
DROIT, FONCIER ET DÉVELOPPEMENT : LES ENJEUX DE LA NOTION DE PROPRIÉTÉ ÉTUDE DE CAS AU SÉNÉGAL Caroline Plançon Armand Colin | « Revue Tiers Monde » 2009/4 n° 200 | pages 837 à 851 ISSN 1293-8882 ISBN 9782200926038 DOI 10.3917/rtm.200.0837 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-4-page-837.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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La propriété telle qu’elle est conçue par le système civiliste permet d’ailleurs différents montages que l’article rappelle avant d’identifier les pratiques liées à la terre au Sénégal. L’esprit du domaine national sénégalais et les pra- tiques qui lui sont associées suggèrent que le titre foncier n’est pas la seule voie envisageable pour valoriser les terres, en dépit du discours majoritaire. La relation étroite entre statut de la terre et type d’agriculture pose la question des choix politiques que les pays mettent en œuvre pour assurer la sécurité alimentaire. Les politiques foncières mises en œuvre sont-elles suggérées par l’intérêt général et le besoin des populations ou répondent-elles aux exigences de la gou- vernance mondiale ? Mots clés : Sénégal, droit foncier, droit d’usage, pluralisme juridique, pratiques foncières. Juriste de formation se référant à la démarche anthropologique, nous avons bien conscience que le droit est un langage en soi, où le sens commun peut être source de malentendus (pensons à « droit positif » ou « droits réels »). Dans le contexte africain, une deuxième difficulté concerne ce qu’on entend par droit, au sens de quels systèmes juridiques ? Ce questionnement soulève celui de la défini- tion du droit et de son contenu comme objet d’analyse. Selon nous, le droit ne se limite pas au droit tel qu’il est appliqué (le droit positif), mais à l’ensemble des * Juriste-anthropologue, chargée d’enseignement et chercheur associée au Laboratoire d’anthro- pologie juridique et politique (LAJP), Université Panthéon-Sorbonne Paris 1/CNRS UMR 8103 Droit comparé. N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - p. 837-851 - REVUE TIERS MONDE 837 rticle on line rticle on line © Armand Colin | Téléchargé le 13/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.0.184.66) © Armand Colin | Téléchargé le 13/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.0.184.66) pratiques juridiques, y compris issues des droits traditionnels, naturellement moins accessibles, surtout quand ces droits s’expriment dans les langues locales, par exemple en wolof ou en peul, pour le contexte sénégalais. À cet égard, l’anthropologie juridique développée au Laboratoire d’anthropologie juridique et politique a développé des réflexions autour de ces problèmes de traduction, aussi bien linguistiques que juridiques : les échanges entre droit et anthropologie dépassent les mots et intègrent dans le contenu du droit, non seulement le droit applicable, mais également les discours, les représentations et les pratiques juridiques. Plus précisément, nous focaliserons la présentation sur les questions fon- cières. Un premier aspect concerne le terme « foncier » lui-même. Quand on parle d’accès et de droit à la terre sur le continent africain, on parle de « foncier » et non de propriété immobilière. Ce glissement terminologique a une histoire et un sens profond : il a permis d’éluder le terme « propriété », et les considérations politiques et sociales auxquelles il conduit. En effet, dans les premiers travaux juridiques sur la question dans les années 1970-1980 (Le Roy, 1970, 1972, 1980 et Le Bris, Le Roy, Leimdorfer 1982), un des objets de recherche essentiel, et qui le reste aujourd’hui, était de définir le rapport à la terre, vécu dans les pays africains, en insistant notamment sur le fait que même si ce rapport ne coïncidait pas avec la conception de la propriété de l’article 544 du Code civil, il existait pour autant un rapport à la terre et qu’il fallait le considérer dans toute son originalité. Le terme « propriété » au sens civiliste du terme n’est en effet pas adapté à la plupart des contextes ruraux africains et est parfois intraduisible. Par ailleurs, le terme « foncier » permet une approche pluridisciplinaire, cruciale pour cerner les diffé- rents enjeux (juridiques, politiques, socio-économiques...) de l’accès à la terre. Aujourd’hui, la conséquence de ce glissement de terme pourtant justifié, est qu’en France, dans le monde du développement, la question du fondement de la propriété et des rapports à la terre n’est pas suffisamment analysée en termes juridiques. Cela relève de considérations politiques, mais il n’en reste pas moins vrai que le thème garde sa pertinence pour comprendre les enjeux de l’accès à la terre sur le continent. En effet, la catégorie « propriété » va bien au-delà de son acception civiliste (individuelle, absolue et exclusive) et peut offrir différents montages tels que ceux de la propriété collective, propriété partagée..., perti- nents à analyser dans les contextes de réformes foncières en Afrique. À cet égard, dans le sens du thème proposé par le colloque, ces réflexions sont d’autant plus riches qu’elles intègrent les notions issues de la Common Law (ownership, trust, equitable title) et permettent d’ouvrir l’analyse aux deux principales cultures juridiques occidentales (Plançon, 2006). La difficulté de l’exercice qui réside pour nous dans sa concision, nous oblige à tracer à grands traits comment nous percevons la complexité des relations entre appropriation et organisation de la terre dans un contexte de pluralité de cultures juridiques, c’est-à-dire dans une pluralité de rapports au droit et de rapport à la terre. Pour cela, il nous faut évoquer la propriété, tant du point de vue des représentations sociales que l’on peut en avoir que, dans une moindre mesure ici, de son fonctionnement intime en termes de technique juridique : que per- mettent les différents montages des droits démembrés du droit de propriété ? (I) Ensuite, parce que les rapports à la terre au Sénégal sont aussi éminemment ç 838 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 © Armand Colin | Téléchargé le 13/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.0.184.66) © Armand Colin | Téléchargé le 13/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.0.184.66) contextualisés et concrets, nous ferons état du rapport à la terre qui existe au Sénégal dont nous tentons d’étudier le sens et les aboutissants des catégories juridiques en jeu (II). Le contexte sénégalais est l’occasion dans un troisième point de souligner de quelle manière l’organisation de l’accès à la terre n’est pas neutre et s’inscrit culturellement dans les rapports socio-politiques propres à chaque société. Les travaux relatifs à la réforme de la loi sur le domaine national permettent de réfléchir sur les modes de gouvernance aujourd’hui et la manière de concevoir une politique publique foncière (III). I – « QUELLE PROPRIÉTÉ SACRÉE ET ABSOLUE ? » Un des hiatus porte sur l’objet de la propriété : est-ce une chose, un bien ou un droit ? Les mécanismes de la notion de propriété se comprennent mieux quand elle est considérée comme portant sur des droits qui peuvent être aussi biens corporels qu’incorporels ; cette attitude permet d’introduire la notion de propriété sur des droits et ainsi de saisir toute l’amplitude des droits contenus dans « le » droit de propriété. Bien que les droits portant sur la terre semblent a priori porter sur un bien corporel, on peut se demander si finalement les droits en question ne portent pas plus exactement sur la variété des actions possibles, c’est-à-dire sur les « droits d’agir » sur ce bien-fonds, développés par Alain Roche- gude (2005). Pour s’en convaincre, considérons la question de la propriété foncière qui nous intéresse tout particulièrement dans ce travail, elle permet de mieux saisir en quoi la propriété est une construction juridique. « [La] notion même de propriété foncière est intrinsèquement hypothétique, si l’on se donne la peine d’y réfléchir. La simple idée qu’une partie de la surface de la terre puisse “appartenir” à quelqu’un, comme une chemise ou un outil, n’est rien d’autre qu’une fiction culturelle inscrite dans les lois et sanctionnée par elles. Ce qui est possédé, c’est un ensemble de droits spécifiques et limités sur l’activité produc- trice qui s’y exerce. » (Greer, 1998, p. 55) 1. Le contenu des droits liés à l’usage du sol est uploads/S4/ droit-foncier 4 .pdf
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- Publié le Jan 06, 2023
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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