MASTER « DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ DE L’ENVIRONNEMENT » Formation à distan

MASTER « DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ DE L’ENVIRONNEMENT » Formation à distance, Campus Numérique « ENVIDROIT » TRONC COMMUN COURS n°5 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT Michel PRIEUR Professeur Émérite de Droit – Directeur scientifique du CRIDEAU Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Limoges 2 INTRODUCTION Le droit de l'environnement repose sur de grands principes juridiques. Ils résultent soit du droit international conventionnel ou coutumier, soit du droit national à travers les constitutions ou les lois cadre sur l'environnement. Depuis Stockholm (1972), l'Acte unique européen (1985), le traité de Maastricht et Rio (1992), on assiste à une extension de ce que Kant appelait le droit cosmopolitique. Il y a désormais des principes communs aux peuples de la planète, expression d'une solidarité mondiale due à la globalité des problèmes d'environnement. Cela conduit, selon le préambule de la Déclaration de Rio, à instaurer “ un partenariat mondial sur une base nouvelle ” en reconnaissant que “ la terre, foyer de l'humanité, constitue un tout marqué par l'interdépendance ”. Il n'est donc pas étonnant que les principes du droit français de l'environnement soient fortement inspirés des principes du droit communautaire et du droit international. Bien qu'il soit difficile d'identifier et de classer les principes généraux, certains d'entre eux expriment des vœux ou des objectifs, d'autres constituent de véritables normes juridiques. Les uns et les autres, une fois consacrés juridiquement soit dans des traités, soit dans des lois, sont susceptibles d'entraîner des effets juridiques en s'imposant aux comportements des personnes publiques et des personnes privées et en servant aux juges de norme générale de référence. Le code de l'environnement commence dans son livre 1 par l'énoncé des principes généraux repris de la loi Barnier du 2 février 1995. Il sont repris par la Charte de l’Environnement introduite dans la Constitution française en 20051 1 Voir RJE, 2003 numéro spécial. 3 CHAPITRE 1. LA RECONNAISSANCE DU DROIT À L’ENVIRONNEMENT COMME DROIT FONDAMENTAL DE L’HOMME Faire de l'environnement une valeur à protéger, c'est lui reconnaître juridiquement une place au sein de la hiérarchie complexe des droits et principes fondamentaux qui va de la reconnaissance constitutionnelle au principe simplement jurisprudentiel. L'intérêt général lié à la protection de l'environnement a été facilement admis, il n'en a pas été de même pour un droit constitutionnel à l'environnement. SECTION 1. L'ENVIRONNEMENT EST D'INTÉRÊT GÉNÉRAL § 1. La reconnaissance législative de l'environnement C'est le législateur qui a reconnu le premier l'existence d'une nouvelle fin d'intérêt public2. L'article 1 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ( ex-art. L. 200-1, c. rur.) énonçait : “ La protection des espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent sont d'intérêt général. ” La réforme de cet article par la loi 95-101 du 2 février 1995 (L. 110-1, c. env.) ne vise toujours pas expressément l'environnement mais seulement certaines de ses composantes. Désormais sont d'intérêt général la protection, la mise en valeur, la restauration, la remise en état et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels, des sites et paysages, des espèces animales et végétales et de la diversité et des équilibres biologiques. On regrettera que la lutte contre les pollutions ne soit d'intérêt général qu'à travers la protection des ressources et des milieux, même si la loi 96-1236 du 30 déc. 1996 a introduit “ la qualité de l'air ” et “ la santé ”. Il existe d'autres dispositions relatives à des aspects particuliers du droit de l'environnement qui énoncent également une reconnaissance législative de l'intérêt public en la matière et renforcent ainsi la portée de la loi du 10 juillet 19763. L'article 1 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques avait reconnu l'intérêt public de la conservation de certains immeubles comme monuments historiques au titre de l'histoire ou de l'art. Puis l'article 4 de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites a proclamé l'existence de monuments naturels et de sites dont la conservation présente un intérêt général pour des raisons artistiques, historiques, scientifiques, légendaires ou pittoresques. L'article 1 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture proclame d'intérêt public l'insertion des constructions dans le milieu environnant et le respect des paysages naturels ou urbains. La préservation des milieux aquatiques et la protection du patrimoine piscicole sont d'intérêt général (art. 2, loi du 29 juin 1984, art. L. 430-1, 2 La jurisprudence avait admis, semble-t-il, que la faune et la flore sous-marines soient des éléments d'intérêt général (CE, 15 mars 1968, Commune de Cassis, Rec., p. 189). 3 La loi 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat permet aux entreprises de déduire de leur bénéfice imposable les sommes versées aux organismes concourant à la défense de l'environnement naturel. 4 c. env.). La mise en valeur et la protection de la forêt française sont reconnues d'intérêt général (art. 1 de la loi du 4 décembre 1985, art. L. 1 c.for.). La politique spécifique d'aménagement, de protection et de mise en valeur du littoral est d'intérêt général (art. 1 de la loi du 3 janvier 1986, L. 321-1, c. env.). Pour la montagne, la formulation est légèrement différente : “ L'identité et les spécificités de la montagne sont reconnues par la nation ” (art. 1 de la loi du 9 janvier 1985). Depuis la loi 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général (art. L. 210-1, c. env.). La lutte contre la pollution atmosphérique est aussi d'intérêt général (art. 1, loi 96-1236 du 30 déc. 1996, L. 220- 1, c. env.) mais le législateur a omis de qualifier de la sorte la lutte contre le bruit (loi 92-1444 du 31 déc. 1992). Enfin sont reconnues « priorités nationales », la lutte contre l’effet de serre et la prévention des risques liés au réchauffement climatique (art. L. 229 –1 c. env., introduit par la loi 2001- 153 du 19 février 2001). § 2. Les effets de la reconnaissance de l'intérêt général attaché à l'environnement Au niveau juridique, on peut relever trois effets complémentaires concernant le contrôle de légalité, l'apparition d'un service public de l'environnement et d'un ordre public écologique. A. Le contrôle de légalité À partir de la jurisprudence Ville nouvelle Est du Conseil d'État appliquant la théorie du bilan à l'appréciation de la légalité des déclarations d'utilité publique4 le juge administratif a posé comme principe qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou écologiques qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente5. Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement Braibant avait déclaré : “ Ce n'est pas seulement le coût financier de l'opération qui doit être pris en considération mais aussi ce que l'on pourrait appeler d'une façon générale son coût social. À un moment où il est beaucoup question, et à juste titre, d'environnement et de cadre de vie, il faut éviter que des projets par ailleurs utiles viennent aggraver la pollution ou détruire une partie du patrimoine naturel et culturel du pays ”6 Dès 1972, le Conseil d'État a pris en compte effectivement dans son bilan les risques d'une expropriation pour “ l'environnement naturel ”7 ) avant même que la loi du 10 juillet 1976 n'ait proclamé 4 CE, 28 mai 1971, Rec., p. 409 5 Des éléments de l'environnement avaient déjà auparavant été considérés comme pouvant être pris en compte pour apprécier la légalité d'une expropriation (CE, 15 mars 1968, Commune de Cassis, Rec., p. 189). 6 concl. Rec. 1971, p. 410. 7 CE, 12 avr. 1972, Sieur Pelte, Rec., p. 269 5 la protection de la nature d'intérêt général. Puis il a fait figurer l'écologie comme un des intérêts en jeu dans un arrêt du 25 juillet 19758. Il fera par la suite peu d'applications de ce principe. Un projet de lotissement risquant de nuire au caractère des lieux en raison de la proximité d'une abbaye et d'une église, l'atteinte à l'environnement entache d'illégalité la déclaration d'utilité publique9. Une autre annulation d'une déclaration d'utilité publique concerne une zone d'aménagement concertée en vue d'une opération touristique sur l'île d'Oléron et portant atteinte à l'environnement du fait de l'atteinte au site naturel du littoral10. De façon générale, la jurisprudence considère que la sauvegarde des monuments et des sites ayant fait l'objet de mesures de protection fait partie des intérêts publics mis en balance11. En ce qui concerne les autoroutes, la jurisprudence devient plus sensible aux inconvénients soit d'ordre financier12 soit même directement d'ordre environnemental en raison des nuisances concernant le bruit et la qualité de l'air13. Le renforcement de la prise en compte de l'environnement dans les déclarations d'utilité publique quant aux effets des uploads/S4/ dt-de-l-x27-environnement-cours.pdf

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  • Publié le Jan 25, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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