Commentaire groupé de l’arrêt de la CJCE, COSTA c/ENEL et de la décision du Con

Commentaire groupé de l’arrêt de la CJCE, COSTA c/ENEL et de la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004. Rabie HLIOUA C’est à l’occasion de l’examen du traité de Maastricht que le conseil constitutionnel estimera et ce, pour la première fois, qu’au nombre des règles du droit public international auxquelles la République se conforme aux termes de l’alinéa 14 du Préambule de la Constitution de 1946 « figure la règle Pacta sunt servanda qui implique que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». La Constitution, la norme suprême du droit national, garantit la souveraineté de la Nation. En l’espèce le droit communautaire, lui, la limite. La confrontation entre la souveraineté et l’intégration se traduit donc par une opposition entre la Constitution nationale et le droit communautaire. C’est pour cette raison qu’il semble pertinent aujourd’hui d’analyser deux points de vue pour comprendre cette confrontation : celui de la Cour de Justice des Communautés européenne (CJCE) en son fameux arrêt COSTA c/ENEL d’une part, et du Conseil constitutionnel à travers sa décision du 19 novembre 2004, d’autre part. L’affaire Costa, née en 1962, alors que l'Italie décida de nationaliser le secteur de la production et de la distribution d'énergie électrique, en regroupant les diverses sociétés privées de l'époque au sein de l'Ente Nazionale per l'Energia Elettrica. Flaminio Costa, alors actionnaire de la société Edison Volta, avait dès lors perdu ses droits à dividendes et refusait de payer ses factures d'électricité. Assigné en justice, il argumenta que la nationalisation violait toute une série de dispositions du traité CEE de 1957. Le Giudice Conciliatore de Milan se tourna vers la CJCE pour lui demander par le biais d'une question préjudicielle quelle était son interprétation dudit traité. La décision du 19 novembre 2004 procède de ce que le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République le 29 octobre 2004, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé à Rome le même jour, doit être précédée d'une révision de la Constitution L’arrêt de la CJCE est l’un des plus notoires de la jurisprudence de la Cour, doit sa réputation à l’affirmation qu’il contient de la "prééminence" ou de la primauté du droit communautaire sur le droit des Etats membres. Même si elle constituait une arrière pensé des promoteurs de la construction européenne, cette primauté n’est pas inscrite en termes explicites dans les dispositions des traités qui n’énoncent aucune règle de principe à cet égard. Réciproquement et à des décennies d’intervalle le conseil constitutionnel, dans sa décision de novembre 2004 semble avoir fait évoluer sa jurisprudence. En effet le Conseil constitutionnel devait constater que le TECE, et plus particulièrement la clause I-6 (inscrivant dans le marbre, la primauté de l’ordre juridique communautaire) de ce dernier ne crée nullement un Etat fédéral et n'impliquait pas que la Constitution française cesse, dans l'ordre juridique interne, de se situer au sommet de la hiérarchie des normes (cons.10). - La Problématique générale participe de ce que la logique des " rapports de système " conduit à pouvoir développer des analyses contradictoires mais a priori aussi incontestable l'une que l'autre. En effet, selon le point de vue (national ou communautaire) que l'on adopte, on sera irrésistiblement amené à conclure à la supériorité... de son point de départ, c'est à dire, selon les cas, la supériorité de la Constitution, ou la primauté du droit communautaire. Si l'on réfléchit à partir de l'ordre juridique national, on peut difficilement, en effet, ne pas considérer que l'engagement dans l'intégration communautaire s'est fait sur le fondement de la Constitution, d'où la conclusion logique d'une primauté de cette dernière. Si l'on prend la perspective communautaire (ce qui paraît opportun, s'agissant de réfléchir à une caractéristique... du droit communautaire) , on ne peut que refuser l'analyse précédente, en ce qu'elle implique une primauté communautaire aléatoire et à géométrie variable selon les Etats membres, ce qui n'est pas condamnable en soi, mais qui est, à l'évidence, contraire à la nature (la référence, parfois considérée comme un tantinet incantatoire, à la spécificité du droit communautaire, ou à la nature spécifique du droit communautaire correspond bien à un raisonnement fondamental) même du droit communautaire. Dès lors, il faut considérer la situation concrète dans l'ordre juridique français avec une certaine modestie, en essayant notamment de montrer que quels que soient ici les germes conflictuels (évidents, on vient de le voir), une logique de coopération juridictionnel des hautes instance semble se concrétiser. Notre démarche nous conduira dans un premier temps à constater que la jurisprudence du conseil de novembre 2004 semble reprendre la philosophie de l’arrêt COSTA (I), pour dans un second temps apprécier les limites de la primauté ainsi consacré relativement à l’ordre constitutionnel interne (II). I Le Conseil constitutionnel, garant de la suprématie de la Constitution dans le respect dû aux engagements européens L’intégration dans l'ordre juridique des Etats membres signifie que la relation entre l'ordre communautaire et celui des Etats membres est de type résolument moniste. Il n'y a pas place en droit communautaire pour le débat opposant dans la théorie du droit international les monistes, voyant une continuité entre l'ordre juridique international et les ordres étatiques, aux dualistes qui marquent une étanche séparation entre les deux. Les monistes, au nombre desquels on distinguera Hans Kelsen, ou Georges Scelle, permettent de déduire de leur conception l'absence de toute formalité (sinon la publicité pour rendre les normes opposables aux particuliers) pour que les normes d'origine externe, internationale produisent des effets juridiques dans les ordres internes. En l’espèce il semble que l’on puisse distinguer s’agissant tant des juges de Luxembourg que ceux du palais Montpensier une tendance, antédiluvienne pour les uns, récente pour les derniès propre à enrayer la conception dualiste impropre à la construction européenne (A). L'important est que les postions ont consisté à aborder une logique compatible avec le phénomène de l'intégration européenne, c’est peut-on dire une conciliation de l’approche constructive (téléologique) de la part de la CJCE et finalement une approche moins skyzophrene par le conseil, admettant par le biais d’une analyse spécifique la divisibilité implicite de la souveraineté, seule à même de rendre compte du phénomène communautaire (B). A. un dialogue des juges prompt à la neutralisation du dualisme juridique La CJCE en son point 3 note qu’ « A LA DIFFERENCE DES TRAITES INTERNATIONAUX ORDINAIRES, LE TRAITE DE LA C.E.E. A INSTITUE UN ORDRE JURIDIQUE PROPRE INTEGRE AU SYSTEME JURIDIQUE DES ETATS MEMBRES LORS DE L’ENTREE EN VIGUEUR DU TRAITE ET QUI S’IMPOSE A LEUR JURIDICTION ». En effet les traités fondateurs, étant formellement des traités internationaux, sont entrés en vigueur dans les Etats dualistes, tels que l'Italie, selon des procédures imprégnées de dualisme mais la cour s'emploie simplement ici à ce qu'aucun raisonnement dualiste n'en soit déduit pour transformer les rapports entre le droit communautaire et le droit national en problématique purement interne. Ceci se traduit par une position réaliste de la Cour, admettant que les Etats membres déterminent les modalités de conclusion et d'entrée en vigueur des traités, mais refusant, en tout état de cause, de considérer que ces modalités vaudraient " réception " ou " transformation " en droit national. La lecture dualiste de ces procédures pousse à transformer la problématique traité communautaire/loi nationale en une problématique interne (conflit entre deux lois si on considère que le traité a été introduit par une loi dans l'ordre interne, ou conflit entre la loi contraire et la Constitution, si le raisonnement est axé sur le fait que le traité est entré dans l'ordre interne conformément a la Constitution). Dans les deux cas, il est évident que cette approche rend aléatoire l'effet du droit communautaire, puisque, dans le premier exemple, il est subordonné à l'abrogation de la loi contraire, pratique condamnée par la Cour : CJCE 13 juillet 1972 ; Commission/Italie, et dans le second, il est suspendu à une déclaration d'inconstitutionnalité de cette loi contraire (conception condamnée par la Cour de justice : CJCE 09 mars 1978 ; Simmenthal). Pour fonder solidement la primauté, la Cour a choisi de lui donner une assise qui soit communautaire, « EN INSTITUANT UNE COMMUNAUTE DE DUREE ILLIMITEE, DOTEE D ' INSTITUTIONS PROPRES , DE LA PERSONNALITE , DE LA CAPACITE JURIDIQUE , D ' UNE CAPACITE DE REPRESENTATION INTERNATIONALE ET PLUS PARTICULIEREMENT DE POUVOIRS REELS ISSUS D ' UNE LIMITATION DE COMPETENCE OU D ' UN TRANSFERT D ' ATTRIBUTIONS DES ETATS A LA COMMUNAUTE , CEUX-CI ONT LIMITE LEURS DROITS SOUVERAINS ET CREE AINSI UN CORPS DE DROIT APPLICABLE A LEURS RESSORTISSANTS ET A EUX-MEMES. » C'est-à-dire qu'elle a exclu de l'appuyer, par exemple, sur l'autorité reconnue aux traités par les Constitutions des Etats membres. Faire reposer la primauté du droit communautaire sur de telles dispositions internes aurait en effet le double inconvénient dirimant de la faire dépendre de ces dispositions, et de lui donner une sorte de géométrie variable dans les différents Etats membres. Elle a uploads/S4/ costa-c-enel-versus-dc-du-19-novembre-2004 1 .pdf

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  • Publié le Nov 02, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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