L’ORGANISATION JURIDIQUE DES PROFESSIONS DE SANTÉ Cours du Professeur Joël More
L’ORGANISATION JURIDIQUE DES PROFESSIONS DE SANTÉ Cours du Professeur Joël Moret-Bailly Thème 2 Organisation ordinale et disciplinaire Documents à lire Document 1. Rôle de l’Ordre : Discipline, Dictionnaire de la justice, (direction L. Cadiet), P.U.F., 2004, 332-337. Document 2. Fondement légal : art. L. 4121-1 et L. 4121-2 CSP Document 3. Les comités nationaux professionnels : art. 4021-3 CSP et Décret n° 2019-17 du 9 janvier 2019 relatif aux missions, à la composition et au fonctionnement des Conseils nationaux professionnels des professions de santé, JORF n°0009 du 11 janvier 2019, texte n° 9. Document 4. DIDIER TRUCHET, « Les ordres professionnels » in Droit de la santé publique, Les mémentos Dalloz, 2017, pp. 120 à 150. Document 5. J. MORET-BAILLY, Le code français de déontologie médicale : commentaire critique 2 Document 1. Rôle de l’Ordre : Discipline, Dictionnaire de la justice, (direction L. Cadiet), P.U.F., 2004, 332-337. La discipline, activité répressive exercée dans le cadre d'un groupe particulier, peut aller jusqu'à l'exclusion du membre contre lequel elle s'exerce. Celle-ci, présente dans l'ensemble des groupements juridiquement organisés, sous une forme juridictionnelle ou non, est largement encadrée par l'État, notamment en ce qui concerne la composition et de la saisine des institutions. La discipline connaît, à l'heure actuelle, un important processus de "juridictionnalisation", dans le sens où les instances non juridictionnelles empruntent de plus en plus de règles procédurales autrefois caractéristiques des juridictions. Définition La discipline peut se définir à la fois par sont but et par ses sanctions : si elle a pour but le maintien de l'ordre dans un groupe social déterminé, ses sanctions, originales, frappent l'agent dans ses intérêts de membre du groupe. Le droit disciplinaire peut ainsi se définir comme le droit dont l'objet est l'infliction de sanctions disciplinaires. Les enjeux liés à cette activité sont loin d'être négligeables pour les justiciables puisque celle-ci peut aller jusqu'à l'exclusion de la personne du groupe intéressé, la plupart du temps professionnel. Histoire D'un point de vue historique, la répression disciplinaire se développe continuellement depuis la fin de l'Ancien Régime. Ainsi, à l'anéantissement révolutionnaire de l'idée de discipline professionnelle, liée à l'abolition des corporations (décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791) succède leur résurgence progressive. Il s'agit tout d'abord des professions de justice et, principalement, de la profession d'avocat (loi du 22 ventôse an XII, 13 mars 1804), réorganisées dès le début du XIXème siècle. Il s'agit, ensuite, de la reconnaissance des syndicats et des associations (1884 et 1901), qui peuvent exercer en leur sein la répression disciplinaire, ainsi que, peu ou prou à la même époque, de l'émergence d'un droit disciplinaire de la fonction publique. Cette extension du champ de la répression disciplinaire provoque les premières analyses de la doctrine juridique orientées, à l'époque, pour nombre d'entre elles, vers la recherche d'un fondement universel, voire "naturel", de la répression disciplinaire. L'un des enjeux de ces analyses consiste à en permettre ou à en justifier l'exercice dans l'ensemble des institutions, publiques ou privées (et notamment les entreprises), même en l'absence de dispositions spécifiques. La Seconde guerre mondiale et la Libération vont donner une nouvelle dimension au phénomène avec l'organisation d'une quinzaine d'ordres professionnels, chacun chargé de la répression disciplinaire au sein de la profession qu'il encadre. Parallèlement, et depuis la seconde moitié du XIXème siècle, certains secteurs sociaux sont organisés par l'État, principalement dans le domaine économique, mais également, plus récemment, dans le domaine sportif. Il en est ainsi, par exemple, de l'assurance (1867), de la banque (1941) ou des marchés financiers (1967, réorganisés dans les 3 années 1980-1990, puis en 2003) avec la création, depuis les années 1970, d'autorités administratives indépendantes, l'ensemble de ces organisations incluant une dimension disciplinaire. La répression disciplinaire dans les entreprises, réalité faisant l'objet d'une construction jurisprudentielle depuis le XIXème siècle, est, quant à elle réorganisée par la loi en 1982. La situation actuelle se caractérise donc par la généralité de la répression disciplinaire dans l'ensemble des groupements ou institutions juridiquement organisées, publiques ou privées, administrations, entreprises, associations, syndicats, ordres, organisations professionnelles, sportives et de régulation économiques. On peut ainsi recenser quelques 150 organismes disciplinaires, se répartissant à parité entre des juridictions et des organismes non juridictionnels. Ces institutions concernent (compte tenu du mécanisme du double degré, plus développé en ce qui concerne les juridictions) plus d'une centaine de catégories de justiciables, près de quarante pour les juridictions et près de soixante-dix pour les organismes non juridictionnels. Les secteurs sociaux dans lesquels interviennent les juridictions sont principalement la justice (près d'un tiers de l'ensemble), la santé (un quart) et les affaires (un cinquième). En ce qui concerne les organismes non juridictionnels, les agents publics, les élèves, les membres d'organismes para-publics, les sportifs ou les détenus, représentent près des deux tiers des "justiciables". Les agents publics (dont les membres des trois "grandes" fonctions publiques, mais également, par exemple, les militaires ou les magistrats), représentent, à eux seuls, un tiers des catégories de "justiciables". Les élèves de différents établissements d’enseignement en représentent un quart. Les autres catégories regroupent, au premier rang, les salariés du secteur privé, sans doute les plus nombreux, mais également les personnes intervenant dans certains secteurs économiques et sociaux importants comme les assurances ou la mutualité. Les autres catégories de justiciables des organismes disciplinaires non juridictionnels regroupent, pour l’essentiel, des personnes exerçant des activités particulières comme la gérance de débit de tabac ou la conduite de taxis. Dans ce contexte, la profusion de textes relatifs aux agents publics contraste avec la situation du secteur privé, encadré par un texte unique (même si les règles du Code du travail peuvent être précisées dans des conventions collectives). Il semble, en fin de compte, que seuls les commerçants, artisans et travailleurs indépendants, ainsi que les employeurs, échappe aux institutions disciplinaires, sauf s'ils s'y trouvent soumis du fait de leur activité même. Organisations des institutions disciplinaires Du point de vue de leurs activités, les juridictions et organismes disciplinaires non juridictionnels connaissent un certain nombre de points communs, notamment en ce qui concerne les comportements reprochables à leurs "justiciables" ainsi que les sanctions dont ceux-ci peuvent faire l'objet. Du point de vue des comportements reprochables, le droit disciplinaire ne connaît pas, contrairement au droit pénal, de principe de la légalité, selon lequel les comportements pouvant être reprochés, doivent être prévus à l'avance. Les comportements justiciables de la répression disciplinaire ne font ainsi pas l'objet d'une prévision ex ante, mais d'une appréciation ex post en fonction du "bon comportement" attendu du membre du groupe. Il est de principe, en outre, que les comportements prenant place dans 4 le cadre de la vie privée peuvent faire l'objet de la répression disciplinaire dès lors qu'ils entachent l'image du groupe exerçant la répression. L'existence, enfin, de la prévision d'un certain nombre de comportements considérés comme fautifs, par exemple dans des codes de déontologie, n'enlève rien à la possibilité, pour l'autorité disciplinaire, de sanctionner un agent sur un autre fondement, notamment la violation de tous "lois ou règlements". Sur le plan de la pénalité, en revanche, le droit disciplinaire obéit au principe de la légalité, exigeant que ne soient prononcées à titre de sanction que des mesures prévues comme telles par un texte. Les peines prévues s'organisent habituellement de l'avertissement à l'exclusion définitive, en passant par le blâme et l'interdiction temporaire d'exercice. En ce qui concerne les procédures, en revanche, les juridictions et organismes non juridictionnels diffèrent sur de nombreux points. Les autorités de saisine des juridictions disciplinaires se recrutent ainsi essentiellement parmi les représentants de l’administration et les membres du groupe considéré, le parquet étant également systématiquement désigné par le législateur comme autorité de saisine. En ce qui concerne les organismes non juridictionnels, en revanche, c'est, de manière générale, et à l'instar du droit disciplinaire de l'entreprise, de la fonction publique ou des établissements scolaires, exclusivement au dirigeant de l’institution qu’il appartient de déclencher les poursuites. Cette compétence est exceptionnellement transférée à un ministre (magistrats du parquet, praticiens hospitaliers) ou au préfet. Elle est, beaucoup plus rarement, attribuée aux membres du corps dont dépend le justiciable (par exemple les représentants du personnel), une commission administrative, plusieurs autorités hiérarchiques ou bien encore le conseil ou la commission disciplinaire elle-même soit dans le cadre d’une saisine d’office, soit à la suite d’une plainte émanant d’un tiers. Les victimes éventuelles n'appartenant pas aux groupes concernés ne peuvent donc, par principe, saisir les institutions disciplinaires, juridictionnelles ou non. Cette situation pourrait cependant évoluer puisque, dans le domaine de la santé, les patients des professionnels peuvent, depuis 2002, saisir les juridictions disciplinaires de faits qu'ils estimeraient fautifs de la part de professionnels. En ce qui concerne leur composition, les juridictions disciplinaires sont majoritairement (mais non exclusivement) composées de membres du groupe concerné, accompagnées, ou présidées, par un juriste professionnel, souvent un juge administratif ou judiciaire. En outre, certaines juridictions de droit commun se voient attribuer compétence pour statuer en tant que juridictions disciplinaires. Il en est ainsi, notamment, de la Chambre de l'instruction en ce qui concerne les officiers et agents de police judiciaire, du Tribunal de grande uploads/S4/ l-x27-organisation-juridique-des-professions-de-sante-theme-2-pdf.pdf
Documents similaires










-
30
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 16, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 9.2384MB