Commentaire d’arrêt : Conseil d’État 27 février 2004 Popin Cet arrêt est un arr

Commentaire d’arrêt : Conseil d’État 27 février 2004 Popin Cet arrêt est un arrêt rendu par le Conseil d’État en la date du 27 février 2004 relatif à la responsabilité unique de l’État en cas de faute commise par des juridictions administratives spécialisées. En l’espèce, une professeure d’une université a manqué une obligation professionnelle. Ainsi, elle passe en commission disciplinaire et fait l‘objet d’une sanction disciplinaire par le conseil d’administration qui est une juridiction administrative spécialisée au sein d’un établissement public. La requérante a été jugée le 22 janvier 1998 par le conseil de l’Administration de l’Université à la suite du manquement d’une obligation professionnelle. Cette dernière, dénonce le jugement rendu par le conseil de l’Administration de l’Université et engage ainsi une requête le 19 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil de l’État. N’ayant pas obtenu satisfaction, la requérante saisi le Conseil d’État qui s’est prononcé le 27 février 2004. La requérante souhaite engager la responsabilité de l’université, qui s’est réuni en formation disciplinaire, pour la faute commise et ainsi obtenir un dédommagement en réparation des préjudices subis. L’État est-il responsable lorsqu’il y a un dysfonctionnement dans l’exercice de la fonction juridictionnelle des juridictions administratives spécialisées ? Cet arrêt renvoie ainsi à la question de savoir si la juridiction administrative spécialisée est distincte de l’État et ainsi si c’est sa responsabilité qui est engagée ou si au contraire la justice est toujours rendue au nom de l’État même dans le cadre d’une décision d’une juridiction administrative spécialisée. Le conseil d’État dans cet arrêt considère que c’est à l’État et non à l’université de réparer le préjudice commis par la fonction juridictionnelle car lui seul est responsable. Ainsi, seule la responsabilité de l’État peut être engagée car la justice administrative est rendue au nom de l’État. Le conseil d’État sous-entend donc qu’une juridiction administrative de l’État n’est pas un organe distinct de l’État mais fait partie de l’État, il rend donc une décision de justice au nom de l’État seulement. Le Conseil d’État rejette donc le recours contre l’université car la sanction qui a été rendue, a été rendue par l’État uniquement, seule sa responsabilité ainsi est engagée. Ce n’est donc pas l’administration de l’université qu’il faut sanctionner en responsabilité, mais l’État. Cet arrêt reconnait explicitement la responsabilité de l’État dans l’exercice de la fonction juridictionnelle des administrations spécialisées. Il reconnait de plus qu’un organe administratif devient véritablement une juridiction administrative spécialisée lorsqu’il devient un organe juridictionnel. Il rend ainsi une décision de justice et non un acte administratif. Le conseil d’État affirme que seul l’État est responsable en l’espèce car la justice est rendue uniquement en son nom (I) ainsi, le fait de reconnaitre sa responsabilité entraine des conséquences quant à la reconnaissance des juridictions spécialisés administratives qui sont de véritables administrations à part entière (II) I/ L’État comme seul responsable dans l’exercice des services de la justice Le Conseil d’État affirme le principe que la justice est rendue de façon indivisible au nom de l’État (A). De ce fait, seul l’État est en droit d’engager sa responsabilité en cas de dysfonctionnement des juridictions administratives (B) A- La justice : prérogative intrinsèque de l’État Le considérant de cet arrêt débute par l’affirmation que « la justice est rendue de façon indivisible au nom de l’Etat ». Cette affirmation rappelle le principe de l’Ancien Régime que « toute justice émane du Roi ». L’État a ainsi la fonction régalienne de rendre justice qui est l’expression de la volonté du peuple et l’exercice de la souveraineté. Jean Bodin philosophe français du XVIe siècle, énonçait déjà dans son ouvrage Les six livres de la République que rendre la justice est une prérogative régalienne. La justice est rendue de façon indivisible car l’État est une République indivisible comme le dispose l’article 1er alinéa 1 de la Constitution. Les jugements et arrêts des juridictions sont rendus « au nom du peuple français », dont l’État est la personnification juridique. De ce fait, la justice n’est pas dissociée à l’État. Ainsi, seule la responsabilité de l’État est engagée en cas de dommage commis par une juridiction dans un jugement car c’est en son nom uniquement que la justice est rendue. Du fait de sa responsabilité, l’État n’a à répondre de la fonction juridictionnelle qu’à « l’égard des justiciables ». En matière répressive ce sont les personnes poursuivies, en matière non répressive ce sont les demandeurs, défendeurs et intervenants. En l’espèce, la requérante ne peut donc pas engager la responsabilité de l’établissement public de l’université qui lui a causé un préjudice, mais doit engager la responsabilité de l’État car c’est toujours l’État qui prend la décision et qui rend la justice. La justice administrative est donc rendue de manière indivisible au nom de l’État. B – L’État comme unique détenteur de la responsabilité juridictionnelle Cet arrêt de principe énonce avec clarté qu’en cas de dysfonctionnement du service public l’État est le seul responsable. Cependant, le principe de la responsabilité de l’État n’a pas toujours été présent en droit administratif. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, un principe est appliqué par le juge administratif, c’est l’irresponsabilité de l’État, ainsi l’État n’assumait pas les conséquences de ses dommages en raison de la volonté de protéger l’argent public et du peu de considération envers les victimes de l’État. De plus, l’idée de souveraineté de l’état exonérait toute action en responsabilité. Sur le plan juridique cela impliquait au fait que l’État n’avait pas de personnalité morale publique mais une personnalité morale civile. C’est la personnalité morale qui sert à l’imputabilité. Le Conseil d’État le 4 janvier 1955 dans l’arrêt Pourcelet affirmait que l’irresponsabilité l’emporte sur l’imputabilité. Par la suite, beaucoup d’arrêts ont admis le principe de responsabilité de l’État mais de manière restreinte. Effectivement, l’engagement de la responsabilité de l’État supposait un déni de justice ou une faute lourde uniquement. Le premier arrêt à reconnaitre la responsabilité de l’état est l’arrêt fondateur du droit administratif qui est l’arrêt Blanco rendu par le Tribunal des conflits le 8 février 1873, cet arrêt consacre explicitement la responsabilité de l’État pour les dommages causés à la suite de son action. Cette responsabilité est cependant limitée car elle n’est « ni générale ni absolue » En l’espèce, l’arrêt commenté reconnait la responsabilité de la fonction juridictionnelle mais cette responsabilité a mis plus de temps à être reconnu. Le Conseil d’état dans l’arrêt nommé l’étang en la date du 12 juillet 1969 affirmait clairement le principe que les décisions prises dans l’exercice de la fonction juridictionnelle n’engagent en aucun cas la responsabilité de l’État. Les évolutions des lois et des jurisprudences ont permis à engager la responsabilité de l’État de façon restrictive tout d’abord puis après les conditions ont été assoupli. La loi du 5 juillet 1972 a reconnu l’État comme le seul responsable en cas de dysfonctionnement du service de la justice s’il y a une faute lourde ou un déni de justice. De plus, l’arrêt du 29 décembre 1978 nommé Darmont rendu par le Conseil d’état reconnait que la faute de la puissance publique peut donner lieu à une indemnité en cas de faute. L’arrêt Popin reste dans la lignée de l’extension des conditions de la responsabilité de l’état en engageant sa responsabilité à une faute simple, ici une faute faite par une formation disciplinaire. Le Conseil d’État reconnait la responsabilité de l’État pour les juridictions administratives : « qu’il n’appartient dès lors qu’à celui-ci de répondre, à l’égard des justiciables, des dommages pouvant résulter pour eux de l’exercice de la fonction juridictionnelles assurée, sous le contrôle du Conseil d’Etat, par les juridictions administratives ». Ainsi, l’État est engagé en l’espèce dans une décision rendue par une juridiction administratives spécialisées qui est ici le conseil en formation de l’université. II/ Une reconnaissance explicite de la compétence des juridictions administratives spécialisées Les juridictions administratives spécialisées sont des juridictions à part entière même si elles ne font pas partie du droit commun (A). Ces juridictions administratives spécialisées sont prévues légalement (B). A- Les juridictions administratives spécialisées en tant que juridiction à part entière L’arrêt considère qu’en l’espèce la requérante ne peut engager la responsabilité de l’université mais doit engager uniquement celle de l’État car une décision juridictionnelle est toujours rendue au nom de l’État. C’est l’Etat qui est responsable même si « la loi a conféré à des instances relevant d’autres personnes morales compétence pour connaitre, en premier ressort ou en appel, de certains litiges » Cela revient donc à dire que les juridictions administratives spécialisées agissent en tant que juridiction même si elles ne sont pas des juridictions de droit commun. En effet, comme l’a précisé le Conseil d’état dans l’arrêt nommé Bayo le 12 décembre 1953, les personnes morales de droit privé chargées de missions de service public statuent en tant que juridictions en matière disciplinaire. En l’espèce, l’université s’est constituée en formation disciplinaire, elle statut ainsi en tant que juridiction. Au sein de l’ordre administratif comme dans l’ordre judiciaire ont été instituées des juridictions spécialisées et certaines sont des institutions dotées uploads/S4/ redaction-au-propre-du-commentaire-da-popin 2 .pdf

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  • Publié le Aoû 14, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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