Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile inté
Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral Rapport adopté par l’assemblée générale plénière du Conseil d’Etat le jeudi 25 mars 2010 Conseil d’Etat Section du rapport et des études P a g e | 2 Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral P a g e | 3 Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral SOMMAIRE SOMMAIRE ...........................................................................................................................3 GLOSSAIRE............................................................................................................................5 INTRODUCTION.....................................................................................................................7 I- L’ETAT ACTUEL DU DROIT EST CARACTERISE PAR UN ENSEMBLE HETEROGENE DE PRESCRIPTIONS OU D’INTERDICTIONS, A L’INSTAR DE LA SITUATION PREVALANT DANS LES DEMOCRATIES COMPARABLES, OU N’EXISTE AUCUNE LEGISLATION NATIONALE SPECIFIQUE.........................................................................9 1. DE NOMBREUSES LEGISLATIONS, REGLEMENTATIONS ET INSTRUCTIONS CONDUISENT D’ORES ET DEJA A PROHIBER OU A DISSUADER, DANS CERTAINS CAS, DES PRATIQUES DE PORT DU VOILE INTEGRAL, VOIRE, PLUS GENERALEMENT, DE DISSIMULATION DU VISAGE........................................................................................9 1.1. Le port du voile intégral en tant que tel est d’ores et déjà prohibé ou pris en compte pour l’application de certaines dispositions.......................................................................................9 1.2. De nombreux dispositifs interdisent, plus généralement, la dissimulation volontaire du visage dans des circonstances ou des lieux déterminés............................................................10 1.3. Le fait de contraindre ou d’inviter autrui à se dissimuler le visage, s’il ne peut être sanctionné directement, peut être appréhendé indirectement.................................................13 2. SI NOMBRE D’ETATS COMPARABLES A LA FRANCE ONT ENCADRE LE PORT DU VOILE INTEGRAL OU LA DISSIMULATION DU VISAGE, AUCUN D’EUX N’A OPTE POUR UNE INTERDICTION GENERALE..................................14 2.1. Des restrictions diverses et de portée variable....................................................................... 14 2.2. L’absence d’interdiction générale de ces pratiques dans l’espace public............................... 15 II- UNE INTERDICTION GENERALE DU PORT DU VOILE INTEGRAL EN TANT QUE TEL OU DE TOUT MODE DE DISSIMULATION DU VISAGE DANS L’ESPACE PUBLIC SERAIT TRES FRAGILE JURIDIQUEMENT ..................................................................................................................17 1. UNE INTERDICTION GENERALE DU SEUL VOILE INTEGRAL NE SAURAIT ETRE RECOMMANDEE.............................17 1.1. Aucun fondement juridique n’apparaît suffisamment solide pour justifier une interdiction générale du voile intégral en tant que tel. ..................................................................................... 17 1.2. L’effectivité d’une interdiction générale du seul voile intégral serait d’ailleurs incertaine.... 21 2. L’INTERDICTION SOUS TOUTES SES FORMES DE LA DISSIMULATION VOLONTAIRE DU VISAGE DANS L’ENSEMBLE DE L’ESPACE PUBLIC NE PEUT ELLE-MEME ETRE ENVISAGEE SANS RISQUE JURIDIQUE..........................................22 2.1. Une prohibition de la dissimulation du visage porterait une atteinte moins large mais néanmoins réelle à certains droits et libertés fondamentaux. ...................................................... 22 2.1.1. Une mise en cause de la liberté personnelle, pouvant toucher au respect de la vie privée......................................................................................................................................... 22 2.1.2. Une mise en cause indirecte d’autres droits et libertés constitutionnellement et conventionnellement garantis .................................................................................................. 22 2.1.3. Des justifications admises par la jurisprudence constitutionnelle et conventionnelle.... 24 P a g e | 4 Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral 2.2. L’ordre public non matériel ne peut à lui seul constituer un fondement suffisant pour une interdiction générale. ..................................................................................................................... 25 2.3. Une interdiction générale de dissimulation du visage dans les lieux publics ne pourrait reposer que sur une conception renouvelée de l’ordre public, étrangère à la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel et donc juridiquement fragile................................................ 26 2.3.1. Une conception sans précédent en droit......................................................................... 26 2.3.2. Un champ d’interdiction large, des exceptions nombreuses et délicates à définir......... 28 2.4. La sécurité publique, composante de l’ordre public matériel, constituerait un fondement très solide pour une interdiction de la dissimulation du visage, mais seulement dans des circonstances particulières............................................................................................................. 30 2.4.1. Un fondement à concilier avec certaines exigences juridiques....................................... 30 2.4.2. Un champ d’application nécessairement restreint s’agissant des lieux concernés......... 33 III- PLUSIEURS MESURES PEUVENT CEPENDANT ETRE ENVISAGEES POUR HARMONISER ET, LE CAS ECHEANT, RENFORCER LE CHAMP DE L’INTERDICTION DE LA DISSIMULATION DU VISAGE, QUELLES QUE SOIENT SES FORMES.................................................................................................................................37 1. UNE LOI POURRAIT PREVOIR L’OBLIGATION DE MAINTENIR A DECOUVERT SON VISAGE DANS CERTAINS LIEUX OUVERTS AU PUBLIC LORSQUE LES CIRCONSTANCES OU LA NATURE DES LIEUX LE JUSTIFIENT................................37 2. LES SANCTIONS POURRAIENT PORTER TOUT PARTICULIEREMENT SUR LES AUTEURS DE CONTRAINTES OU D’INCITATION A LA DISSIMULATION DU VISAGE........................................................................................39 2.1 Le non-respect de l’interdiction de la dissimulation du visage pourrait donner lieu à un nouveau type de sanction. ............................................................................................................. 39 2.2. Le fait de contraindre autrui à se dissimuler le visage pourrait être plus durement sanctionné. ..................................................................................................................................... 40 3. MODALITES DE MISE EN OEUVRE......................................................................................................41 ANNEXES ...............................................................................................................................43 ANNEXE 1 : LETTRE DE MISSION ..........................................................................................................43 ANNEXE 2 : SOLUTIONS JURIDIQUES ENVISAGEABLES................................................................................45 P a g e | 5 Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral GLOSSAIRE CA : Cour d’appel CAA : Cour administrative d’appel Cass. crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation Cass. X civ. : Xème chambre civile de la Cour de cassation Cass. soc. : Chambre sociale de la Cour de cassation CC : Conseil constitutionnel CE : Conseil d’Etat CEDH : Cour européenne des droits de l’homme CJCE : Cour de justice des communautés européennes Com. EDH : Commission européenne des droits de l’homme TA : Tribunal administratif TC : Tribunal des conflits P a g e | 6 Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral P a g e | 7 Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral INTRODUCTION Par lettre de mission du 29 janvier 2010, le Premier ministre a demandé au Conseil d’Etat d’étudier « les solutions juridiques permettant de parvenir à une interdiction du port du voile intégral », qui soit « la plus large et la plus effective possible », dans la perspective du « dépôt d’un projet de loi au Parlement sur ce sujet », tout en rappelant la nécessité de « ne pas blesser nos compatriotes de confession musulmane ». Cette demande s’inscrit dans le contexte de débats publics sur le port du voile intégral en France, qui ont notamment conduit l’Assemblée nationale à créer une mission d’information dont le rapport, rendu public le 26 janvier 2010, présente une grande richesse d’observations et de réflexions. C’est dans le strict cadre de cette demande, et par conséquent en dehors de toute considération sur l’opportunité de légiférer en ce sens, que le Conseil d’Etat a conduit la présente étude. Dans cette perspective étroitement circonscrite, relative en outre à un phénomène spécifique tout à fait nouveau en France, les solutions juridiques présentées dans la présente étude visent principalement à satisfaire à une double exigence juridique : assurer la plus grande sécurité juridique d’une mesure d’interdiction, au regard tant des normes constitutionnelles que du droit de l’Union européenne et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tels qu’éclairés par la jurisprudence des juridictions compétentes ; veiller à l’intelligibilité des dispositifs envisagés, tant par les personnes concernées que par les autorités qui seront plus particulièrement chargées de leur application, ce qui suppose une certaine simplicité. Le choix des modalités d’une mesure d’interdiction a par ailleurs été guidé par la préoccupation d’en garantir l’effectivité, aussi bien juridique que pratique, notamment au regard du contrôle et des sanctions. Enfin, le Conseil d’Etat a tenu compte de deux considérations complémentaires qui peuvent influer sur les décisions ultérieures des pouvoirs publics : prévenir tout risque d’interprétation qui pourrait blesser, au-delà de pratiques particulières, une catégorie de personnes, quelle qu’elle soit ; éviter d’éventuelles conséquences non maîtrisées, qu’il s’agisse de réactions de refus ou de rejet qui aboutiraient paradoxalement à l’amplification des pratiques concernées ou de risques de pressions tendant à des interdictions qui excèderaient les considérations et finalités visées par la lettre du Premier ministre. A la lumière de ces différentes exigences, se pose la question de la signification et donc de l’objet d’une éventuelle interdiction. La pratique du port du voile intégral peut en effet être appréhendée sous deux angles distincts, susceptibles d’aboutir à des mesures de portée P a g e | 8 Etude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral sensiblement différente. Le voile intégral (burqa ou niqab) constitue, d’abord, une tenue dont les origines culturelles et religieuses sont discutées mais qui témoigne, d’une manière générale, d’une conception profondément inégalitaire du rapport entre les hommes et les femmes. Il est aussi l’une des nombreuses formes de dissimulation du visage ayant pour effet et, le cas échéant, pour objet d’empêcher toute reconnaissance de la personne. Au-delà de la signification qu’on lui prête, ce dernier comportement soulève des difficultés pratiques, au regard notamment de considérations de sécurité et, plus généralement, de l’appréhension par autrui. A cet égard, on ne peut ignorer que la pratique de la dissimulation du visage, sous toutes ses formes, tend à se développer dans notre pays. Dans ces conditions, la question posée au Conseil d’Etat se présente de la manière suivante : peut-on juridiquement envisager, pour quels motifs et avec quelles limites, d’interdire le port du voile intégral en tant que tel, ou est-on conduit, de manière plus générale, à discuter de l’interdiction de la dissimulation du visage dont cette tenue est une des formes ? Le Conseil d’Etat a tout d’abord constaté que l’ordonnancement juridique existant apportait d’ores et déjà plusieurs réponses à cette préoccupation, qu’il s’agisse des dispositifs ayant pour effet d’interdire le port du voile intégral lui-même par certaines personnes et en certaines circonstances, des restrictions uploads/S4/ la-rapport-du-conseil-d-x27-etat-sur-le-voile-integral.pdf
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- Publié le Oct 16, 2022
- Catégorie Law / Droit
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