2 0 1 9 ANNALES CORRIGÉES ET COMMENTÉES Marie-Cécile Lasserre Sophie Druffi n-Br

2 0 1 9 ANNALES CORRIGÉES ET COMMENTÉES Marie-Cécile Lasserre Sophie Druffi n-Bricca Diane Boustani Delphine Lanzara DROIT DES OBLIGATIONS LICENCE 2 avec des conseils de méthodologie 32 SUJETS Dont un dossier de 3 COPIES RÉELLES D’ÉTUDIANTS Dissertations Commentaires d’arrêt Cas pratiques « Nul ne peut se faire justice à soi-même ». Partout et nulle part à la fois, ce vieil adage qui n’est proclamé par aucun texte du droit français contient une règle générale selon laquelle tout citoyen doit renoncer à la vengeance privée, à porter atteinte au droit d’autrui sans l’intervention de la justice. Associée à l’idée d’anarchie, la justice privée est perçue comme un mode arbitraire de règlement des différends, traduisant l’impuissance de l’État à préserver l’ordre et la paix sociale. Ainsi, en vertu de cet adage, il n’est pas possible d’être juge et partie de sa propre cause, de s’affranchir de la nécessaire intervention d’une tierce autorité pour faire valoir et protéger ses droits. Il est souvent fait référence à cette règle lorsqu’il s’agit, pré- cisément, d’analyser les dérogations qui y sont apportées. On songe évidemment à la légitime défense ou à l’état de nécessité en droit pénal. Le législateur prend également certaines libertés avec le principe énoncé, lorsqu’une partie est vic- time de la part de son cocontractant d’une inexécution de son obligation née du contrat. Plusieurs moyens d’action sont mis à sa disposition pour contrecarrer le manquement du débiteur à son obligation. À côté des remèdes qui nécessitent l’intervention d’un juge, à l’instar de l’exécution forcée ou la résolution du contrat, d’autres mesures dites de justice privée peuvent être mises en œuvre par le créan- cier victime d’une inexécution du contrat. Le droit de rétention ou la résolution uni- latérale du contrat font notamment partie de cette seconde catégorie de mesures. 68 - Le sujet posé sous la forme d’une question doit être traité comme une dissertation classique. - Votre problématique et votre plan doivent être construits de manière à répondre précisément à la question posée dans le sujet. - L’intérêt du sujet est double : il s’agit d’un sujet de réflexion et d’actualité. - Ce sujet doit nécessairement être mis en perspective avec la réforme du droit des contrats. - L’apport de la réforme du droit des contrats doit être souligné. OBSERVATIONS DU CORRECTEUR (D. Boustani) Dissertation juridique Sujet 9 Vous traiterez le sujet suivant : « L’exception d’inexécution est-elle un remède efficace à l’inexécution du contrat ? » Aucun document n’est autorisé Durée de l’épreuve : 3 heures Dans la mesure où l’exception d’inexécution est considérée comme un moyen de justice privée, il était possible, à titre d’accroche, de dire quelques mots sur l’adage « Nul ne peut se faire justice à soi- même », que tous les étudiants en droit connaissent. L’exception d’inexécution, ou l’exceptio non adimpleti contractus, est aussi consi- dérée comme une voie alternative à l’exécution forcée ou à l’anéantissement du contrat. Plus fruste, ce mécanisme permet à un contractant de refuser d’exécu- ter son obligation si l’autre partie n’exécute pas la sienne. L’exception d’inexécu- tion confère ainsi le droit pour chaque partie à un contrat synallagmatique de s’abstenir d’exécuter son obligation tant qu’elle n’a pas obtenu de la part de son cocontractant la prestation qui lui est due. Souvent qualifiée de primitive ou d’ar- chaïque, en ce qu’elle ne suppose pas l’intervention préalable d’un juge, l’excep- tion d’inexécution n’est qu’une application de la loi du Talion. La partie victime d’une inexécution se dispense d’exécuter sa prestation, faisant ainsi subir le même sort à son cocontractant. Ce moyen de justice privée est licite, car il repose sur les devoirs de loyauté et de bonne foi qui doivent gouverner les rapports contractuels entre les parties. En effet, dans le cadre d’un contrat synallagmatique où les obliga- tions sont réciproques et interdépendantes, une partie ne peut, sauf à méconnaître les principes de loyauté et de bonne foi, exiger de son cocontractant l’exécution de son obligation alors même qu’elle n’a pas honoré son propre engagement. Ce sont d’ailleurs les canonistes qui, attachés au respect de la parole donnée, ont été à l’origine du mécanisme à travers l’adage frangenti fidem non est fides servanda (on n’a pas à tenir parole envers celui qui ne la tient pas). Le mécanisme est doté d’une efficacité redoutable. Car, en n’exécutant pas sa propre prestation, le créancier victime de l’inexécution contraint son cocontrac- tant à exécuter son obligation pour mettre fin à cette paralysie momentanée du contrat. En effet, le lien contractuel n’est pas rompu mais seulement suspendu jusqu’à ce que le cocontractant défaillant exécute finalement sa prestation. L’effet suspensif du contrat témoigne de l’efficacité du mécanisme. Les rédacteurs du Code civil de 1804 avaient perçu le moyen de pression que pouvait représenter l’exception d’inexécution à l’égard du contractant défaillant, mais ne l’avaient consacré que dans des textes épars régissant certains contrats spéciaux. Dans le contrat de vente par exemple, il est prévu à l’article 1612 du Code civil que « le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose si l’acheteur n’en paye pas le prix (…) », cette disposition n’étant qu’une illustration parmi d’autres de la reconnaissance de l’exception d’inexécution en droit des contrats. C’est la jurisprudence qui lui a conféré une place plus importante en considérant que ces dispositions diverses n’étaient en réalité que des applications d’un mécanisme de portée plus géné- rale. Avec l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, le législateur a pris acte de cette appréciation jurisprudentielle en consacrant en droit commun l’exception d’inexécution. L’article 1219 du Code civil introduit par la réforme dispose ainsi de façon générale qu’« une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ». L’exception d’inexécution est donc devenue depuis la réforme une sanction à part entière de l’inexécution du contrat. Mais le législateur ne s’est pas arrêté là. Il a aussi innové en intégrant un nouvel article dans le Code civil, l’article 1220, qui consacre l’exception pour risque d’inexécution (appelée aussi l’exceptio timoris). L’innovation est importante puisqu’elle permet désormais à une partie au contrat de refuser d’exécuter sa prestation par anticipation, de façon préventive, lorsque l’inexécution du contrat par l’autre partie est prévisible. Cette exception d’inexécution anticipée renforce incontestablement l’efficacité du mécanisme. Dans l’introduction, il est primordial de définir les termes du sujet. Vous deviez donc donner la définition de l’exception d’inexécution. Ici, réside le premier intérêt du sujet : la consécration de l’exception d’inexécution dans le droit commun du contrat. L’intitulé du sujet laisse penser que seule l’exception d’inexécution sera ici étudiée. Or, il était indispensable d’évoquer l’exception d’inexécution anticipée, introduite par la réforme et s’analysant en une variante de l’exception d’inexécution. Ici, se situe le second intérêt du sujet : montrer que l’exception d’inexécution anticipée constitue un nouveau remède à l’inexécution prévisible du contrat. 69 Toutefois, l’exception d’inexécution n’est pas exempte de critiques. Les dangers pour l’excipiens sont nombreux justement parce qu’il met en œuvre une mesure de justice privée qui ne nécessite pas l’intervention préalable d’un juge. Le contrôle de l’opportunité de la mesure ne se fait qu’a posteriori, une fois que le créancier l’a mise en œuvre. Or, il peut arriver que celui-ci, pensant être dans son bon droit, oppose l’exception d’inexécution à son cocontractant alors que les conditions d’application ne sont pas réunies. Le risque d’une mise en œuvre illégitime de l’ex- ception d’inexécution marque, entre autres, la faiblesse du mécanisme. Au regard de tous ces éléments, il apparaît difficile de répondre par l’affirmative ou par la négative à la question posée dans le sujet sans y apporter des nuances. Si l’effica- cité de l’exception d’inexécution découle de son effet principal, à savoir suspendre le contrat tant que le contractant défaillant n’exécute pas sa prestation (1), il n’en demeure pas moins que l’excipiens encourt certains risques inhérents à la mise en œuvre d’une mesure de justice privée (2). 1 •  L’efficacité de l’exception d’inexécution tenant à l’effet suspensif du contrat L’exception d’inexécution est, pour reprendre les mots du Professeur Bénabent, « une sorte de légitime défense contractuelle ». C’est d’ailleurs ce qui explique l’efficacité du mécanisme. Parce qu’il s’agit d’un moyen de justice privée qui ne requiert pas l’intervention d’un juge, l’exception d’inexécution diffère des autres sanctions de l’inexécution du contrat. Son efficacité découle aussi du fait que plusieurs fonc- tions sont attribuées au mécanisme. En n’exécutant pas sa prestation, le créancier victime de l’inexécution du contrat poursuit en effet deux finalités différentes, que seule la suspension du contrat permet de réaliser. La mise en œuvre d’une mesure de justice privée (A) et le double objectif assigné à l’exception d’inexécution (B) témoignent donc de l’efficacité de ce mécanisme. A) L’exception d’inexécution, un mécanisme souple dans sa mise en œuvre L’exception d’inexécution est très simple à mettre en œuvre. La souplesse et la rapidité caractérisent le mécanisme et fondent son originalité. L’exception d’inexé- cution est un moyen de défense, une uploads/S4/ l2-droit-des-obligations-corrige 1 .pdf

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  • Publié le Dec 21, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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