LA TRANSPARENCE ET L’AUTONOMIE DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES Jean-Éric Gicquel

LA TRANSPARENCE ET L’AUTONOMIE DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES Jean-Éric Gicquel Lextenso | « Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel » 2018/2 N° 59 | pages 5 à 21 ISSN 2112-2679 ISBN 9782275060194 DOI 10.3917/nccc1.059.0005 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-les-nouveaux-cahiers-du-conseil- constitutionnel-2018-2-page-5.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lextenso. © Lextenso. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) DOSSIER Le Conseil constitutionnel et la transparence © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) 5 / Le Conseil constitutionnel et la transparence 7 / La transparence et l’autonomie des assemblées parlementaires, par Jean-Éric Gicquel 23 / La transparence de la vie économique, par Benoît Delaunay 35 / La protection constitutionnelle de la transparence administrative, par Emmanuel Aubin 47 / Le contrôle par le Conseil constitutionnel des sanc- tions administratives et pénales associées à la transparence de la vie publique, par Didier Rebut AUTOUR DU MONDE 57 / La Loi fondamentale à la lumière de la Cour constitutionnelle fédérale (Allemagne), par Prof. Dr. Dr. h.c. Andreas Voßkuhle 66 / Revue doctrinale © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) La transparence et l’autonomie des assemblées parlementaires Jean-Éric GICQUEL Agrégé des Facultés de droit Professeur à l’Université de Rennes 1 L’autonomie des assemblées parlementaires est inhérente à leur bon fonction- nement et au respect de la séparation des pouvoirs. Le Parlement, parce qu’il s’agit d’un pouvoir public constitutionnel, s’est vu reconnaître une propre sphère d’action à l’intérieur de laquelle les autres pouvoirs ne peuvent s’im- miscer. En témoignent principalement l’autonomie financière (garantie par l’article 7 de l’ordonnance du 17 novembre 1958) ; l’autonomie administra- tive (les fonc­ tionnaires parlementaires étant des « fonctionnaires de l’État dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l’assem- blée intéressée » (art. 8 de l’ordonnance précitée)) et la capacité de se doter – certes sous le contrôle vigilant du Conseil constitutionnel (art. 61C) – de leur propre loi intérieure, le règlement, soit ce « recueil de prescriptions des- tinées à faire procéder avec méthode une réunion où se rencontrent et se heurtent beaucoup d’aspirations contradictoires »1. L’autonomie est donc une réalité et trouve parfois à s’appliquer dans des circonstances inattendues2. Si le Conseil constitutionnel y accorde toute son attention, celui-ci veille aussi, dans une approche inverse, à ce que les assemblées ne l’entendent pas de façon trop excessive en empiétant sur la marge d’action gouvernementale. À cet égard, on sait que l’article 28 de la Constitution du 4 octobre 1958 (ci-après C.), leur confie le droit de déterminer elles-mêmes, d’une part, les semaines de séance – séances dont le nombre ne peut excéder cent vingt sauf dérogations – et d’autre part, les jours et horaires. Mais, le Conseil a eu l’occasion, à deux reprises, d’énoncer qu’il ne leur est pas possible d’interdire au Gouvernement d’obtenir de droit la tenue de jours de séance supplémentaires (au-delà des 1- E. Pierre, Traité de droit politique électoral et parlementaire, Libraires-Imprimeries réunies, 2e éd., 1902, p. 490. 2- À cet égard, l’article 76 de la loi du 2 juillet 2003 prévoit qu’« en application du principe de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie des assemblées parlementaires qui en découle, les règles applicables à la gestion du patrimoine constitué par le jardin du Luxembourg, dont l’affec- tation au Sénat résulte de l’article 2 de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ainsi que les règles relatives aux constructions, démolitions, travaux, aménagements et installations dans le périmètre et sur les grilles du jardin, sont fixées par les autorités compétentes du Sénat ». Voir à ce sujet l’arrêt de la Cour adminis- trative de Paris, 10 mars 2008, Président du Sénat, n° 05PA04644. LES NOUVEAUX CAHIERS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL - N° 59 - 2018 © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) 8 Dossier mardis, mercredis et jeudis) pour l’examen des textes et débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour des deux semaines de séance sur quatre qui lui sont réservées par priorité en application de l’article 48C3. En d’autres termes, la priorité gouvernementale établie par l’article 48 C prévaut sur l’autonomie garantie par l’article 28C. Mais, en réalité, les assemblées sont surtout placées sur la défensive et à cet égard, une évolution inquiétante a vu le jour avec l’adoption de la loi orga- nique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34‑1C (résolutions), 39C (étude d’impact) et 44C (droit d’amendement) dans leur rédaction issue de loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Les règlements des assemblées se sont ainsi retrouvés purement et simplement tantôt évincés4 ; tantôt soumis à des directives d’application5 ; autant d’atteintes imposées à leur autonomie organi- sationnelle. Dans cette perspective, il est à craindre que les impératifs de la transparence de la vie publique, redevenue, après les premiers élans des années 19906, le nou- veau mantra de l’action politique, accentuent significativement ce phénomène de contraction. Il est à rappeler que les premières règles de transparence financière datent des lois ordinaire et organique du 11 mars 19887. Force est de reconnaître que leur niveau d’exigences était peu élevé et que les assemblées n’avaient guère de souci à se faire quant à la préservation de leur autonomie. L’article LO 135‑1 3- Cons. const., n° 2014‑705 DC, 11 décembre 2014, Règlement de l’Assemblée nationale, Rec. 559 et n° 2015- 712 DC, 11 juin 2015, Règlement du Sénat, JORF, 14 juin 2015, p. 9865. 4- Par exemple, là où une disposition réglementaire aurait pu elle-même prévoir que « lorsque le président d’un groupe envisage de demander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée, il en informe le président de cette assemblée au plus tard quarante-huit heures avant que l’inscription à l’ordre du jour ne soit décidée. Le président de l’assemblée en informe sans délai le Premier ministre », cette modalité est déterminée directe- ment par l’article 4 de la LO. 5- Ainsi, l’article 17 prévoit-il que « lorsqu’un amendement est déposé par le Gouvernement ou par la commission après la forclusion du délai de dépôt des amendements des membres du Parlement, les règlements des assemblées, s’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte, doivent prévoir d’accorder un temps supplémentaire de discussion, à la demande d’un président de groupe, aux membres du Parlement ». 6- Souvenons-nous des propos du Premier ministre, P. Bérégovoy, énonçant que « dans nos sociétés d’information, les exigences de transparence sont fortes. Si le pays veut retrouver confiance en lui-même, il faut d’abord qu’il retrouve confiance en ceux qui le représentent et en ceux qui le dirigent » (JOAN, déb., Séance du 8 avril 1992, p. 370) ou encore de la réflexion du Conseil d’État selon laquelle « trop de transparence récrée aussi, à l’évidence, de l’opacité : à trop donner à voir, on ne montre plus rien », EDCE, Rapport public 1995, n° 47, Doc. Fr., p. 141. 7- Est cependant à citer la référence faite par le rapport Larché d’un décret de la Convention nationale du 4 Vendémiaire de l’an IV exigeant que « chaque représentant du peuple sera tenu, dans le délai d’une décade et dans celui de deux décades pour ceux qui sont négociants ou marchands, de déposer la déclaration de la fortune qu’il avait au commencement de la Révo- lution et de celle qu’il possède actuellement », Doc. Parl. n° 229, Sénat, 11 février 1988, p. 9. © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) © Lextenso | Téléchargé le 05/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.181.224.142) 9 La transparence et l’autonomie des assemblées parlementaires du code électoral – dans sa rédaction de l’époque – se contentait d’astreindre les députés (ainsi que les sénateurs en application de l’article LO 296) à déposer sur le bureau de l’Assemblée des déclarations certifiées sur l’honneur exactes et sincères de leur situation patrimoniale au début et à la fin des fonctions et qu’il appartenait au seul bureau d’apprécier « la variation des situations patrimo- niales des députés telle qu’elle résulte des déclarations et des observations qu’ils ont pu formuler ». Un tel entre-soi n’était guère compatible avec la transpa- rence. Il faudra attendre la loi organique du uploads/S4/ nccc1-059-0005.pdf

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  • Publié le Nov 01, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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