PLAIDOYER ET RÉQUISITOIRE Proche de la plaidoirie (qu'on réservera au domaine j

PLAIDOYER ET RÉQUISITOIRE Proche de la plaidoirie (qu'on réservera au domaine juridique), le plaidoyer est, avec le réquisitoire, un travail d'écriture qu'on rencontre à l'examen de plus en plus fréquemment. Même si on reste toujours indulgent quant à la stricte observance de leurs formes rhétoriques, ces types d'exercices exigent une certaine maîtrise du vocabulaire et de la syntaxe dans la mesure où il s'agit de rester fidèle au registre oratoire. Celui-ci donne au texte une acuité et une tension particulières qui constituent un bon aboutissement de l'étude des formes argumentatives. Plaidoyer et réquisitoire appartiennent au genre judiciaire. On sait que la rhétorique classique reliait les discours à trois situations fondamentales :  l'orateur défend ou attaque quelqu'un à cause d'un acte commis dans le passé, pour persuader de l'innocence ou de la culpabilité : c'est le genre judiciaire;  il s'adresse à une assemblée afin de la persuader de prendre une décision qui concerne l'avenir : c'est le genre délibératif;  il vante les mérites ou critique les défauts d'une personne ou d'une institution : c'est le genre épidictique. Mais, comme il en est de tout classement, ces catégories sont poreuses : un même texte peut, par exemple, conjuguer les formes classiques du judiciaire et de l'épidictique. C'est autour de ce mélange que s'inscrit notre séquence : éloge et blâme, qui appartiennent plus précisément à l'épidictique, rejoignent naturellement les registres mis en œuvre dans le plaidoyer ou le réquisitoire, qui ressortissent au judiciaire. Dans toutes ces productions, en tout cas, la littérature reconnaît l'une de ses vibrations fondamentales, chargée toujours des accents de l'amour ou de la haine. E XERCICE 1 : l'éloge et le blâme : Apologie ou satire, louanges ou railleries, les genres épidictiques sont très anciens et correspondent d'abord à des catégories très formalisées, inscrites dans les canons de la rhétorique ancienne. Il s'agit toujours dans ces discours publics de l'éducation morale des citoyens : par les plus hauts exemples de vertu ou de vice, en ne ménageant pas les effets d'amplification, l'orateur s'inscrit dans un édifice de valeurs auxquels chacun est invité à souscrire. Dépassant ces catégories, l'écrivain moderne a su allier dans les ressorts de son émotion l'objet public à l'hommage privé : Victor HUGO, Le manteau impérial (Châtiments, 1853) COLETTE, La Naissance du jour (1928) Oh ! vous dont le travail est joie, Vous qui n'avez pas d'autre proie Que les parfums, souffles du ciel, Vous qui fuyez quand vient décembre, Vous qui dérobez aux fleurs l'ambre « Monsieur, « Vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous, c’est-à-dire auprès de ma fille que j’adore. Vous qui vivez auprès d’elle, vous savez combien je la vois rarement, combien sa présence m’enchante, et je suis touchée que vous m’invitiez à venir la voir. Pourtant, je n’accepterai pas votre Pour donner aux hommes le miel, Chastes buveuses de rosée, Qui, pareilles à l'épousée, Visitez le lys du coteau, Ô sœurs des corolles vermeilles, Filles de la lumière, abeilles, Envolez-vous de ce manteau ! Ruez-vous sur l'homme , guerrières ! Ô généreuses ouvrières, Vous le devoir, vous la vertu, Ailes d'or et flèches de flamme, Tourbillonnez sur cet infâme ! Dites-lui : « Pour qui nous prends- tu ? « Maudit ! nous sommes les abeilles ! « Des chalets ombragés de treilles « Notre ruche orne le fronton; « Nous volons, dans l'azur écloses, « Sur la bouche ouverte des roses « Et sur les lèvres de Platon. « Ce qui sort de la fange y rentre. « Va trouver Tibère en son antre, « Et Charles neuf sur son balcon. « Va ! sur ta pourpre il faut qu'on mette, « Non les abeilles de l'Hymette , « Mais l'essaim noir de Montfaucon ! » Et percez-le toutes ensemble, Faites honte au peuple qui tremble, Aveuglez l'immonde trompeur, Acharnez-vous sur lui, farouches, Et qu'il soit chassé par les mouches Puisque les hommes en ont peur ! aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir ! C’est une plante très rare, que l’on m’a donnée, et qui, m’a-t-on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or, je suis déjà une très vieille femme, et, si je m’absentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois... «Veuillez donc accepter, Monsieur, avec mon remerciement sincère, l’expression de mes sentiments distingués et de mon regret.» Ce billet, signé « Sidonie Colette, née Landoy », fut écrit par ma mère à l’un de mes maris, le second. L’année d’après, elle mourait, âgée de soixante-dix-sept ans. Au cours des heures où je me sens inférieure à tout ce qui m’entoure, menacée par ma propre médiocrité, effrayée de découvrir qu’un muscle perd sa vigueur, un désir sa force, une douleur la trempe affilée de son tranchant, je puis pourtant me redresser et me dire : « Je suis la fille de celle qui écrivit cette lettre, - cette lettre et tant d’autres, que j’ai gardées. Celle-ci, en dix lignes, m’enseigne qu’à soixante-seize ans elle projetait et entreprenait des voyages, mais que l’éclosion possible, l’attente d’une fleur tropicale suspendait tout et faisait silence même dans son cœur destiné à l’amour. Je suis la fille d’une femme qui, dans un petit pays honteux, avare et resserré, ouvrit sa maison villageoise aux chats errants, aux chemineaux et aux servantes enceintes. Je suis la fille d’une femme qui, vingt fois désespérée de manquer d’argent pour autrui, courut sous la neige fouettée de vent crier de porte en porte, chez des riches, qu’un enfant, près d’un âtre indigent venait de naître sans langes, nu sur de défaillantes mains nues... Puissé-je n’oublier jamais que je suis la fille d’une telle femme qui penchait, tremblante, toutes ses rides éblouies entre les sabres d’un cactus sur une promesse de fleur, une telle femme qui ne cessa elle- même d’éclore, infatigablement, pendant trois quarts de siècle... Questions : 1. Recherchez dans le texte de Victor Hugo les formes littéraires du blâme et, dans celui de Colette, celles de l'éloge. Montrez que le texte de Hugo contient aussi ces dernières. 2. Quelles sont les valeurs défendues par chacun des deux écrivains ? 3. Recherchez, dans le champ des deux genres, le sens des mots suivants et précisez leurs différences à l'aide d'exemples : ► l'éloge : apologie - blason - dithyrambe - hymne - louange - oraison funèbre - panégyrique. ► le blâme : diatribe - épigramme - factum - libelle - pamphlet - pasquin - philippique - réprobation - satire - vindicte. 4. Comment peut-on classer ces mots du plus faible au plus fort ? ► mélioratif : merveilleux - admirable - splendide - divin - grand - mirifique - magnifique - sublime - prodigieux - fabuleux. ► péjoratif : exécrable - ignoble - immonde - détestable - abject - bas - vil - méprisable - infâme - misérable. ► Attention à l'ironie, qui, par le recours à l'antiphrase , inverse les termes appréciatifs pour inviter le lecteur à mieux saisir le ridicule des thèses qu'il souhaite réfuter. Repérez ces effets dans le texte ci-dessous, où Condillac entreprend de dénoncer, comme Fontenelle, les erreurs de méthode de la philosophie scolastique : Qu'un Philosophe donc qui ambitionne de grands succès, exagère les difficultés du sujet qu'il entreprend de traiter; qu'il agite chaque question comme s'il allait développer les ressorts les plus secrets des phénomènes; qu'il ne balance point à donner pour neufs les principes les plus rebattus, qu'il les généralise autant qu'il lui sera possible; qu'il affirme les choses dont son lecteur pourrait douter, et dont il devrait douter lui-même; et qu'après bien des efforts, plutôt pour faire valoir ses veilles que pour rien établir, il ne manque pas de conclure qu'il a démontré ce qu'il s'était proposé de prouver : il lui importe peu de remplir son objet : c'est à sa confiance à persuader que tout est dit quand il a parlé. Il ne se piquera pas de bien écrire, lorsqu'il raisonnera : alors les constructions longues et embarrassées échappent au lecteur, comme les raisonnements. Il réservera tout l'art de son éloquence, pour jeter de temps en temps de ces périodes artistement faites, où l'on se livre à son imagination sans se mettre en peine du ton qu'on vient de quitter, et de celui qu'on va reprendre, où l'on substitue au terme propre celui qui frappe davantage, et où l'on se plaît à dire plus qu'on ne doit dire. Si quelques jolies phrases qu'un écrivain pourrait ne pas se permettre, ne font pas lire un livre, elles le font feuilleter et l'on en parle. Traitassiez-vous les sujets les plus graves, on s'écriera : ce Philosophe est charmant. [...] Mais n'oubliez pas de traiter avec mépris ces observateurs, qui ne suivent pas vos principes parce qu'ils sont plus timides que vous quand il s'agit de raisonner : dites qu'ils admirent d'autant plus, qu'ils observent davantage et qu'ils raisonnent moins; qu'ils nous étourdissent de merveilles qui uploads/S4/ plaidoyer-et-requisitoire.pdf

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  • Publié le Jui 14, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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