REVUE BELGE DE DROIT INTERNATIONAL 1999/1 — Éditions BRUYLANT, Bruxelles LE DRO

REVUE BELGE DE DROIT INTERNATIONAL 1999/1 — Éditions BRUYLANT, Bruxelles LE DROIT DES RELATIONS DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES DANS LA PRATIQUE RÉGENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR Nicolas ANGELET (*) D o c t e u r e n d r o i t , CHERCHEUR AU CENTRE DE DROIT INTERNATIONAL DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES, a v o c a t À B r u x e l l e s I n t r o d u c t i o n 1. Au cours des dernières années, l’action du Conseil de sécurité en vertu du Chapitre V II de la Charte a laissé son empreinte sur l’application du droit international coutumier et conventionnel dans divers domaines. Si le rôle du Conseil de sécurité dans certaines matières comme le droit humani­ taire a fait l’objet d’études doctrinales, son impact sur le droit des relations diplomatiques n’a pas, à ce jour, été analysé. Or, l’examen de la pratique du Conseil est susceptible de contribuer à une meilleure compréhension de la réalité du droit des relations diplomatiques et consulaires et de son évolu­ tion (1). Elle pourrait également aider à mieux définir la portée des pou­ voirs du Conseil de sécurité en vertu du Chapitre V II de la Charte. Sur ce plan, on ne peut manquer de relever qu’ à défaut d’être tous des juristes, les représentants des Etats membres du Conseil sont sans exception des diplomates. Si l’on a pu mettre en doute la compétence du Conseil de sécu­ rité pour interpréter et appliquer le droit international (2), il n’est guère contestable que ses membres ont une connaissance pratique du droit des relations diplomatiques et consulaires, et un intérêt personnel à sauvegar­ der son intégrité. La pratique dans ce domaine pourrait donc constituer le modèle de l’ action du Conseil au regard du droit international, en ce sens {*) L’auteur tient à remercier MM. Jean Salmon et Pierre Klein pour leurs suggestions. Les erreurs sont bien sûr imputables à lui seul. (1) Sur l’influence qu’exerce le Conseil de sécurité sur l’évolution du droit international, V. en particulier A lva r e z, José, «Judging the Security CounciU, A .J.I.L ., vol. 90, 1996, pp. 1-39. (2) V. notamment Conséquences juridiques pour les Etats..., op. diss. Fitzmaurice, C.I.J. Recueil 1971, p. 299, par. 2; H iggins, Rosalyn, «International Law and the Avoidance, Contain- ment and Resolution of Disputes — General Course on Public International Law», Rec. des Cours, 1991, V, p. 241; A rangio-R u iz, Gaetano, Cinquième Rapport sur la Responsabilité des Etats, A/CN.4/453/Add.3 du 17 juin 1993, par. 103. 150 NICOLAS ANGELET qu’elle posséderait au plus haut point certaines qualités ou caractéristiques qui en feraient le représentant de sa catégorie. Elle est susceptible, à tout le moins, d’offrir un modèle pour l’action du Conseil, c’est-à-dire l’exemple à suivre, dans d’autres secteurs du droit international. Pour en juger, il convient d’analyser la pratique du Conseil de sécurité dans le domaine des relations diplomatiques et consulaires pour élaborer un modèle, au sens, cette fois, d’une représentation schématisée d’une réalité complexe (3). A cette fin, il faut montrer d’abord que le Conseil a, depuis l’invasion du Koweït par l’Iraq, accordé une importance particulière à la protection des relations diplomatiques. Le droit qui les régit s’avère être, à divers égards, un élément clé du maintien de la paix (A). Il faudra ensuite étudier les cas où le droit diplomatique, et notamment l’immunité, semblent de prime abord être un obstacle au maintien de la paix, et où le Conseil de sécurité paraît déroger au ‘ droit comm un’ des relations diplomatiques, tel qu’il est inscrit notamment dans les conventions de Vienne de 1961 et 1963 (B). Il apparaîtra, dans l’ensemble, que le maintien de la paix et le respect du droit ne sont pas aussi antinomiques que le pensent certains. La notion de ‘ droit diplomatique’ sera utilisée ci-après de façon généri­ que, comme englobant le droit des relations diplomatiques, le droit des rela­ tions consulaires et les privilèges et immunités des organisations internatio­ nales et de leurs agents, qui relèvent tout autant du droit des organisations internationales. I. — L e d r o i t d e s r e l a t i o n s d i p l o m a t i q u e s COMME É LÉM EN T-C LÉ D U M A IN TIE N D E LA P A IX 2. Les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité depuis la deuxième guerre du Golfe montrent bien le rôle particulier du droit diplomatique dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le respect du droit des relations diplomatiques inter-étatiques est perçu comme une condition essentielle au maintien de la paix entre États (1). Le droit diplo­ matique, et notamment les privilèges et immunités de l’ONU, ont égale­ ment pour fonction de garantir le bon déroulement des actions du Conseil de sécurité (2). La place particulière qui est ainsi accordée au droit diplo­ matique va de pair avec une motivation spécifique du recours au Chapi­ tre V II de la Charte. (3) Pour ces diverses acceptions du terme ‘ modèle’ , V. Le nouveau petit Robert — dictionnaire de la langue française, Yo «Modèle», respectivement 3, 1 et 7; pour la dernière acception, V. aussi V ir a l l y, M., «Le phénomène juridique», in : Le droit international en devenir. Essais écrits au fil des ans, Paris, P.U.F., 1990, p. 38; Co rten, O., L ’utilisation du * raisonnable» par le juge interna­ tional. Discours juridique, raison et contradictions, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 605 et les réfé­ rences. LE DROIT DES RELATIONS DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES 151 1. — Le respect du droit des relations diplomatiques inter-étatiques comme élément-clé de la paix entre États, ou la violation du droit diplomatique comme atteinte aux principes de la Charte a) L ’affaire des otages américains à Téhéran 3. Le locus classicus de l’intervention du Conseil de sécurité afin de garantir le respect du droit des relations diplomatiques inter-étatiques est assurément l’affaire du personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran. Les résolutions adoptées dans cette affaire reflètent pourtant une conception minimaliste du rôle du droit diplomatique dans le maintien de la paix. Suite à l’occupation de l’ ambassade américaine à Téhéran par des mili­ tants islamistes, le 4 novembre 1979, le Conseil de sécurité adopta la résolu­ tion 457 (1979). Le Conseil réaffirma «l’obligation solennelle qu’ont tous les États parties à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et à la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 de respecter l’inviolabilité du personnel diplomatique et des locaux de ses mis­ sions», et demanda instamment au Gouvernement iranien «de libérer immé­ diatement le personnel de l’ambassade des États-Unis d’Amérique détenu à Téhéran, d’ assurer sa protection et de lui permettre de quitter le pays» (4). Cette résolution n’ayant pas été suivie d’effet, le Conseil adopta la résolution 461 (1979) du 31 décembre 1979. Par ce texte, le Conseil, < t Gravement préoccupé par la tension croissante entre la République islami­ que d’Iran et les États-Unis d’Amérique causée par la capture et la détention prolongée de ressortissants des Etats-Unis qui sont détenus en otages en Iran en violation du droit international, et qui pourrait avoir des conséquences graves pour la paix et la sécurité internationales [...] 2. Déplore le maintien en détention des otages à l’encontre de sa résolu­ tion 457 (1979) et de l’ordonnance de la Cour internationale de Justice en date du 15 décembre 1979; 3. Demande instamment une fois encore au Gouvernement de la République islamique d’Iran de libérer immédiatement tous les ressortissants des Etats- Unis détenus en otages en Iran, d’assurer leur protection et de leur permettre de quitter le pays; [...] 6. Décide de se réunir le 7 janvier 1980 pour examiner la situation et, en cas d’inobservation de la présente résolution, pour adopter des mesures efficaces conformément aux articles 39 et 41 de la Charte des Nations Unies.» (5) Un projet de résolution prévoyant l’adoption de mesures en vertu du Chapitre V II de la Charte sera rejeté le 13 janvier 1980 suite au vote néga­ tif de l’Union soviétique (6). Il n’en est pas moins intéressant de voir quel (4) S/KES/457 (1991), par. 7 du préambule et par. 1 du dispositif. (5) S/RES/461 (1979), e.a. par. 3 du préambule. (6) S/PV.2191 du 13.1.1980. 152 NICOLAS ANGELET aurait été le fondement concret de l’action en vertu du Chapitre V II qu’an­ nonçait par la résolution 461 (1979). 4. Dans la résolution 461 (1979), les mots-clefs «paix et sécurité interna­ tionales», qui rappellent la formule de l’article 39 de la Charte, se réfèrent à la «tension croissante» entre l’Iran et les Etats-Unis causée par la déten­ tion des otages «en violation du droit international» (7). Cette formule met deux choses en évidence. D ’abord, l’ action en vertu du Chapitre V II ne serait pas fondée directement sur la violation du droit des uploads/S4/ rbdi-1999-1-pp-149-a-177-nicolas-angelet-pdf.pdf

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  • Publié le Apv 27, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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