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VOTRE DOCUMENT SUR LEXTENSO.FR - 18/09/2019 05:45 | UNIVERSITE PARIS II Responsabilité des contractants à l'égard des tiers : Boot shop en bout de course ? Issu de Revue des contrats - n°03 - page 425 Date de parution : 15/09/2017 Id : RDC114k0 Réf : RDC 2017, n° 114k0, p. 425 Auteur : Jean-Sébastien Borghetti, professeur à l'université Panthéon-Assas (Paris 2) Quatre décisions rendues par trois chambres différentes de la Cour de cassation au cours du premier semestre 2017 témoignent de l’existence de divergences sur la question délicate de la responsabilité des contractants à l’égard des tiers. Elles font douter du maintien de la solution affirmée dans l’arrêt Boot shop de 2006 et appellent une clarification de la position de la haute juridiction. Cass. com., 18 janv. 2017, nos 14-16442 et 14-18832 Cass. 3e civ., 18 mai 2017, no 16-11203 Cass. 1re civ., 24 mai 2017, no 16-14371 Cass. 1re civ., 9 juin 2017, no 16-14096 Aucun lecteur régulier de cette Revue, ni même aucun juriste un tant soit peu familier du droit des contrats, n’ignore l’existence de l’arrêt Boot shop, ou Myr’Ho, rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 6 octobre 2006, et surtout de l’attendu de principe formulé à cette occasion : « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage »1. L’arrêt Boot shop et la règle extrêmement générale qu’il pose ont fait couler beaucoup d’encre. Nous ne reviendrons pas ici sur les nombreuses raisons qui font que cette règle est à notre sens non seulement mauvaise, mais aussi intenable (du moins dans sa généralité)2, sinon pour dire qu’elle foule aux pieds le principe de la relativité contractuelle (C. civ., art. 1199, al. 1er, nouv.) et celui de la limitation de la responsabilité du débiteur à ce qui était prévisible lors de la conclusion du contrat (C. civ., art. 1231-3, nouv.), en autorisant le tiers à exiger sous forme de dommages et intérêts l’équivalent de l’avantage que lui aurait procuré l’exécution conforme du contrat et en rendant le débiteur contractuel potentiellement responsable envers un nombre de personnes indéfini, et pour des montants indéfinis. Au cours de la décennie qui a suivi le prononcé de l’arrêt Boot shop, les différentes chambres de la Cour de cassation ont malheureusement eu l’occasion de confirmer à maintes reprises la solution de cet arrêt, en reprenant le plus souvent à la lettre son désormais célèbre attendu de principe. Quelques décisions, il est vrai, étaient venues semer le doute. Deux arrêts de cassation, en particulier, rendus au visa de l’article 1382 ancien du Code civil et émanant respectivement de la troisième chambre civile3 et de la première chambre civile4 (celle-là même qui avait adopté dès la fin des années 1990 la position finalement consacrée par l’assemblée plénière en 20065), avaient reproché à des juges du fond d’avoir retenu la responsabilité d’un débiteur à l’égard d’un tiers sans avoir caractérisé en quoi le manquement contractuel qui lui était imputable constituait une faute quasi délictuelle à l’égard du tiers. Ces décisions s’étaient cependant révélées sans lendemain, l’une et l’autre chambre ayant par la suite réaffirmé leur attachement à la jurisprudence Boot shop6. Celle-ci paraissait donc bien établie au moment de l’adoption de la réforme du droit des contrats, qui n’a nullement cherché à la remettre en cause. L’ordonnance du 10 février 2016 s’est en effet contentée de réaffirmer le principe de relativité des contrats (C. civ., art. 1199, al. 1er, nouv., qui reprend la substance de C. civ., art. 1165, anc.), qui n’avait pas empêché l’adoption de la règle contenue dans l’arrêt Boot shop. Toutes les questions relatives à la responsabilité se trouvaient renvoyées à une future et hypothétique réforme de la responsabilité civile. Dès 1/6 avril 2016, cependant, la Chancellerie publia son avant-projet de réforme de la responsabilité civile, qui prenait quant à lui le contre-pied de l’arrêt Boot shop et revenait en substance à la règle traditionnelle, qui veut qu’un tiers ne puisse invoquer un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle que lorsque ce manquement constitue en même temps un fait générateur de responsabilité délictuelle, c’est-à-dire en pratique une faute au sens de l’article 1240 nouveau (C. civ., art. 1382, anc.) du Code civil7. Cette proposition allait-elle faire bouger les lignes jurisprudentielles ? Il sembla dans un premier temps que non. Le 27 octobre 2016, la troisième chambre civile reprenait ainsi la formule de l’arrêt Boot shop, en cassant au visa de l’article 1240 nouveau une décision de la cour d’appel de Paris, qui s’était réfugiée derrière le caractère purement contractuel d’une faute commise par un bureau de contrôle et l’absence de dol de celui-ci pour refuser d’engager sa responsabilité envers un entrepreneur général, tenu de garantir le maître d’ouvrage des défaillances d’un ouvrage réalisé par un tiers8. Un mois avant, la première chambre civile avait quant à elle rendu une de ces décisions délicieusement elliptiques et ambiguës dont la haute juridiction a le secret9, qui aurait pu être interprétée comme une amorce de remise en cause de la règle de 2006, mais dont notre camarade de chronique Olivier Deshayes a montré qu’elle maintenait plus probablement le statu quo10. Boot shop for ever, aurait-on donc été tenté de dire à la fin de l’année 2016. Mais voilà que quatre décisions rendues par trois chambres différentes de la Cour de cassation au cours des premiers mois de l’année 2017 ainsi que la publication en mars 2017 d’un nouveau projet de réforme de la responsabilité civile par la Chancellerie viennent rebattre les cartes. L’article 1234 de ce projet ayant déjà été brillamment commenté – et critiqué – dans ces colonnes11, nous nous contenterons de rappeler qu’il reprend en substance la proposition du projet Catala et offre une option au tiers qui se plaint du préjudice que lui aurait causé l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat : ce tiers pourrait agir contre le débiteur défaillant soit sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à condition de prouver qu’un fait générateur de responsabilité délictuelle peut être imputé à ce débiteur (reprise de la solution généralement admise avant 2006, qui figurait dans l’avant-projet de 2016), soit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, auquel cas le tiers aurait à prouver simplement l’existence du manquement contractuel et le lien de celui-ci avec son dommage, mais pourrait se voir opposer les diverses clauses du contrat, et notamment d’éventuelles limitations ou exclusions de responsabilité. Quoi que l’on pense de l’opportunité de la règle proposée12, le fait est que, au rebours de celle que retenait l’avant- projet de 2016, elle tend en substance à confirmer la solution issue de l’arrêt Boot shop, en maintenant le droit du tiers d’obtenir l’équivalent sous forme de dommages et intérêts de l’avantage que lui aurait procuré la bonne exécution du contrat. Elle substitue cependant une responsabilité contractuelle à une responsabilité délictuelle du débiteur, afin de permettre à ce dernier d’opposer au tiers les éventuelles limitations de sa responsabilité contractuelle. Elle érige ainsi symboliquement le tiers lésé en partie au contrat, au mépris du principe de relativité des contrats, puisque l’article 1217 nouveau du Code civil, que le projet de réforme de la responsabilité civile ne prétend pas remettre en cause, réserve l’invocation de la responsabilité contractuelle « à la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ». L’intéressant est que, alors même que la Chancellerie fait retour à la solution de Boot shop après avoir été tentée de l’abandonner, c’est la Cour de cassation qui semble aujourd’hui vaciller dans son attachement à cette solution. En témoignent deux décisions rendues respectivement par la chambre commerciale et la troisième chambre civile les 18 janvier et 18 mai 2017, qui prennent ouvertement le contre-pied de l’arrêt de 2006. Toutefois, comme une jurisprudence trop univoque porterait gravement atteinte à la tradition juridique française, la première chambre civile a, quant à elle, confirmé son attachement à la jurisprudence Boot shop dans deux arrêts du 24 mai et du 9 juin 2017. Ces quatre arrêts méritent d’être brièvement présentés. Dans la première affaire, qui a donné lieu à l’arrêt de la chambre commerciale du 18 janvier 2017, deux époux avaient cédé les actions d’une société exploitant semble-t-il un bureau de tabac. Par la suite, les acquéreurs et la société elle-même avaient intenté une action en dommages et intérêts contre les cédants, faisant valoir divers griefs. L’un d’eux portait sur la non-déclaration aux acquéreurs, par les cédants, de l’existence d’un contrat entre la société et un cabinet d’expertise comptable. La société ayant été condamnée en justice à payer au cabinet environ 18 000 € au titre de factures impayées et d’une indemnité liée au non-respect du préavis contractuel de résiliation, les juges de première instance avaient estimé que les cédants avaient fait preuve de négligence en déclarant dans l’acte de cession qu’il n’existait aucun contrat avec un fournisseur ayant pour objet une obligation de prestations de services, et ils avaient condamné les cédants à verser uploads/S4/ responsabilite-des-contractants-legard-des-tiers-boot-shop-en-bout-de-course-18-09-2019-05-45-04.pdf

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  • Publié le Aoû 01, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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