RGO Le sort probatoire de la quittance en cas de non paiement d’une dette Arrêt

RGO Le sort probatoire de la quittance en cas de non paiement d’une dette Arrêt du 4 nov 2011: La décision de la 1ère chambre civile relance les interrogations liées à la preuve du paiement. Des époux ont contracté un prêt auprès d’une banque qui les a assignés en paiement du solde. Les emprunteurs conteste les échéances impayées en produisant une quittance faisant état du remboursement intégral du prêt, mais la banque a soutenu que cet acte leur avait été adressée à la suite d'une erreur de son système informatique. Pour condamner solidairement les emprunteurs au paiement du solde du prêt, la cour d'appel de Caen, sur la base d'indices sur la situation bancaire des emprunteurs, conclu qu’au vue de leur situation financière et de la procédure de surendettent qu’ils avaient engagé, ces dernier étaient dans dans l'incapacité de rembourser cette somme et retient que la preuve de l'absence de remboursement est ainsi rapportée. Quel est le sort probatoire de la quittance en cas de non paiement d’une dette ? En statuant ainsi, alors que la banque n’apporte pas la preuve que “la quittance n’a pas la valeur libératoire qu’implique son libellé”, la cour de cassation casse sur motif de violation des articles 1341, 1347 et 1348 du Code civil, portant sur les modes de preuves. S’il est admis dans sa jurisprudence traditionnelle, que le paiement d’une obligation monétaire répond au principe de preuve par écrit. Or, la 1ère chambre civil opère un revirement rendu le 6 juillet 2004 (confirmé par un arrêt du 16 septembre 2010) et juge au contraire que “ la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens”. Dès lors la quittance, si elle est établie, s'inscrit dans un système de liberté de la preuve. Ainsi, le paiement peut être librement prouvé, qu’il soit de nature pécunière ou en nature. A partir de cette évolution jurisprudentielle, il aurait été naturel que la libre preuve du paiement, celle qualifié de « fait », s'étende à la possibilité de prouver par tous moyens contre une quittance qui constate éventuellement le paiement. Cependant, en matière de preuve de non paiement, la première chambre considère en l’espèce et non sans surprise, que la preuve du non-paiement d’une créance constitue un acte juridique qui se prouve selon les exigences de l’écrit visé à l’article 1341 du code civil. En l’espèce, il est donc demandé indirectement au créancier, de produire un écrit qui justifierait du non réglement intégrale de la dette, supplantant à la quittance érroné. La banque se voit donc imposé la tâche difficile -voir impossible - de produire un tel document. L'affaire jugée par la premi ère chambre civile le 4 novembre 2011, relance les interrogations relatives à la preuve du paiement. On peut donc se poser la question, des preuves et modalités d’extinction qui régissent une obligation de paiement. La preuve du paiement peut être apportée par deux moyens distincts selon qu’il s’agisse d’un fait ou d’un acte juridique (I). L’obligation de ce paiement s’éteint une fois ce dernier prouvé. La quittance fait partie des modes de preuves dont la force probatoire reste sujette à conflits (II). I. La qualification du paiement entrainant la désignation du type de preuve Les modalités de la preuve juridique du paiement sont visées à l’article 1341 du code civil, (A) mais ont connu une évolution jurisprudentielle requalifiant le paiement des obligations monétaires. (B) A. Valeur juridique du paiement selon les dispositions légales L’article 1341 du code civil dispose que « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. » Cet article différencie les modalités de preuve juridique. S’il s’agit d’un montant supérieur à 1500 euros, il doit être notifié par écrit par acte notarié ou sous seing privé. Si le paiement est un fait, il répond au principe de la liberté de la preuve. L’arrêt du 6 juillet 2004 rendu par la 1ère chambre civile opère un revirement de jurisprudence en requalifiant en « fait » le paiement des obligations monétaires. Il en découle que l’article 1341 peut être analysé sous deux règles. La 1ère permet au paiement qualifié de fait de ne plus répondre de l’article 1341. Tandis que la quittance, acte juridique, reste soumise à cet article même si elle ne constate pas un acte juridique. En l’espèce, la cour de cassation ne donne pas la valeur juridique (fait ou acte) du paiement donc il ne s’agit pas d’un revirement de jurisprudence pour revenir à l’état dans lequel il se trouvait avant 2004. Le paiement reste un fait. B. Modes de preuves admissibles selon la nature de l’obligation La liberté de la preuve du paiement donne la possibilité au débiteur de prouver son paiement même s’il n’a pas réclamé de quittance. Le débiteur peut prouver son paiement par tous moyens. L’article 1341 fixe un seuil de valeur requis pour les actes mais pas pour les faits. A contrario, la jurisprudence permet de requérir à un acte librement établi pour constater une situation susceptible de preuve contraire par tous moyens. L’arrêt pose une distinction étonnante selon qu’il s’agisse d’un paiement ou d’un non-paiement. Cette différenciation ne suit pas la solution traditionnelle posée par l’arrêt du 6 juillet 2004, confirmée depuis par un arrêt du 16 septembre 2010. Ce changement emporte des conséquences concernant la liberté de la preuve. En l’espèce le débiteur peut prouver son paiement par une quittance même erronée. A contrario, pour prouver le non-paiement, le créancier ne peut apporter qu’une preuve répondant aux conditions des articles 1341 et suivants. Le créancier devrait donc produire un écrit qui justifierait du non règlement intégrale de la dette succédant à une quittance erronée. Cette lourde obligation qui repose sur le créancier de produire un écrit est d’autant plus contraignante, qu’elle protège avec efficacité le débiteur. II. Preuve de l’extinction de l’obligation de paiement par la quittance La liberté de la preuve du paiement permet en pratique de garantir la sécurité du débiteur (A) mais relance la divergence entre la 1ère et la 3ème chambre civile qui a pu s’apparenter à une convergence. (B) A. Force probatoire de la quittance assurant la sécurité du débiteur La Haute cour s’intéresse aux moyens par lesquels la valeur probante de la quittance peut être combattue par le créancier. La liberté de la preuve du paiement donne la possibilité au débiteur de prouver la réalisation de son obligation monétaire même s’il n’a pas réclamé de quittance. Il n’y a pas de preuve libre contre une quittance, ce qui permet de garantir la protection du débiteur, face au créancier qui demanderait le paiement de la dette selon des modes de preuves qui lui conféreraient un avantage certain. Si le débiteur a une quittance, elle fait donc obstacle à toute prétention contraire du créancier. Les témoignages et présomptions restent quant à elles irrecevables en dehors des dispositions visées aux articles 1347 et 1348 du code civil. Ainsi, la sécurité du débiteur opère un renversement de la charge de la preuve, qui incombe au créancier. Celui-ci doit prouver que la quittance n’a pas valeur libératoire, ce qui constitue un avantage au profit du débiteur. Les indices n’ont pas une valeur futile face à la quittance. Même en liberté de preuve les indices doivent être fortement caractérisés pour détruire la valeur probante de la quittance. De plus, le créancier va devoir convaincre les juges d’avoir remis une quittance sans être payé. La force probatoire de la quittance pose des difficultés quant à l’apport d’une preuve contraire, mais est également source de divergence entre certaines chambres de la cour de cassation. B. L’assimilation de la quittance : sujet de divergence Certains auteurs ont pu considérer que la solution de l’arrêt du 4 novembre 2011 rendu par la 1ère chambre civile, s’analysait comme un rapprochement vers la solution de la 3ème chambre civile. En effet, si la 1ère chambre opère depuis 2004, une assimilation du paiement comme un fait juridique, la 3ème chambre quant à elle, est restée camper sur la solution traditionnelle qu’elle a réaffirmé dans un arrêt du 27 février 2008, en considérant toujours que la preuve contre quittance reste soumise à un acte, visé à l’article 1341. Ainsi, la divergence entre les 2 chambres a pu donc s’afficher, malgré cela, ces dernières obtiennent le même résultat concernant la force probante de la quittance. Mais leurs distinctions se traduisent par une différenciation de la quittance sur deux points. D’une part, l’une considère que la quittance constatant un fait juridique relève de l’article 1341 (pour la 1ère chambre), et d’autre part, qu’elle y obéit car le paiement est assimilable à un acte juridique (pour la 3ère chambre). Il ne revient donc pas du tout au même de considérer la quittance uploads/S4/ rgo-commentaire-sort-probatoire-quittance.pdf

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  • Publié le Mai 26, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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