Revue Juridique de l'Environnement Droit pénal de l'environnement Marie-José Li

Revue Juridique de l'Environnement Droit pénal de l'environnement Marie-José Littmann-Martin Citer ce document / Cite this document : Littmann-Martin Marie-José. Droit pénal de l'environnement. In: Revue Juridique de l'Environnement, n°2, 1982. pp. 154-169; doi : https://doi.org/10.3406/rjenv.1982.1721 https://www.persee.fr/doc/rjenv_0397-0299_1982_num_7_2_1721 Fichier pdf généré le 03/04/2018 DROIT PENAL DE L'ENVIRONNEMENT M.-J. LITTMANN-MARTIN Chargée de conférences à la Faculté de droit de Strasbourg Le domaine du droit pénal de l'environnement est vaste, et aussi difficile à définir que les intérêts mêmes qu'il entend défendre. Il englobe, bien évidemment, la répression des pollutions et nuisances qui affectent l'eau, l'air, le silence, le sol ; celle des atteintes à la nature par le biais des êtres qui la peuplent, des plantes, forêts, paysages qui l'animent. Mais il peut aussi annexer certaines infractions au droit de l'urbanisme, lorsqu'elles altèrent ou détruisent la beauté d'un site, l'harmonie d'un monument, d'un ensemble urbain ou campagnard. Cette diversité expliquera le contenu hétérogène d'une telle chronique dont le choix des thèmes sera commandé par l'actualité judiciaire et législative. Les observations qui suivent seront consacrées à la répression de la pollution des eaux fluviales. LA REPRESSION DE LA POLLUTION DES EAUX FLUVIALES L'article 434-1 du Code rural est présenté, avec raison, comme le meilleur instrument de lutte contre la pollution des eaux fluviales (1). L'interprétation extensive des éléments constitutifs de cette infraction permet une si large application de ce texte, qu'on la croit facilement sans limites. D'où l'intérêt de décisions qui rappellent la nécessité de certaines conditions, conditions de fond, relatives aux éléments constitutifs de l'infraction (A), mais aussi, conditions de forme, touchant à la poursuite (B). A) Conditions relatives aux éléments constitutifs de l'infraction L'article 434-1 du Code rural réprime: «quiconque aura jeté ou laissé écouler dans les cours d'eau, directement ou indirectement des substances quelconques dont l'action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire ». Son application est donc liée à l'existence d'un déversement nuisible aux poissons et à la réalité de cette nuisance. Ces questions, fréquemment discutées, n'ont fait l'objet d'aucune (DM. Despax, Le Droit de l'Environnement. Litec 1980, p. 369 et ss. § 306. RJ.E. 2/1982 DROIT PENAL DE L'ENVIRONNEMENT 155 décision ou évolution marquante, du moins à notre connaissance (2). Nous ne les évoquerons pas. Nous retiendrons, en revanche, la détermination du lieu du déversement toxique, parce que rarement évoqué, l'élément intentionnel du délit, extrêmement controversé, la désignation du responsable, variable selon les espèces. a) Le lieu du déversement polluant La chambre d'accusation de la Cour d'appel de Douai, le 22 avril 1981 (inédit), a exclu l'application de l'article 434-1 du Code rural, après avoir constaté que le lieu du déversement nocif était un étang, « l'article 427 du Code rural prévoyant que les dispositions du Titre II du livre III, relatif à la pêche fluviale, ne sont pas applicables aux enclos aménagés sur les fonds d'eau visés à l'article 401 du même code ». La décision de non-lieu qui suivit cette constatation rappelle opportunément que l'article 434-1 du Code rural, malgré son vaste domaine d'application, ne protège pas les eaux closes. 1. - Le texte vise l'écoulement toxique dans les cours d'eau, cet écoulement pouvant être direct ou indirect. Cette dernière possibilité est exploitée par la jurisprudence au-delà de ce qu'autorise la règle de l'interprétation stricte des textes pénaux. C'est ainsi qu'elle assimila à un cours d'eau, le chenal, la rigole ou le fossé dans lesquels se déversa la substance toxique, dès lors qu'ils communiquent avec la rivière et « que les substances nocives n'ont pas été décantées avant l'arrivée à celle-ci ou qu'elles l'ont été insuffisamment » (3). L'article 434-1 du Code rural sanctionna le propriétaire d'une porcherie dont les eaux de lavage rejetées à la rivière avaient détruit des truites d'élevage dans des bassins approvisionnés par l'eau de cette rivière. Le poisson sauvage vivant dans le cours d'eau ne semblait pas souffrir de la pollution, et le résultat nocif ne s'était manifesté que dans les bassins du pisciculteur. L'assimilation d'un bassin d'élevage à un cours d'eau pouvait sembler hasardeuse. La Cour de cassation approuva pourtant le recours à l'article 434-1 du Code rural, « car la loi n'exige pas que la destruction du poisson ait été constatée sur tout le parcours de la rivière, dès lors qu'il est établi, comme en l'espèce, que le déversement... a entraîné la mort de certains d'entre eux vivant dans les eaux en provenance de la (2) La Cour de cassation, le 1 1 avril 1970, D. 1972. J. 1 13, note Despax, a approuvé l'application de l'article 434- 1 du Code rural, au déversement d'eaux résiduaires ayant élevé la température de l'eau, et provoqué la mort du poisson par asphyxie. Un peu aventureuse eu égard au texte, la répression de la pollution thermique est opportune, mais elle suppose la destruction du poisson ou l'altération de sa santé, de ses facultés de reproduction. Elle serait impossible lorsque s'enfuit une espèce avide d'eau glacée, remplacée par d'autres friandes d'un milieu moins vivifiant. (Sur la pollution thermique, consulter M .Despax, op. cit., p. 374 et ss.) Si l'on continue à s'inquiéter des méfaits occasionnés par cette forme insidieuse de pollution, et à les chiffrer (M. Ambroise Rendu, « L'écologie fait ses comptes », journal Le Monde, 23-24 et 25 février 1982, et spécialement, la première partie de cet article « Les pollutions sont plus coûteuses que le chômage », Le Monde du 23 février 1982), certains pionniers se proposent pourtant, d'exploiter ces eaux réchauffées, tout à fait adaptées à l'aquaculture (sur les projets d'un «lotissement aquacole » à Gravelines, Le Monde, 24 et 25 janvier 1981). (3) Crim. 14 novembre 1963, Bull. n° 323 ; 20 février 1957, Bull. n° 175, p. 296 ; 26 juin 1956, Bull. n° 439, p. 895 ; 19 avril 1954, D.1954.J.476. Ajouter pour une extension analogue, Tb. corr. Béthune, 17 septembre 1976, R.J.E. 1977-2, p. 189, note M.-J. Littmann -Martin, décision infirmée pour d'autres motifs, par la Cour d'Appel de Douai, 25 février 1977, R.J.E. 1977-3, p. 317, note M.-J. Littmann-Martin. RJ.E. 2/1982 156 M.-J. LITTMANN-MARTIN rivière polluée » (4). Soulignons encore cette volonté d'étendre la notion de cours d'eau, lieu du déversement, à l'occasion d'infiltrations polluantes dans le sol, qui vont ensuite empoisonner des cours d'eau. Des poursuites seront possibles, fondées sur l'article 434-1 du Code rural, ainsi qu'en témoigne l'arrêt Ferrier, du 28 avril 1977 (5). Cette décision, fort critiquée, retint l'attention des commentateurs, car elle affirmait, brutalement, la nature matérielle de l'infraction à l'article 434-1 du Code rural. Elle contenait un autre aspect intéressant qui fut laissé dans l'ombre : celui d'une pollution résultant d'une fuite de mazout par une canalisation corrodée. Les juges du fond constatèrent que « le mazout qui s'était répandu dans le sol... a continué à polluer la rivière en raison de la nature du terrain et du régime des pluies », et estimèrent que l'élément matériel de l'infraction devait être retenu à la charge de Ferrier. Mais ils le relaxèrent pour défaut d'élément intentionnel. Cette dernière affirmation fut censurée par la Cour de cassation, qui par ailleurs, ne pouvait qu'approuver, ainsi qu'elle l'avait déjà fait (6), l'utilisation de l'article 434-1 du Code rural, dans une pollution par infiltration ayant détruit du poisson. Mais ces multiples extensions ont en commun ceci : les déversements toxiques ont été, sont ou seront véhiculés par des eaux libres. Elles ne peuvent concerner des eaux closes. 2. - La notion d'eau close reste un obstacle théoriquement insurmontable à l'application de l'article 434-1 du Code rural. Il résulte, ainsi que vient de le rappeler la Cour d'appel de Douai, de la combinaison des articles 427 et 401 du Code rural (7). La distinction entre les deux catégories d'eau, les libres et les closes, est donc fondamentale pour une lutte efficace, ou non, contre leur pollution. La jurisprudence s'est employée à déterminer ces notions dans le cadre général de l'exercice du droit de pêche « lequel n'est réglementé par le Code rural que dans les eaux libres par opposition aux eaux closes (ou enclos) qui échappent à la législation (article 401 du Code rural)» (8). Les Eaux et Forêts préconisèrent une définition rigoriste mais logique : le critère d'une eau close serait l'absence totale de communication entre les milieux liquides. Interprétation rejetée par la chambre criminelle qui se fonde sur la libre circulation ou non des poissons. Une eau close est une eau dont le poisson ne peut s'échapper, une eau libre, celle que le poisson peut quitter. La Cour de cassation estime que ces textes ont pour objet, « non le régime des eaux, mais la (4) Crim. 2 avril 1974, D.1975.J. 180, note Despax. M. Despax développe également cette décision, qu'il tient à juste titre pour extrêmement significative, dans son ouvrage déjà cité, p. 381, note 50. (5) J.C.P. 1978-11-18931, note M. Delmas-Marty ; D. 1978, J. 149, note M.-L Rassat ; R.S.C. 1978, p. 335, obs. A. Vitu. (6) Crim. 11 février 1953, D. 1954, J. 403. (7) L'article uploads/S4/ rjenv-0397-0299-1982-num-7-2-1721.pdf

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  • Publié le Jan 19, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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