PRINCIPES DE DROIT PENAL Notes sommaires et provisoires – 3e édition Olivier MI

PRINCIPES DE DROIT PENAL Notes sommaires et provisoires – 3e édition Olivier MICHIELS Maître de conférence à la Faculté de droit de l'Université de Liège Conseiller à la cour d'appel de Liège Elodie JACQUES Assistante à la Faculté de droit de l'Université de Liège Avocate au Barreau de Bruxelles Master en criminologie, à finalité approfondie, 1ère année. Master en criminologie, à finalité spécialisée, 1ère année. Master en droit, à finalité spécialisée en droit et gestion, 2e année Année académique 2014-2015 2 Titre Premier : Les principes CHAPITRE PREMIER : DÉFINITION DU DROIT PÉNAL a) Définitions proposées Le droit pénal peut être défini comme « la branche du droit ayant pour objet la prévention et la répression des infractions »1 ou selon le Professeur LEGROS, comme « L’ensemble des mesures efficaces, justes et humaines édictées par la loi à l’égard des personnes poursuivies devant les tribunaux en raison de certains comportements fautifs qui leur sont imputables et que la loi détermine en raison d’impératifs sociaux, dans les buts d’intimidation, de défense sociale et de récupération »2. Pour le Baron CONSTANT, le droit pénal est « l’ensemble des lois et règlements édictés par le pouvoir souverain en vue de définir les faits punissables (les infractions), et de déterminer les sanctions applicables (peines ou mesures de sûreté) aux auteurs des infractions »3. De façon plus restreinte, le droit pénal s’entend comme « la branche juridique qui traite des délits et des peines »4 et comme des lois qui déterminent ceux-là5. On le constate il existe en réalité de nombreuses définitions du droit pénal. Nous retiendrons, quant à nous, que le droit pénal, qui est l’œuvre de la loi6, incrimine des comportements qu’il érige en infractions et sanctionne ses auteurs par des peines. Il a de ce fait non seulement un caractère répressif mais encore de dissuasion. Il renforce également l’effectivité d’autres branches du droit en étant le bras armé de celles-ci. 1 G. CORNU, Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 7e éd., Paris, Quadrige, PUF, 2005, p. 660. 2 R. LEGROS, Droit pénal (notes de cours), éd. P.U. Brux., vol. I, p. 23. Comp. M.L. CESONI et R. RECHTMAN, « La réparation psychologique de la victime : une nouvelle fonction de la peine ? », Rev. dr. pén., 2005, p. 158-178. 3 J. CONSTANT, Précis de droit pénal, 6ème éd., 1975, 1ère partie - Les principes généraux, Liège, n° 12. 4 P.E. TROUSSE, Les Novelles - Droit pénal, T. I, vol. I, éd. Larcier, Bruxelles, 1956, n° 1. 5 J.J. HAUS, Principes généraux du droit pénal, 1873, p. 1. 6 Qui rencontre certaines qualités à savoir accessibilité, lisibilité, prévisibilité et sécurité juridique. 3 Nous retiendrons de cette définition trois éléments qui seront successivement étudiés dans le présent cours : les infractions (titre 2), l’imputabilité (titre 3) et la sanction (titre 4). b) D’ordre public Si la classification du droit pénal au sein du droit privé ou du droit public reste controversée, il peut être souligné le caractère d’ordre public du droit pénal7. c) Distinctions Droit pénal et droit de la procédure pénale Le terme « droit pénal » au sens général englobe parfois non seulement le droit pénal au sens matériel du terme, tel que défini ci-dessus, mais également le droit de la procédure pénale qui consiste en la mise en œuvre du droit pénal8 et comprend les règles qui encadrent le procès pénal à savoir, les règles d’organisation, de compétence et de fonctionnement des juridictions et celles de son déroulement dans ses différentes phases9. Si le droit pénal au sens matériel (tel qu’il devra être entendu dans le présent ouvrage) assure la défense de la société et de l’Etat contre des atteintes à ses valeurs sociales, le droit de la procédure pénale en encadrant le droit de punir, assure la défense de l’individu contre l’Etat. Il en découle la célèbre formule « le droit pénal est fait pour les malfaiteurs, la procédure pénale pour les honnêtes gens ». Droit pénal général et droit pénal spécial A l’intérieur même de cette branche juridique, les règles en droit pénal peuvent être subdivisées en deux catégories. 7 Voy. infra. Chapitre 2. 8 J. CONSTANT, Cours de procédure pénale – Notes publiées avec son autorisation et la collaboration de P. CAVENAILLE, 1971-1972, p. 2. 9 M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, 4ème éd., Bruxelles, Larcier, 2012, p. 18. 4 Les premières sont celles de droit pénal général qui régissent les trois éléments (les infractions, l’imputabilité et la sanction) de façon générale10 et qui font l’objet du présent enseignement. Celles-ci se situent principalement dans le premier livre du Code pénal. Les secondes sont celles de droit pénal spécial qui envisagent de manière précise les comportements interdits et punissables11. Elles consistent en une liste d’infractions et se situent dans le second livre du Code pénal ainsi que dans nombre de législations spéciales. CHAPITRE 2 : PRINCIPES GÉNÉRAUX SECTION 1 : LE CARACTÈRE D’ORDRE PUBLIC DE LA LOI PÉNALE Le droit pénal est d’ordre public car il touche aux intérêts essentiels de l’Etat ou de la collectivité12. En raison de ce caractère13, toute convention qui a pour objet ou pour effet d’en modifier la portée, d’en restreindre le champ d’application, d’amener quelqu’un à commettre une infraction ou d’exonérer son auteur de la responsabilité pénale qu’il encourt, est sans valeur. Il en découle trois conséquences majeures : 1.1 Il n’est pas permis de déroger au droit pénal par des convention particulières L’article 6 du Code civil dispose qu’on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs14. Dès lors, toute convention qui aurait pour objet de restreindre ou de modifier la portée du droit pénal serait nulle. 10 Voy. C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 3ème éd., 2003, p. 27. 11 Voy. C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 3ème éd., 2003, p. 28. 12 Cass., 15 mars 1968, Pas., 1968, p. 884. 13 Cass., 6 septembre 2006, Rev. dr. pén., 2007, p. 77 14 Cass., 30 octobre 1924, Pas., 1924, p. 561 5 De même, sous réserve de l’hypothèse de la délégation (voir infra), il n’est guère possible pour le délinquant de faire supporter sa responsabilité par un tiers ou de s’assurer contre le risque pénal inhérent à un comportement infractionnel15. 1.2 Nul ne peut s’engager valablement à commettre une infraction Toute convention qui a pour objet de conduire quelqu’un à commettre une infraction est nulle. Ainsi, « une convention qui a pour but d’organiser une fraude envers des tiers, en l’espèce l’administration fiscale, dont les droits sont protégés par une législation d’ordre public, a une cause illicite et est frappée de nullité absolue ; (…) s’agissant de l’intérêt général, il suffit que l’une des parties ait contracté à des fins illicites et qu’il n’est pas nécessaire que ces fins soient connues du co-contractant »16. 1.3 Nul ne peut consentir à être victime d’une infraction Une convention par laquelle une victime consent à ce qu’il soit porté atteinte à des intérêts protégés par le droit pénal et dont elle ne peut disposer, tels le droit à la vie ou à l’intégrité sexuelle, est, en règle, nulle pour contrariété à l’ordre public. Il convient toutefois de préciser que dans certaines hypothèses, le législateur ou la jurisprudence autorisent, moyennant le consentement de la victime, une atteinte au droit à la vie. Il en est ainsi pour la femme enceinte que son état place en situation de détresse et qui demande à un médecin, moyennant le respect de conditions strictes, d’interrompre sa grossesse17. Il en sera de même en cas d’euthanasie pratiquée conformément à la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie18. 15 F. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, La loi pénale, Larcier, 2009, pp. 41-42 et les références citées. 16 Cass., 12 octobre 2000, J.L.M.B. 2001, p. 1508; R.C.J.B. 2003, p. 74 17 Voir l’article 350 alinéa 2 du Code pénal. 18 Voir l’article 3 de la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie. 6 SECTION 2 : LE PRINCIPE DE LÉGALITÉ Le principe de légalité19 présente une triple facettes. 2.1 L’intervention du pouvoir législatif La première consiste à attribuer au pouvoir législatif la compétence de déterminer dans quels cas et dans quelle forme des poursuites pénales sont possibles20. 2.2 Nulla poena sine lege La seconde confère à ce même pouvoir législatif le soin d’adopter une loi en vertu de laquelle une peine peut être établie et appliquée tout en garantissant à tout citoyen qu’aucun comportement ne sera punissable et qu’aucune peine ne sera infligée que sur la base de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue. Le principe de légalité en matière pénale est garanti non seulement par les articles 12 et 14 de la Constitution mais également par l’article 7.1 de la Convention européenne des droits de l’homme. A maintes reprises, la Cour constitutionnelle a pu rappeler que ce principe procède de l’idée que la loi doit être formulée de manière à permettre à chacun uploads/S4/ syllabus-principes-de-droit-penal-2014-2015-pdf.pdf

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  • Publié le Mar 25, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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