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HAL Id: hal-02299549 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02299549 Submitted on 27 Sep 2019 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. LA JURIDICTIONNALISATION DU REGIME DISCIPLINAIRE DES AGENTS PUBLICS Fabien Bottini To cite this version: Fabien Bottini. LA JURIDICTIONNALISATION DU REGIME DISCIPLINAIRE DES AGENTS PUBLICS. Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger , Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 2007, pp.1179. hal-02299549 1 LA JURIDICTIONNALISATION DU REGIME DISCIPLINAIRE DES AGENTS PUBLICS Par Fabien Bottini Docteur en droit public Chargé de cours à l’Université du Havre Résumé : à l’image de Roger Bonnard, de nombreux auteurs soulignent depuis le XIXe siècle la tendance du droit français à faire bénéficier les préposés de l’administration de garanties d’ordre juridictionnel. Cette évolution est traditionnellement présentée comme une avancée. Mais faut-il totalement juridictionnaliser la responsabilité disciplinaire des agents publics ? A l’analyse, la réponse à cette question passe par la conciliation de deux considérations d’intérêt général. D’un côté, il convient de juridictionnaliser le régime disciplinaire des agents publics de façon à protéger les citoyens contre l’arbitraire des autorités exécutives, théoriquement en charge du pouvoir de sanction. Mais, de l’autre, il paraît nécessaire d’accorder un pouvoir discrétionnaire aux représentants en la matière, de façon à protéger les citoyens contre l’arbitraire de leurs subordonnés. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la protection des citoyens justifie ainsi de limiter les garanties disciplinaires accordées aux agents publics autant qu’elle justifie de leur en accorder. Elle suppose en d’autres termes de ne pas porter l’évolution actuelle jusqu’à son terme. Cette considération explique que le développement des garanties juridictionnelles accordées aux agents publics sous le coup d’une procédure disciplinaire se heurte le plus souvent au maintien de procédés administratifs favorables à l’instance de discipline. _______________________________________________________________________________________ « Pas de pouvoir sans responsabilité ! »1. Cette mise en garde, adressée aux magistrats professionnels de l’ordre judiciaire par le candidat UMP à l’élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy, pose à nouveau la question de l’obligation faite aux dépositaires du pouvoir de répondre de leurs actes. Dans la France révolutionnaire, la reconnaissance de cette obligation s’est accompagnée de la consécration du droit de chacun de « demander compte à tout agent public 1 Titre d’une interview publiée sur le site Internet du candidat à l’élection présidentielle de l’UMP, Nicolas Sarkozy, (http://sarkozyblog.free.fr/index.php?2005/07/29/153-justice-pas-de-pouvoir-sans-responsabilite) et initialement publiée au recueil Dalloz sous le titre : « A propos de la responsabilité des magistrats ! Interview de Nicolas Sarkozy » (D., 2005, interview, p. 1956). 2 de son administration »2. Mais la difficulté de la règle à s’imposer en pratique a souvent été soulignée par la suite, un auteur du siècle dernier allant jusqu’à dénoncer l’irresponsabilité des fonctionnaires3, qu’il accusait de s’être constitués en « caste des intouchables »4. Irresponsables les fonctionnaires ? Manifestement cette assertion n’est plus totalement vraie. Outre qu’ils doivent en principe civilement répondre des fautes personnelles dont ils peuvent se rendre coupables5, l’évolution du droit tend à les soumettre davantage à la loi pénale commune6. Sans oublier qu’ils peuvent engager leur responsabilité disciplinaire dans de nombreuses hypothèses, comme n’importe quel agent public. Cette dernière forme de responsabilité est ancienne7. Et elle ne doit pas être sous- estimée dès lors qu’elle conduit au prononcé de plusieurs milliers de sanctions chaque année8. Le caractère générique des termes ne doit toutefois pas dissimuler la myriade de régimes juridiques qui forme désormais le contentieux disciplinaire. En raison de leur diversité statutaire, les agents publics ne sont en effet pas tous soumis aux mêmes règles, le droit positif accordant plus de garanties à ceux dont le rôle est réputé indispensable au bon fonctionnement du service public. Cette considération explique que la grande majorité des agents non titulaires jouisse de garanties disciplinaires moins étendues9 alors que les agents titulaires et une minorité de non fonctionnaires bénéficient d’une protection renforcée, bien qu’hétérogène10. 2 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, art. 15 3 Dans un souci de clarification, le terme de fonctionnaire sera entendu ici au sens jurisprudentiel, comme désignant un « agent investi d’un emploi permanent dans les cadres d’un service public » (CE, 20 décembre 1946, Colonie de Madagascar c/ Ravelonahina, D., 1947, p. 464, note Pierre Huet). 4 Liet-Veaux (Gérard), « La caste des intouchables, ou la “théorie” du délit de service », D., 1952, n° 34, chr., pp. 133-136. 5 TC, 30 juillet 1873, Pelletier, c/ de Ladmirault, Choppin et Leudot, rec., p. 129. 6 Sur cette évolution, v. Bottini (Fabien), La protection des décideurs publics face au droit pénal, Thèse, Le Havre, 2006. 7 Sous l’Ancien régime, la responsabilité disciplinaire des fonctionnaires est apparue au XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV. Ce dernier entreprenait alors de soumettre les agents de la couronne et les nobles en charge des offices royaux à de nouvelles obligations professionnelles. Or, celles-ci donnaient naissance au contentieux disciplinaire. Les règles applicables manquaient toutefois de vision d’ensemble. De même, le droit postrévolutionnaire tardait à adopter une législation de portée générale en la matière. Pour un aperçu historique du sujet, v. Laurie (Frédéric), La faute disciplinaire dans la fonction publique, t. 1, Aix-en-Provence, PUAM, 2002, 406 p., pp. 26-27, n° 3. V., également, Nézard (Henry), Les principes généraux du droit disciplinaire, Paris, éd. Arthur Rousseau, 1903, 427 p., p. 23 s., sp. pp. 23-26, note 3. 8 Chapus (René), Droit administratif général, t. 2, Paris, Montchrestien, 2001, 15e éd., 797 p., p. 330, n° 377. V., également, Pochard (Marcel), « Quel avenir pour la fonction publique ? », AJDA, 2000, p. 7 ; Laurie (Frédéric), La faute disciplinaire…, t. 1, op. cit., p. 29, n° 7 : après avoir « regrett[é] l’absence totale ou quasi- totale de statistiques de la délinquance disciplinaire dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière », l’auteur constate que « plus de 5.000 fonctionnaires de l’Etat sont sanctionnés chaque année, soit plus de trois fonctionnaires sur mille ». V., également, Idem, p. 186, n° 159, note 516. 9 Comp., par ex., Décret n° 84-961 du 25 octobre 1984, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat, JORF, 27 octobre 1984, p. 3367, art. 1 s. et Décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, relatif 3 Malgré ces diversités, les régimes disciplinaires semblent toutefois affectés par les mêmes transformations. A l’image de Roger Bonnard, de nombreux auteurs soulignent en effet depuis le XIXe siècle la tendance du droit français à juridictionnaliser la responsabilité disciplinaire des agents publics11. Ils mettent notamment en lumière les ressemblances qui existent entre cette forme de responsabilité et la responsabilité pénale. Ces similitudes, qui tiennent entre autres au fait qu’elles visent toutes deux à sanctionner un comportement sur la base de textes d’interprétations strictes12, sont traditionnellement présentées comme un bienfait. Mais, même si elles se recoupent, les responsabilités pénales et disciplinaires poursuivent des objectifs différents : tandis que le droit pénal vise à réprimer un individu dont le comportement déviant contrevient aux valeurs premières de la société, la responsabilité disciplinaire sanctionne les agissements contraires aux obligations particulières qui s’imposent ès qualité aux préposés de l’administration13. aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’Etat, JORF, 19 janvier 1986, p. 967, art. 44. Contrairement à ce qui est prévu pour les fonctionnaires, ce texte et la jurisprudence dénient aux agents non titulaires le droit notamment de demander l’avis d’un conseil de discipline sur la sanction dont ils font faire l’objet (CE, 20 mars 1951, Michel, RDP, 1952, p. 887 ; 30 mars 1990, Fédération générale des fonctionnaires FO, DA, 1990, n° 264) ou d’imposer la citation de témoins (CE, 30 septembre 1983, Barré, rec., p. 394). 10 De même que les garanties accordées aux non fonctionnaires varient au gré des statuts qui régissent spécifiquement leur situation, de même l’état du droit soumet les fonctionnaires à un degré de garanties différent selon qu’ils relèvent des statuts généraux (L. n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, JORF, 12 janvier 1984, p. 271 s. ; L. n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, JORF, 27 janvier 1984, p. 441 s. ; L. n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, JORF, 11 janvier 1986, p. 535 s.) ou d’un régime dérogatoire, ceux-ci étant parfois plus protecteurs, à l’image de celui qui régit la situation des magistrats professionnels de l’ordre judiciaires. Sur les garanties disciplinaires accordées aux magistrats professionnels de l’ordre judiciaire, v. Bottini (Fabien), La responsabilité personnelle des magistrats, à paraître à la RRJ courant 2007. 11 Bonnard (Roger), De la Répression disciplinaire uploads/S4/ word 1 .pdf
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- Publié le Jan 01, 2022
- Catégorie Law / Droit
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