Claude Faugeron Du simple au complexe : les représentations sociales de la just

Claude Faugeron Du simple au complexe : les représentations sociales de la justice pénale In: Déviance et société. 1978 - Vol. 2 - N°4. pp. 411-432. Citer ce document / Cite this document : Faugeron Claude. Du simple au complexe : les représentations sociales de la justice pénale. In: Déviance et société. 1978 - Vol. 2 - N°4. pp. 411-432. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1978_num_2_4_1749 Déviance et Société, Genève, 1978. vol. 2. No 4, p. 41 1-432 Actualités bibliographiques. DU SIMPLE AU COMPLEXE : LES REPRESENTATIONS SOCIALES DE LA JUSTICE PENALE C. FAUGERON * Le législateur d'une part, les sociologues de l'autre, se sont inté ressés, depuis une bonne dizaine d'années, aux phénomènes d'inter actions entre justice et loi pénale, application de cette loi et opinion publique. Du même coup, on a connu une effervescence de travaux, de qualités diverses, sur les représentations de la loi pénale, du crime, du criminel, des sanctions, des institutions concourant à l'application de la loi pénale... tant il est vrai que la production scientifique suit de près les préoccupations du politique l . En témoignent, du côté gouvernemental, les publications régulières du L.E.A.A., de A.D. Biderman à M.J. Hindelang, les rapports de la commission Prévost au Québec, le récent rapport, en France, du comité présidé par A. Peyrefitte ou encore l'enquête commanditée par le Ministero di Grazia e Giustizia en Italie 2... Du côté des chercheurs, un certain nombre de travaux dont nous allons examiner ici les plus significatifs et, surtout, les plus récents. Entre les deux, des recherches transculturelles à l'initiative de l'O.N.U. ou d'organismes plus spécifiques comme le Comité de Sociologie du Droit de l'Association Internationale de Sociologie, le Centre Inter national de Criminologie Comparée, et des réunions internationales : Colloque international de Sociologie du droit et de la justice 1969, Journées internationales de sociologie du droit (Varèse, 1971), Collo que ouest-européen du C.N.R.S. sur "la connaissance et le fonc tionnement de la justice pénale", (Lyon, janvier 1977), Conférences des * Service d'Etudes Pénales et Crirainologiques, Paris. 411 directeurs d'instituts de recherches criminologiques (Conseil de l'Europe, 1971 et 1978), Table ronde internationale sur la déviance (Chantilly, décembre 1977), Congrès international de Criminologie (Lisbonne, septembre 1978). Il n'est pas de notre propos de retracer la sociogenèse de cet intérêt grandissant pour la dimension idéologique du système pénal. Sentiment émergeant de crise de la justice pénale, renforcé par les contestations venues de l'intérieur de l'appareil, désir de réduire cette crise par des ajustements, aménagements..., succès (avant la retombée actuelle) des indicateurs sociaux, recherche d'une nouvelle légitimité de l'appareil d'Etat etc. Ceci a été vivement dénoncé par certains partisans de la criminologie radicale 3 et analysé dans un ouvrage récent 4. S'y ajoute une focalisation croissante pour l'étude des phénomènes idéolo giques dans d'autres domaines que celui de la sociologie criminelle, le développement de la sociologie de la connaissance et l'apport d'un certain nombre d'acquis en sociologie politique. Il n'en demeure pas moins que l'état actuel de la question reste problématique. Comme dans d'autres domaines des sciences sociales, le manque de conceptualisation, ou encore l'ignorance des travaux menés dans d'autres pays (et d'autres langues...), empêchent souvent la consti tution d'un savoir cumulatif. Le reader de Henshel et Silverman est un exemple de ce dernier point 5 : les textes présentés, outre qu'ils sont généralement assez anciens et déjà fort connus, sont strictement réduits à des auteurs anglo-saxons et plus particulièrement d'Amérique du Nord 6. Or, s'il est vrai qu'en matière de sociologie criminelle la domi nance nord-américaine 7 s'est révélée importante, le récent dévelop pement, en Europe, d'une sociologie de la déviance et du contrôle social est propre à contribuer non seulement à un accroissement des connais sances, mais encore à de déchirantes révisions problématiques. A cela s'ajoute une certaine stéréotypie méthodologique, comme si de telles études ne pouvaient se faire que par voie de questionnaire, et une pauvreté de traitement souvent réduits à des tableaux croisés d'ordre deux et des calculs de corrélations simples. Vis-à-vis d'un problème aussi complexe et, finalement, aussi mal connu, le simplisme méthodologique ne saurait suffire 8 . Il est vrai aussi que des méthodes très sophistiquées, comme celle adoptée par Sellin et Wolfgang 9 , ne sont pas non plus la panacée, en l'absence d'une grande rigueur et de multiples précautions au niveau de la problématique. Un récent ouvrage de Baril et al. 10 recense plus de 500 titres d'articles, ouvrages, rapports de recherches en la matière, de 1946 à 1975. Il s'en est produit d'autres depuis. Cet ouvrage souligne aussi le fréquent simplisme conceptuel et méthodologique. 412 On a choisi ici de regrouper des travaux forts divers, parmi les plus récents ou les plus significatifs, selon le découpage de la réalité sociale prise comme objet de représentation. Ce découpage n'est pas sans arbitraire : certains travaux abordent plusieurs aspects en même temps, parfois de façon juxtaposée, parfois de façon intégrée; il sera donc nécessaire de les citer plusieurs fois. On traitera, dans un premier temps, des images de la loi pénale et des normes sociales. Puis, de l'application de la loi pénale, à travers discours public et spécialisé sur le crime, le déviant, les institutions. Enfin, une dernière partie sera plus particuli èrement réservée à des directions de recherche portant sur les méca nismes de transmission-transformation idéologique. I. Opinion publique, normes et loi pénale a) Connaissance de la loi Les préoccupations à l'origine de tels travaux sont diverses. D'un côté, un souci de technocrates du droit d'améliorer le fonctionnement de la machine judiciaire en sachant quelles lacunes de connaissances juridiques combler chez le public, d'un autre côté — et presque à l'inverse — le désir d'adopter le droit à l'évolution des moeurs, ont convergé pour donner naissance à des recherches sur l'opinion publique et la loi. On est d'ailleurs frappé de voir que la présence de l'héritage culturaliste chez bon nombre d'auteurs ne les a pas conduits à une critique du consensus, base légitimante du droit. C'est que, sans doute, l'idéologie juridique était trop prégnante, chez beaucoup, pour permett re une telle critique 1 * . Quoiqu'il en soit, le problème de la relation entre opinion publi que et loi pénale a tout d'abord été posé en termes de connaissance de la loi. C'est toute la problématique des projets K.O.L. 12. Il s'est toutefois avéré, d'une façon générale, que cette connaissance était fort mauvaise, si bien que les attitudes et, on peut le supposer, les comport ements, en étaient peu influencés. Déjà en 1972, Kutchinsky en faisait la brillante démonstration au Conseil de l'Europe 1 3 . C'est également le constat de Goffin et Tsamandou, ainsi que d'Estevao dans sa revue de littérature 14. Ribordy le confirme dans une récente recherche auprès d'enfants et d'adolescents canadiens 1 5 . Il est vrai que l'intention de ce dernier est quelque peu différente de celles de ses prédécesseurs. Il ne s'agit plus d'adapter le droit à l'évolution des normes, mais d'identifier les lacunes dans le savoir commun afin de les combler par un enseignement approp rié et de permettre aux citoyens de mieux se servir du droit. Mais l'auteur oublie que le droit est un objet si lointain pour la plupart des gens, tellement confisqué par les spécialistes, qu'il n'est guère possible d'en faire l'apprentissage autrement que dans une pratique de défense. 413 Les boutiques de droit ont ici meilleure valeur pédagogique que les professeurs * 6 . On s'étonne alors que ce genre de recherches continuent d'être préconisées, trois ans après la synthèse de Kutchinsky; mais, il est vrai, par des juristes 1 7 ... Dans une perspective un peu différente de "deterrence", on s'est demandé si la peur de la sanction ou, plus exactement, l'estimation d'avoir une bonne chance d'être puni si l'on commettait tel ou tel acte pouvait conduire à rie pas le commettre * 8 . Mais, comme le remarque Teevan, la part de variance expliquée par la crainte d'être puni reste assez faible. On sait aussi que la valeur dissuasive de la peine de mort reste une question purement métaphysique en l'absence de confi rmation — ou d'infirmation — empirique. C'est ce que montre Fattah, dans sa revue de recherches nord-américaines et surtout canadiennes, ou encore Hann, dans sa critique des approches économétriques en crimi nologie 19. C'est que, dans une problématique du passage à l'acte 20 1 aucune variable n'est en relation immédiate avec ce dernier. b) La discussion consensus vs conflit Avec les recherches transculturelles sur la réaction sociale aux conduites déviantes 2 * , menées sous l'égide du Centre International de Criminologie Comparée de l'Université de Montréal, la problématique K.O.L. s'est quelque peu modifiée. Il ne s'agit plus de connaissance de la loi, mais des réponses sociales à donner à des comportements déviants ou non. On pense ainsi, par le biais de ces mesures sociales, atteindre les systèmes de normes des répondants, vérifier la pertinence des législa tions actuelles, l'évolution des mentalités et mesurer les différences transculturelles. Le principe d'une mesure de la norme par le moyen de la représen tation de la réaction sociale à uploads/S4/article-ds-0378-7931-1978-num-2-4-1749.pdf

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  • Publié le Jui 23, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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