1 Atelier #1 « Comprendre la Constitution et l’interaction du Citoyen avec la C

1 Atelier #1 « Comprendre la Constitution et l’interaction du Citoyen avec la Cour Constitutionnelle », animé par Dr. Gilles Badet, Secrétaire Général de la Cour Constitutionnelle de la République du Bénin et M. Serge Prince Agbodjan, Juriste CONSTITUTION – CONSTITUTION BENINOISE On peut donner de la Constitution autant une définition matérielle qu’une définition formelle. La Constitution est « la règle juridique qu’une société politique qui s’organise en Etat se donne pour permettre la réalisation efficace du bien public »1 . Elle est « l’acte créateur de l’Etat »2, son « acte de naissance »3. Il est donc normal qu’au regard de son contenu, c'est-à-dire sur le plan matériel, la Constitution regroupe « l’ensemble des règles juridiques les plus importantes de l’Etat »4. Elle est d’abord « l’instrument juridique d’organisation du pouvoir politique … [Elle] est pour les gouvernants le fondement de leurs prérogatives et la loi de leurs fonctions»5. C’est elle qui « institue les composantes politiques de l’Etat…, Elle veille à l’articulation de leurs pouvoirs respectifs. Elle fixe le statut des principales autorités publiques (politiques, administratives et juridictionnelles)… Elle trace le cadre à l’intérieur duquel devront se nouer les relations entre ces autorités et les citoyens. Elle met en place des mécanismes de résolution des conflits internes….C’est l’aspect régulateur de la Constitution»6. La Constitution porte ensuite un « aspect protecteur » car « elle offre aux citoyens une panoplie de droits fondamentaux »7. Il en est ainsi car la Constitution doit être un instrument de limitation des pouvoirs8 . Si en effet, la Constitution est un « acte par 1 F. DELPEREE, Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 11. 2 Th. HOLO, « Constitution et nouvel ordre politique au Bénin », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives, N° 13, Décembre 1989, p. 1. 3 M. VERDUSSEN, « Introduction », in, M. VERDUSSEN (Sous la direction de), La Constitution belge, Lignes et entrelignes, Bruxelles, Le Cri Editions, 2004, p. 16. 4 P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, Paris, PUF, 1986, p. 33. 5 Th. HOLO, ibid. 6 M. VERDUSSEN, ibid, p. 13. 7 Ibid. 8 Th. HOLO, ibid. ; M. VERDUSSEN, ibid. ; 2 lequel les citoyens définissent les conditions d’exercice du pouvoir politique »9, ou en tous cas, si elle prétend être cela, « elle doit s’imposer comme Charte des droits et libertés dont les citoyens peuvent exiger le respect par la mise en œuvre d’un mécanisme de sanction des gouvernants, des organes de l’Etat »10 Enfin, la Constitution est le « principe suprême déterminant l’ordre étatique tout entier et l’essence de la communauté constituée par cet ordre » 11. Elle est le « fondement de l’Etat, la base de l’ordre juridique…, la base indispensable des normes juridiques qui règlent la conduite réciproque des membres de la collectivité étatique, de même que celles qui déterminent les organes nécessaires pour les appliquer et les imposer, et la façon dont ils procéderont »12. Pour que les différentes vertus que l’on donne à la Constitution soient une réalité certaine, ce texte ne peut être adopté, ou modifié comme n’importe quel autre texte législatif, d’où une approche formelle ou organique de la Constitution qui la décrit comme un texte dont l’adoption et la révision suivent une procédure particulière, non seulement « différente de celle mise en œuvre par les lois ordinaires »13, mais plus précisément « supérieure »14 à celle-ci. Il faut en effet assurer à la Constitution « la plus grande stabilité possible, de différencier les normes constitutionnelles des normes légales, en en soumettant la révision à une procédure spéciale, comportant des conditions plus difficiles à réunir »15. La constitution formelle peut coïncider avec la constitution matérielle, mais toutes les règles matériellement constitutionnelles ne sont pas adoptées ou modifiées selon une forme constitutionnelle. D’ailleurs, tout Etat dispose d’une constitution au sens matériel mais pas nécessairement au sens formel. 9 D. ROUSSEAU, « Constitution », in O. DUHAMEL et Y. MENY (Sous la direction de), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 208. 10 Ibid. p. 209. 11 H. KELSEN, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle) », Revue française de droit public et de la science politique en France et à l’étranger, N° 35, 1928, p. 204. 12 Ibid., pp. 204 et 205. 13 Th. HOLO, « L’esprit de la Constitution », in Institut des droits de l’homme et de la promotion de la démocratie, La démocratie au quotidien et Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, Journées de réflexion sur la Constitution du 11 décembre 1990, Les actes, IDH, 2007, p. 37. 14 P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, Paris, PUF, 1986, p. 34. 15 Ibid. 3 Comme la plupart des Etats de la planète, le Bénin du renouveau démocratique s’est doté de sa Constitution en 1990. Mais contrairement à plusieurs autres pays africains qui, touchés par un reflux démocratique, ont touché plusieurs dispositions de leur texte fondamental, en général, du fait de manœuvres exercés par les pouvoirs en place dans leur désir de perpétuation, la Constitution béninoise n’a connu aucune modification depuis maintenant 25 ans. Compte tenu des conditions de son adoption, elle dispose d’une légitimité populaire incontestable. La défense de la Constitution par la société civile ne fait que confirmer cette donne. Ce n’est donc pas simplement les conditions rigides de révision qui ont empêché toute modification de ce texte depuis son adoption en 1990. Il faut relever en effet que la Cour constitutionnelle a durci les conditions textuelles de révision en y ajoutant l’exigence de consensus avant toute entreprise de révision constitutionnelle. I- Implication du peuple dans l’adoption de la Constitution La légitimité de la Constitution béninoise tient, en premier lieu, à ce qu’elle n’a pas été adoptée de manière unilatérale, et ne peut donc être révisée de cette manière. La Constitution béninoise actuellement en vigueur a été adoptée à l’issue d’une « révolution négociée. ».16 En effet, en 1989, les difficultés économiques, financières et politiques poussent le Chef de l’Etat, le Président Mathieu KEREKOU, chef du Parti unique, arrivé au pouvoir dix-sept ans plus tôt par un coup d’Etat, et régnant sur la base d’une Constitution du 26 Août 1977, appelée « Loi fondamentale », à prendre un certain nombre de décisions présentées comme étant conjointes aux organes monolithiques qu’étaient le Comité Central du Parti de la Révolution Populaire du Bénin, le Comité Permanent de l’Assemblée Nationale Révolutionnaire et le Conseil Exécutif National. Il s’agit essentiellement du rejet du marxisme léninisme comme idéologie officielle de l’Etat, malgré l’existence d’une disposition expresse de la Loi fondamentale du 26 Août 1977 excluant l’option 16 Fabien EBOUSSI BOULAGA, Les Conférences nationales en Afrique noire, une affaire à suivre, Paris, Karthala, 1993 ; Maurice KAMTO, L’urgence de la pensée, Yaoundé, Mandara, 1993 ; G. CONAC (Sous la direction de), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, en particulier les contributions de M. AHANAHANZO- GLELE, « le Bénin » et de Robert DOSSOU, « Le Bénin : du monolithisme à la démocratie pluraliste, un témoignage » ; J.J. RAYNAL, « Les conférences nationales en Afrique : au-delà du mythe, la démocratie ? », in, Recueil PENANT, N° 816, 1994, pp. 310 et suivantes ; Th. VITTIN, « Bénin, du ‘’système Kérékou ‘’au renouveau démocratique », in, J.-F MEDARD (Sous la direction de), Etats d’Afrique noire, Formation, mécanismes et crises, Paris, Karthala, 1991, pp.93-115 ; A.CABANIS et M. L. MARTIN, « Note sur la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 », in, Revue Juridique et Politique, Indépendance et Coopération, Janv-Mars 1992, N° 1, pp.28 et suivantes. Philippe RICHARD, « Emergence et réalisation d'un Etat de droit : l’exemple du Bénin », in, Pierre ARSAC, Jean-Luc CHABOT et Henri PALLARD, Etat de droit, droits fondamentaux et diversité culturelle, Paris, L’Harmattan, 1999, pp. 137- 164 ; Philippe NOUDJENOUME, La démocratie au Bénin, Bilan et perspectives, Paris, L’harmattan, 1999 ; Fondation Friedrich Naumann, Les actes de la Conférence nationale, Cotonou, Editions ONEPI, 1994. 4 marxiste-léniniste de l’Etat des dispositions susceptibles de faire l’objet de révision17. Il s’agit aussi de la convocation, au cours du premier trimestre 1990, d’une « Conférence Nationale »regroupant toutes les forces vives de la Nation avec la précision que « les résultats issus de cette Conférence nationale seront exploités pour l’élaboration d’une nouvelle Constitution dans laquelle seront garantis les principes ci-après : - La séparation du Parti de l’Etat - La création d’un poste de Premier Ministre, Chef du Gouvernement - La responsabilisation du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur la base d’un programme. - La prise en compte des principes du libéralisme économique… »18. Effectivement, le rassemblement historique que fut la Conférence nationale béninoise a eu lieu du 19 au 28 Février 1990. Elle a regroupé quatre cent quatre- vingt-treize délégués représentant cinquante-deux « sensibilités politiques », des délégations de différentes institutions politiques du pays, des personnalités béninoises vivant à l’étranger, des représentants des différentes confessions religieuses et associations nationales et non gouvernementales. Contrairement au pouvoir consultatif que lui ont reconnu uploads/S4/constitution-constitution-beninoise.pdf

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  • Publié le Oct 28, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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