Geôles d’Afrique Les droits humains en milieu carcéral au Cameroun ISBN: 978 -
Geôles d’Afrique Les droits humains en milieu carcéral au Cameroun ISBN: 978 - 9956 - 637 - 06 - 8 La promotion et la défense des droits de l'homme, sous toutes leurs formes, constituent l'un des axes majeurs développés dans les partenariats institués par l'Accord deCotonou entre les Etats d'Afrique,Ca- raïbes et Pacifique (ACP) et l'Union européenne. De ce fait, les droits de l'homme sont l'une des clés de voûte du travail conjoint entrepris par le Cameroun et l'Union européenne. Comme ce recueil en témoigne, les médias peuvent jouer un rôle crucial pour une meilleure prise de conscience par nos sociétés de l'importance de la pro- blématique des droits de l'homme. Ils peuvent rendre compte des réalités vécues, fournir des analyses des po- litiques menées et, surtout, informer les citoyens afin qu'ils puissent participer au débat public en connais- sance de cause. Les conditions de vie dans les prisons sont le plus souvent soustraites au regard des citoyens.Aussi, c’est aux professionnels des médias qu’il incombe de rap- porter ce qu'ils y observent et de donner un éclairage sur le fonctionnement du système pénal. Cet ouvrage contribue à consacrer cette responsabilité en facilitant la diffusion d'histoires de détenus, heureuses ou tristes. Certaines de ces histoires présentent des exemples encourageants, dans lesquels les conditions des déte- nus ont pu être améliorées. Ces récits font état de pro- grès qu'il est bon de souligner, d'encourager et d’imiter. En revanche, bon nombre des récits présentés dans ces pages nous rappellent les situations très difficiles dans de nombreuses prisons.Un des problèmes les plus graves est celui de la surpopulation carcérale. En dé- coulent d’autres maux évoqués par les détenus : leur manque d'alimentation, leurs difficultés pour mainte- nir une hygiène adéquate et leur accès aux soins médi- caux.Ces problèmes touchent plus particulièrement les femmes, qui ne sont pas toujours logées séparément, ce qui les expose parfois à des violences y compris le viol. Pourtant, assurer des conditions de détention dignes, y compris une alimentation saine, est une obli- gation de l'Etat Camerounais en vertu des lois natio- nales. LaConstitution duCameroun assure la primauté du droit international et des conventions internatio- nales sur les lois nationales. Parmi celles-ci, le Came- roun a notamment signé en 1984 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui postule que « toute personne privée de sa liberté [doit être] traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ». Les observations dont fait état ce livre, et souvent leur incompatibilité avec le droit camerounais, soulè- vent des interrogations pressantes quant aux politiques menées par le gouvernement camerounais pour remé- dier aux situations difficiles constatées dans les prisons. Il s’agirait notamment de respecter les délais dans les procédures judiciaires, ce qui aurait pour conséquence non seulement une amélioration de l’état de droit, mais aussi un désengorgement des prisons.Un changement de politique dans le domaine pénal impliquerait égale- ment la mise à disposition d’enveloppes budgétaires adéquates pour la prise en charge des détenus et l'amé- lioration des infrastructures carcérales. Je souhaite que ce livre retienne votre attention. J'espère aussi que les histoires de ces femmes et de ces hommes permettront à la société camerounaise de prendre conscience de la situation dans ses prisons et, ensuite, d'agir pour aboutir à une meilleure adéquation entre ses lois – reflet des valeurs du peuple – et la réa- lité. Des récits pour agir Par son Excellence M. Raul Mateus Paula, ambassadeur de l'Union européenne au Cameroun Préfaces Rompre le silence des chaînes Regards derrière les barreaux Déchirer l’épais silence qui couvre les conditions de détention dans le milieu carcéral camerounais, por- ter hors du cachot la voix des détenus pour la plu- part présumés innocents car non encore condamnés, rendre compte des efforts d’améliora- tion initiés ici et là par les pouvoirs publics...Tel est le défique nous avons essayé de relever depuis début 2011, grâce à l’appui professionnel d’Ouest Fraternité, et au soutien financier de l’Union euro- péenne. Défiosé car rentrer dans des lieux de détention, milieux clos par essence, pour y réaliser des reportages, est loin d’être une sinécure. Aussi, notre premier challenge aura-t-il été de créer des relations de confiance entre les journa- listes et les intervenants de la chaîne carcérale. Pour ce faire, en avril 2011, nous avons réuni autour d’une même table, lors des ateliers de concertation àYaoundé, Bafoussam et Douala, des journalistes, des régisseurs de prisons, des responsables de la police et de la gendarmerie, et des défenseurs des droits humains. Il en est sorti des recommanda- tions susceptibles de faire évoluer les conditions de détention, et une meilleure compréhension des uns et des autres. Une vingtaine de journalistes ayant participé à ces rencontres ont ainsi noué des relations de confiance avec les différents responsables des lieux de détention.Au même moment, ils ont été formés aux droits humains et aux techniques profession- nelles d’enquête et de reportage. Désormais mieux outillés, ils se sont lancés avec courage et détermi- nation sur le chemin fort escarpé des reportages dans le milieu carcéral. En avril 2012, un atelier d’évaluation à mi-par- cours a permis de mesurer le chemin parcouru et de remobiliser les troupes. Bonne surprise, la mo- bilisation a été inédite, au regard de la qualité et du nombre des participants : une quarantaine de jour- nalistes, 14 régisseurs de prison, neuf responsables de la police et de la gendarmerie, six magistrats, de nombreux défenseurs des droits humains, plu- sieurs avocats, etc. Malgré de chaudes empoi- gnades verbales ponctuées de joutes oratoires entre avocats et magistrats, le consensus d’œuvrer ensemble pour faciliter le travail des journalistes et pour l’amélioration des conditions de détention a été réaffirmé. Résultat, plus de 115 articles de presse, 50 émissions radio, et des interviews d’avo- cats ont été réalisés et diffusés dans une dizaine de journaux camerounais et sites web, et dans une di- zaine de radios. Pour terminer, une dernière rencontre de concertation qui s’est tenue en janvier àYaoundé a permis à toutes les parties de faire le point de deux années de fréquentation sur le terrain des droits humains dans la chaîne carcé́rale et des perspec- tives. Alors que les journalistes mettaient sur les rails un réseau qui va prendre le relais de Jade dans l’encadrement des journalistes couvrant les ques- tions des droits humains en milieu carcé́ral, les régisseurs de prison et autres responsables du corps judicaire envisageaient la création d’un réseau de justice pénale en vue de se soutenir dans la promotion des droits des détenus et gardés à vue. L’espoir est permis. Etienne TASSE Jade Cameroun 1 DES BAVURES ET DES TORTURES « Comme un oiseau en plein vol » « Ils l’ont abattu comme un oiseau en plein vol », dit le père de Hugues, un commerçant forcené, qui, officiellement, a pointé son arme sur un policier des équipes spéciales. Ne pouvait-il pas être désarmé ? Bavure ou légitime défense de la part des forces de l’ordre de Bafoussam ? Un jeune tente de s’évader de la prison de cette même ville. Il est aussi abattu. Stéphane Ewane était- il un braqueur comme l’affirment les policiers de Nkongsamba? Parfois la vie ne vaut pas cher dans les rues des villes du Cameroun. La liberté non plus, tant sont nombreuses les interpellations, les gardes à vue abusives et les brutalités policières. Pour avoir distribué une poignée de tracts à Douala, ou voulu manifester pour défendre les taximen à moto, des jeunes sont arrêtés et mis en garde à vue, parfois battus... Georges Endene Endene, le vieux pê- cheur, est resté trois ans en prison. Des policiers lui ont arraché les ongles. Les forces de l’ordre justifient leurs interventions musclées en invoquant la recrudescence du brigandage et de la vio- lence dans les villes et les campagnes. Les gardiens se plaignent des conditions déplorables dans les- quelles ils travaillent. Avocats et défenseurs des droits de l’Homme protestent en brandissant les textes des Nations Unies (ONU) et le code de procédure pénale du Cameroun défendant les droits des citoyens. Un commerçant forcené abattu par la police Hugues Nzokou est mort sous les balles des poli- ciers des équipes spéciales d'intervention rapide (ESIR). Ce commerçant de 31 ans menaçait avec un pistolet les clients d’une auberge de Bafoussam. La famille du défunt dénonce une bavure. Midi vient de sonner, ce dimanche 23 octobre 2011. La chaleur se fait de plus en plus lourde. La dépouille d’Hugues Nzokou, abattu dans la nuit du 15 au 16 octo- bre 2011 dans une auberge de la septième rue Nylon à Bafoussam, va être inhumée dans quelques heures. Une foule se dirige vers «Grand Raphia», dans le quar- tier Kouogou de Bafoussam où auront lieu les ob- sèques. L’atmosphère est lourde. Michael Francis Mbé, le père du défunt, fait des va et vient autour de la maison qui abrite le cercueil de son fils. «Hugues Nzokou pren- dra d’ici quelques heures un vol vers une destination in- connue. Les policiers ont tué mon fils ! Ils l’ont abattu comme un oiseau uploads/S4/geoles-d-x27-afrique-droits-humains-en-milieu-carceral-au-cameroun.pdf
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- Publié le Jui 29, 2021
- Catégorie Law / Droit
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