INTRODUCTION AU DROIT – CHAPITRE 3 et 4 Cours de Pascale Deumier Licence Droit
INTRODUCTION AU DROIT – CHAPITRE 3 et 4 Cours de Pascale Deumier Licence Droit Science Po / Droit Philo Première année Semestre 1 Année 2021-2022 Chapitre 3. Quelques grandes approches du droit § 1. Droit naturel et positivisme 1. Le droit naturel classique. Longtemps (d’Aristote au XVIe siècle, en passant par Saint Thomas d’Aquin), le fondement du droit a été cherché dans une démarche de « droit naturel » ou jusnaturaliste. Le droit naturel a été défendu par des courants et des auteurs très nombreux et défendant des conceptions variées mais il est possible de schématiser leur propos autour de deux lignes directrices : - il existe deux corps de lois, celui des lois « positives »1 (les lois des hommes) et celui des lois « naturelles » (les lois universelles et immuables, qui sont, selon les auteurs, inscrites dans l’ordre du monde, dans la nature des choses ou encore dans la loi de Dieu) - les lois naturelles doivent prévaloir sur les lois positives et c’est la conformité des lois des hommes aux lois naturelles qui fonde leur autorité. Antigone est la figure emblématique du refus de se soumettre à une loi positive contraire aux lois naturelles. Le droit naturel ne domine plus aujourd’hui chez les juristes : les causes du déclin de cette théorie sont nombreuses mais l’une d’elles est le succès d’une autre démarche qui a séduit beaucoup de juristes, le positivisme. 2. Le positivisme. 1On parle encore aujourd’hui de « droit positif » pour désigner le droit en vigueur. La démarche du « positivisme » consiste à appliquer aux sciences humaines et sociales les méthodes des sciences dites dures : les explications reposent sur l’observation des faits et non sur des déductions à partir d’idéaux (comme le faisait le droit naturel). Cette démarche, particulièrement défendue par Auguste Comte (XIXe) pour la sociologie, est très importante chez les juristes. Elle se décline sous des courants de pensée, théories et analyses très diversifiés. Parmi tous ces courants, l’un d’entre eux a particulièrement marqué les juristes européens : le « normativisme ». Il s’agit d’un courant extrêmement important, aujourd’hui encore, et trop riche pour être facilement résumé. Quelques éléments centraux, qui appartiennent à la culture générale de tout juriste, seront ici indiqués. Son fondateur est Hans Kelsen (Autriche), dont l’œuvre majeure est la Théorie pure du droit (1934). Est pure une théorie qui explique le droit par le droit tel qu’il est, en rejetant tout ce qui ne relève pas de la science mais du jugement de valeur personnel (ex. la morale, la philosophie, le droit naturel ou la sociologie). Le normativisme veut donc expliquer le droit par le droit, tel qu’il peut être observé. Ainsi, ce qui fonde la validité d’une norme, c’est sa conformité à une norme supérieure. Par exemple, une loi est valable parce qu’elle a été adoptée conformément à la procédure fixée par la Constitution. Cette conception aboutit à représenter les normes sous la forme d’une hiérarchie : la Constitution, puis la loi, puis les règlements. Cette représentation hiérarchique est souvent appelée « la pyramide des normes », bien que Kelsen lui-même n’ait jamais employé cette image. Elle a des vertus pédagogiques pour hiérarchiser les textes internes. Il faut en revanche éviter d’y insérer également les traités ou la jurisprudence (comme nous l’avons vu en cours), qui répondent à d’autres logiques. Focus en amphi : Les implications pour les juristes § 2. Dogmatisme et réalisme Du fait du retard pris en cours, ce paragraphe ne sera pas traité (il ne sera donc pas au programme de l’examen). Je vous en dirai quelques mots en amphi. Nous avons déjà vu en cours une illustration de ces deux postures à propos de la jurisprudence : la position qui s’attache plus aux principes et à la théorie relève du « dogmatisme » (approche ancrée dans la culture juridique française), celle qui s’attache plus à la réalité relève du « réalisme » (approche plus ancrée dans la culture juridique américaine). Les étudiants particulièrement intéressés par ce sujet peuvent lire la contribution du Professeur Christophe Jamin accessible ici : http://www.institut-idef.org/Un-modele-original-la-construction.html Chapitre 4. Les droits fondamentaux § 1. Le développement des droits fondamentaux 1. De la Révolution à la seconde Guerre mondiale Les droits de l’homme. À partir du 16e siècle, le droit naturel classique dominant depuis l’Antiquité se double du « droit naturel moderne ». Les lois naturelles ne se trouvent plus dans la loi de Dieu, de la nature ou du monde mais dans l’homme lui-même et sa raison. Il détient des droits naturels inhérents au fait qu’il est homme. Cette conception va trouver sa consécration dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui n’a d’autre objet que de déclarer solennellement « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme ». Il est inutile de revenir sur l’importance majeure de cette déclaration (aujourd’hui encore et bien au-delà de nos frontières), notamment d’un point de vue politique, philosophique et symbolique. En revanche, la déclaration était sans portée juridique : elle ne pouvait être invoquée devant un juge pour se défendre, moins encore pour contrôler la loi. Les droits proclamés sont dits « de première génération » : il s’agit de libertés civiles, individuelles et politiques. Une liberté accorde un pouvoir d’autodétermination à l’individu (pouvoir de déterminer son comportement), tant qu’il ne nuit pas à autrui. Elle implique une abstention de l’État. Les libertés publiques. Fin XIXe, de grandes lois, dites de « libertés publiques », vont mettre en œuvre juridiquement les proclamations de la DDHC. Parmi les plus connues, il est possible de mentionner la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou la loi du 1er juillet 1901 sur la liberté d’association. Des garanties juridiques sont ainsi offertes aux citoyens mais, du fait de leur rang législatif, cette protection joue uniquement contre d’abus éventuels du gouvernement ou de l’administration. Il n’est toujours pas question à l’époque de les protéger contre la loi elle- même (en schématisant, toujours : en réalité, le débat était loin d’être inexistant dans la première moitié du XXe siècle mais il restait doctrinal). Petit point vocabulaire : la notion de « libertés publiques » demeure assez attachée à cette période et cette forme législative, même si certains l’emploient dans un sens plus large (une liberté protégée juridiquement), assimilée aux droits fondamentaux. La seconde Guerre mondiale va marquer un tournant, du fait des atteintes dramatiques portées aux droits de l’homme. Il n’est plus possible de défendre sans la moindre nuance que la loi est nécessairement bonne. 2. Après la seconde Guerre mondiale Réaction. Le « plus jamais ça » va animer les États après la Guerre et ils vont notamment proclamer les droits et libertés aux plus hauts niveaux. Par exemple : - le Préambule de la Constitution de 1946 ouvre ainsi : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés » - le préambule de la Charte des Nations Unis commence par la résolution des États « à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites » - le Conseil de l’Europe est créé par le Traité de Londres (5 mai 1949) dans lequel les États se déclarent « Persuadés que la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d’un intérêt vital pour la préservation de la société humaine et de la civilisation ; Inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l’origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable » Les droits fondamentaux vont alors commencer à être protégés à un rang supérieur à la loi. Ces niveaux supérieurs à la loi sont de deux ordres : constitutionnel et international. On renverra sur ce point au Chapitre 1, § 2, sp. la Constitution et le Conseil de l’Europe. Précision : si la Convention européenne des droits de l’homme est la convention la plus souvent appliquée en matière de droits fondamentaux (et la plus souvent prise en exemple en cours), il existe de nombreuses autres conventions internationales en la matière, par exemple la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant, souvent citée en matière de GPA (convention ONU). Focus vocabulaire : « Droits de l’Homme » ou « droits humains », « droits fondamentaux ». § 2. Le contrôle des droits fondamentaux Les droits fondamentaux étant désormais protégés à uploads/S4/igd-2021-deumier-chapitre-3-et-4.pdf
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- Publié le Nov 25, 2021
- Catégorie Law / Droit
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