Chapitre 49 Les LBO  S’appuyer sur le management pour faire levier. 49:1 Le ra

Chapitre 49 Les LBO  S’appuyer sur le management pour faire levier. 49:1 Le rachat de l’entreprise par effet de levier, ou Leveraged Buy-Out en anglais (LBO), est l’acquisi- tion du contrôle d’une société par un ou plusieurs fonds d’investissement spécialisés, financée en maximisant le niveau d’endettement. Il entraîne le plus souvent une amélioration des performances opérationnelles de cette société compte tenu de la révolution culturelle qu’il induit dans le compor- tement des dirigeants dont la motivation est fortement accrue. C’est un miracle de la finance lorsqu’un financier réussit à payer plus cher qu’un industriel qui bénéficie pourtant de synergies ; mais attention aux faux-semblants, la création de valeur n’est pas toujours là où l’on croit ! La théorie de l’agence nous sera bien utile car nous verrons que l’innova- tion fondamentale des LBO réside dans un mode de gouvernance plus efficace dans bon nombre de situations. Section 1  Le montage 1  Principe 49:2 D’un point de vue technique, il est constitué d’une société holding (c’est-à-dire une société dont la vocation exclusive est de détenir des titres financiers) qui s’endette pour acheter une autre société (« la cible »). La société holding payera les intérêts de sa dette et remboursera le principal à partir des excédents de trésorerie dégagés par la société rachetée et par le produit de la revente de celle-ci. Dans le jargon, le holding de reprise est appelé de façon générique NewCo ou HoldCo. Les actifs exploités sont les mêmes avant et après l’opération de LBO. Seule la structure finan- cière du groupe est modifiée. Les capitaux propres consolidés ont largement diminué, les anciens actionnaires se sont partiellement ou totalement désengagés. 1015 D’un point de vue purement comptable, ce schéma permet de faire jouer l’effet de levier (voir chapitre 14). Prenons ainsi l’exemple du groupe de laboratoires d’analyses CERBA cédé en mars 2017 par PAI à PSP Investments et Partners Group pour une valeur de l’actif économique de 1,8 Md€. Le chiffre d’affaires 2016 était de 634 M€ et l’excédent brut d’exploitation de 139 M€. L’endettement de la holding de reprise est constitué par un emprunt à 7 ans de 339 M€ portant intérêt à Euribor + 5 %, avec un plancher de 1 % pour Euribor. HoldCo (holding de reprise) VCP = 750 VD = 1 070 100 % 100 – x % x % Fonds de PSP et Partners Group Management CERBA (société cible) VAE = 1 820 Comptablement, on a : Bilan réévalué de la société rachetée (cible) Bilan social du holding de reprise Bilan consolidé du groupe Actif économique 1 820 M€ Capitaux propres 1 820 M€ Actions de la société rachetée 1 820 M€ Capitaux propres 750 M€ Actif économique 1 820 M€ Capitaux propres 750 M€ Dettes 1 070 M€ Dettes 1 070 M€ On constate que les capitaux propres réévalués consolidés ont été réduits de 59 % par rapport à la situation précédente. Un LBO est une opération de destruction souvent massive de capitaux propres. Au niveau du compte de résultat, sous l’hypothèse d’un coût de l’endettement de 4 % avant impôt, la situation est la suivante : Données en M€1 CERBA Société holding Consolidé Résultat d’exploitation 100 662 100 – Frais financiers 0 43 43 – IS à 34 % 34 03 234 = Résultat net 66 23 34 1. Données estimées sur la base des informations publiques. 2. Sous l’hypothèse d’un taux de distribution de la société rachetée de 100 %. 3. La société holding bénéficie du régime mère-fille français (voir paragraphe 39.9), les dividendes reçus ne sont donc pas imposables et le holding n’est donc pas imposé dans la pratique. 4. En supposant l’application du régime d’intégration fiscale et l’application du plafond de 75 % de déductibilité des frais financiers. 1016 Titre 1  La gouvernance et l’ingénierie financière 2  Les différents types d’opérations 49:3 Le terme général est « rachat avec effet de levier » ou, en anglais, Leveraged Buy-Out : LBO lorsqu’un investisseur financier rachète ainsi une société. Mais il existe des variantes : ▪lorsqu’il est mis en place en s’appuyant sur l’équipe dirigeante on l’appelle (Leveraged) Management Buy-Out : (L) MBO, et avec tout ou partie des salariés, rachat de l’entreprise par les salariés (RES); ▪si des cadres extérieurs sont associés à l’opération (autrement dit, lorsque l’investisseur financier met pour partie en place une nouvelle équipe de management), ce sera en anglais un Manage- ment Buy-In, MBI (si toute l’équipe de management est renouvelée) ou un BIMBO (combinaison d’un Buy-In et d’un Management Buy-Out) ; ▪on parle de Build-up lorsqu’un LBO procède à des acquisitions d’autres sociétés de son secteur afin de créer des synergies industrielles, ces acquisitions étant financées essentiellement avec de la dette ; ▪et enfin d’Owner Buy-Out (OBO) lorsque l’actionnaire principal rachète par endettement les actionnaires minoritaires. 3  Régime fiscal en France 49:4 Si l’on raisonne au niveau de la société holding, celle-ci n’a pas d’activité commerciale ; les dividendes qu’elle reçoit de la cible bénéficient du régime mère-fille (voir paragraphe 39.9), son résultat fiscal est donc nul. Par définition, elle ne dispose donc pas de produits imposables sur lesquels imputer les frais financiers qu’elle paye sur la dette d’acquisition et ceux-ci ne génèrent donc théoriquement pas d’économie d’impôt. Le schéma décrit ci-dessus perd alors une part de son intérêt. Pour remédier à cet inconvénient, il faut qu’il y ait « fusion fiscale » des résultats de la cible et de ceux de la société holding. Trois solutions sont possibles pour arriver à ce résultat : l’intégration fiscale, la fusion proprement dite ou le debt push down. L’intégration fiscale des résultats entre une société mère et sa fille est possible en France pourvu que la société mère détienne 95 % du capital de la fille. En utilisant cette possibilité, la société holding peut imputer ses frais financiers sur le résultat avant impôt de la cible. L’économie fiscale est alors réalisée. Mais attention, fiscalement, les intérêts des emprunts contractés par le holding pour racheter la société ne sont déductibles 1 que si les actionnaires directs ou indirects du holding ne sont pas majoritaire- ment les anciens actionnaires de la société rachetée (selon la règle dite de « l’amendement Charasse »). La deuxième possibilité est de réaliser, après le rachat, une fusion entre la cible et la société holding. Cette solution nécessite une mise en place plus lourde que la précédente (votes en assem- blée générale, rapport des commissaires à la fusion…) et pose quelques problèmes : ▪financiers : une fusion rapide, s’il existe des minoritaires au niveau de la société rachetée, va entraîner une dilution très forte du contrôle des actionnaires du holding de rachat puisque, comme nous l’avons vu plus haut, la valeur des capitaux propres de ce holding est plus faible que la valeur de la société rachetée compte tenu de la dette de ce holding ; 1 Pour 75 % de leur montant en France. 1017 Les LBO  Chapitre 49 ▪juridiques : une fusion rapide post-LBO pose un problème juridique puisque la loi interdit à une société de donner des garanties pour racheter ses propres actions. Or l’endettement du holding, en cas de fusion rapide va bien se retrouver au bilan de la société rachetée ; ▪fiscaux : en cas de fusion rapide, l’administration peut contester la déductibilité des frais financiers des prêts initialement contractés par le holding en arguant que la société rachetée n’a aucun intérêt à fusionner et que la fusion lui a été imposée par son actionnaire majoritaire, la société holding. Toutes ces raisons font qu’il est rare qu’une fusion post-LBO puisse se faire en France avant un délai de « décence » de l’ordre de 2/3 ans. Alternativement, il pourra être procédé à un debt push down, littéralement faire descendre la dette de la holding au niveau de la société opérationnelle, le plus souvent par le biais d’un divi- dende exceptionnel ou d’une réduction du capital au profit de la société holding et que la société cible finance par endettement. Lorsque cette dernière est cotée, un expert indépendant rédige habituellement une opinion de viabilité qui atteste que son endettement n’est pas devenu excessif. 4  Les sorties du montage 49:5 La durée d’un LBO dépend à la fois de la vitesse à laquelle le fonds de LBO peut améliorer les performances de l’entreprise et de sa capacité à la recéder à un tiers ou en Bourse. Rarement plus courte que deux ans dans les périodes d’euphorie, elle peut atteindre 7-8 ans en période de basses eaux. Différentes options existent pour déboucler un LBO : Sorties des LBO européens depuis 2007 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 18 % 12 % 12 % 7 % 6 % 3 % 5 % 14 % 7 % 6 % 4 % 4 % 17 % 16 % 15 % 13 % 14 % 13 % 14 % uploads/Finance/ 51-chapitre49-2018.pdf

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  • Publié le Fev 26, 2022
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
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