Dimanche 30 novembre 2014 2 LIBERTE L’actualité en question L’ Algérie risque d

Dimanche 30 novembre 2014 2 LIBERTE L’actualité en question L’ Algérie risque de re- vivre le scénario du milieu des années 80, si les cours du pétrole continuent leur baisse. Ce scé- nario était, pourtant, prévisible et les discours des politiques n’ont pas ces- sé de le res- sasser. Mais, entre le dis- cours et les actes, il y a un pas que les dirigeants al- gériens n’ont jamais osé franchir. Fruit de leur inconséquence et de l’absence totale de vision, leur attitude fait que le pays se retrouve à présent à la veille d’une grave crise dont les consé- quences restent incommensurables. Comment en est-on arrivé là ? Au sor- tir de la grave crise des années 80, avec tout son lot de privations, de soulève- ments, d’endettements et de conditions drastiques du FMI, de fermetures d’entreprises et de licenciements de tra- vailleurs, l’Algérie était censée être mieux édifiée pour ne plus retomber dans les mêmes travers. Sans compter le coût faramineux de la décennie noire, le pays s’est retrouvé quasiment à genoux. Lorsque le pré- sident Bouteflika est arrivé au pouvoir, en 1999, les caisses de l’État com- mençaient à se remplir, du fait du ren- chérissement du pétrole. Pourtant, dès le début, les experts avaient averti : il ne faut jamais se fier aux cours du pétrole, qui risquent à tout moment de chuter. Le discours of- ficiel chantait la nécessité de sortir de la dépendance des hydrocarbures, à travers la diversification de l’économie algérienne. Mais ce n’était qu’un slogan, rien de plus. Sur le terrain, le président Bou- teflika avait pris la décision de rattra- per les énormes retards enregistrés en matière d’infrastructures de base, pen- sant que c’était la seule façon d’encou- rager l’investissement et le développe- ment économiques, notamment dans les régions à fort potentiel. Or, et alors que le bon sens écono- mique qui voudrait que ces projets se fassent sous forme de concessions et où l’État ne débourserait rien, comme cela se fait dans pas mal de pays, les auto- rités algériennes ont préféré tout payer en puisant dans le produit des expor- tations des hydrocarbures. Résultat des courses : on a eu un bout de mé- tro (10 km), en plus de trente ans, pour confier sa gestion à une entreprise fran- çaise, et on a eu une autoroute, de piètre qualité et toujours en chantier, avec toutes les malfaçons qu’on connaît, et à venir, avec un coût jamais égalé pour ce genre d’infrastructures. On a construit un bout d’aérogare d’Alger, avec l’argent de l’État, pour en confier ensuite la gestion à une entre- prise française. Le président Boutefli- ka martelait que le salut du pays vien- drait des investissements directs étran- gers (IDE). Beaucoup de promesses ont été faites, beaucoup de visites, mais peu, trop peu de concret. Même les amis du président, venus du Golfe, qui promettaient d’injecter des milliards de dollars, se sont contentés de prendre des options dans les services ou l’im- mobilier, sans trop s’aventurer dans l’investissement productif. C’est que le climat d’affaires en Algé- rie n’était pas fait pour encourager les vrais investisseurs. Bien au contraire, beaucoup d’entre eux, systématique- ment confrontés à des embûches en tous genres, ont dû renoncer à des investissements porteurs. Officiellement, l’État n’investit pas, mais en réalité, il rachète des entre- prises, injecte des sommes colossales dans différentes et inutiles opérations de restructuration des entreprises publiques. Les trois plans quinquen- naux tracés par le président Boutefli- ka ont englouti des centaines de mil- liards de dollars, sans pour autant at- teindre les objectifs fixés. S’y ajoutent les surcoûts devenus récurrents dans les grands projets dits structurants. L’État a dépensé sans compter, notam- ment durant les périodes préélectorales où les tournées des officiels étaient des- tinées à distribuer des enveloppes. Tous les vœux, tous les caprices des no- tables locaux étaient exaucés, dans un pays où chaque wilaya voudrait avoir ce que les autres ont : stade olympique, CHU, aéroport, tramway, autoroute, etc. Le problème, c’est que pour la plupart de ces infrastructures coûteuses, aucune étude de rentabili- té n’a été faite. L’absence de vision globale et surtout le manque de suivi des projets lancés ont fait que les plans quinquennaux se suivaient et se ressemblaient, sans que cela impacte sur la relance écono- mique tant clamée. Le secteur agrico- le, qui avait bénéficié de grands apports financiers à travers de multiples formes d’aides aux agriculteurs et de multiples avantages, notamment l’effacement des dettes des agriculteurs, n’a pas eu l’essor escompté et reste dominé par les spéculateurs qui décident de la mercu- riale, alors que le pays reste loin, très loin, d’assurer son indépendance ali- mentaire et que la facture des impor- tations des produits alimentaires ne cesse d’augmenter. La générosité de l’État ne s’est pas ar- rêtée là, les dispositifs d’emploi de jeunes ont été transformés en véritables moyens de distribuer de l’argent aux jeunes qui, au départ, étaient censés lancer des entreprises, mais qui, au fi- nal, se sont contentés de devenir des “affairistes”. Le “Printemps arabe” al- lait donner d’autres raisons à l’État de jeter encore de l’argent par les fe- nêtres. L’Algérie a eu la chance d’enclencher une véritable relance économique, elle ne l’a pas saisie, bien au contraire, elle a compromis dangereusement son avenir. A. B. LA CHUTE DU PRIX DU BARIL MET L’ALGÉRIE DANS UNE SITUATION FINANCIÈRE INCONFORTABLE Chronique d’un échec programmé L’Algérie a eu la chance d’enclencher une véritable relance économique, elle ne l’a pas saisie. Pis, il y a de quoi craindre qu’elle ait compromis dangereusement son avenir. Le prix du pétrole est passé sous la barre des 70 dollars à Londres. Question immédiate : que peut faire le gouvernement en matière de réduction des importations ? Dans cette contribution, Mouloud Hedir(*) livre des éléments de réponse. Il estime, de prime abord, que le problème n’est pas dans “la gestion des importations” mais dans “le commerce extérieur” de l’Algérie et, “in fine, dans son économie”. J e ne sais pas ce que le gouvernement va dé- cider en pratique. Comme c’est la dépense publique qui alimente l’importation, je pré- sume qu’il n’aura pas d’autre choix que de s’at- taquer aux gaspillages les plus flagrants en met- tant de l’ordre dans ses bud- gets et en réduisant la voilu- re de tous ces immenses programmes d’équipements visiblement mal conçus, mal maturés et sources de très gros sur- coûts. Il faudra sans doute passer aussi par une rationalisation de cette politique de subven- tions tous azimuts, dont l’essentiel bénéficie à des produits importés. Par ailleurs, il est évident que tous ces budgets consacrés à acheter la paix so- ciale vont devoir connaître, tôt ou tard, des coupes sérieuses. Mais au total, comme une telle réorien- tation de la politique budgétaire est politiquement risquée, je présume qu’il fera le dos rond, dans l’espoir, vain à mon sens, que les prix pétroliers vont finir par remonter. Dans un premier temps, il ira donc vraisembla- blement puiser dans les ressources du Fonds de régulation pour combler les déficits annoncés. Plus fondamentalement, ce serait une erreur dra- matique de considérer que le problème est celui du niveau des importations. D’ailleurs, cela ne marche pas. Faut-il rappeler que cela fait cinq an- nées, depuis ces fameuses mesures de la LFC 2009, que le gouvernement s’était donné comme objectif de réduire les importations. Depuis, celles-ci sont passées de 40 à près de 60 mds de $ US. Preuve en est que le problème de notre pays n’est pas dans la gestion de ses importations mais dans celui, plus globalement, de son commerce extérieur et, in fine, dans l’ensemble de son éco- nomie. Dans un système efficace, l’augmentation des importations n’est pas un mal, elle est même souhaitable quand elle contribue à diversifier et accroître les exportations. Et puis, la vérité éco- nomique, c’est que les importations baisseront mécaniquement le jour où les recettes d’expor- tations de pétrole et de gaz ne seront plus là. Quand on n’aura plus de moyens de paiement, forcément, nos achats se réduiront d’eux-mêmes. Ce qui, pour une économie qui vit de la vente des ressources de son sous-sol, arrivera un jour ou l’autre. J’espère bien que ce n’est pas le chemin que notre pays choisira parce qu’il mène à une impasse, du type de celle vécue au milieu des an- nées 1980. Les voies du salut, tout le monde les connaît, mais malheureusement, le consensus politique privi- légie jusque-là la dépense facile, le gaspillage et l’importation débridée. Face à la crise qui vient, cela devrait commencer par la reprise en main des destinées de notre commerce extérieur. Je remarque, à ce sujet, qu’aucune administration n’a en réalité en charge la gestion de nos échanges extérieurs. Beaucoup d’administrations (le com- merce, les finances, l’industrie, l’agriculture, l’énergie, les travaux publics, etc.) exercent des parcelles de pouvoir sur le commerce extérieur, mais l’État algérien, en tant qu’institution, ne s’est toujours pas donné les moyens de le maîtriser et de l’orienter. C’est triste à dire, mais depuis la li- béralisation uploads/Finance/ 6-6780-83893888-pdf.pdf

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  • Publié le Fev 07, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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