Acquisition et interaction en langue étrangère 16 | 2002 L'Acquisition en class
Acquisition et interaction en langue étrangère 16 | 2002 L'Acquisition en classe de langue La classe de langue un lieu ordinaire, une interaction complexe Francine Cicurel Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/aile/801 DOI : 10.4000/aile.801 ISSN : 1778-7432 Éditeur Association Encrages Édition imprimée Date de publication : 2 septembre 2002 Pagination : 145-164 ISSN : 1243-969X Référence électronique Francine Cicurel, « La classe de langue un lieu ordinaire, une interaction complexe », Acquisition et interaction en langue étrangère [En ligne], 16 | 2002, mis en ligne le 14 décembre 2005, consulté le 14 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/aile/801 ; DOI : https://doi.org/10.4000/aile.801 Ce document a été généré automatiquement le 14 avril 2022. © Tous droits réservés La classe de langue un lieu ordinaire, une interaction complexe Francine Cicurel 1 Une langue étrangère peut être apprise dans de multiples situations – milieu familial, séjours linguistiques dans le pays de la langue-cible, autodidaxie, nouvelles technologies, etc. – mais force est de constater que c’est le plus souvent une institution éducative qui est en charge de l’enseignement/apprentissage des langues. Le dispositif éducatif produit lui-même des discours traitant de la transmission de la discipline en question (Ali Bouacha 1984, Moirand 1986). Les instructions officielles, les programmes, les manuels contiennent des traces discursives permettant de voir quelle est l’appropriation visée. L’institution se charge de mesurer, évaluer, apprécier, voire consigner les performances des impétrants. Mais qu’est-ce qui est évalué ? les progrès dans la langue ou la capacité à effectuer les activités que l’institution propose ? Les recherches en acquisition des langues étrangères se portent aujourd’hui sur l’apprentissage en classe ; elles rencontrent la complexité du dispositif institutionnel, à l’origine de production de textes prescriptifs, de mise en œuvre de programmes, de découpage de la matière enseignée, d’évaluation institutionnelle, ce qui rend difficile l’isolement des facteurs individuels liés à l’appropriation. À l’heure actuelle, on ne dispose pas de résultats globaux permettant de comparer les trajectoires et les progressions des individus en fonction des méthodes, moyens, supports, discours instructionnel ; on voit plutôt l’émergence d’études partielles, qui prennent pour cible des fragments du processus acquisitionnel et des descriptions assez fines des contextes de classe et des pratiques langagières qui leur sont propres (voir le Xe Colloque Acquisition d’une langue étrangère : perspectives et recherches en 1996 à Besançon, Souchon 1998, le XIIe Colloque Usages pragmatiques et acquisition des langues à Paris, 1999, à paraître, Les carnets du Cediscor 4 et 7). Nombreux et complexes sont les facteurs entrant en ligne de compte dans une situation d’apprentissage en classe et, face à la multiplicité des paramètres, il s’avère difficile de dégager des liens de causalité entre tel aspect du processus instructionnel et le processus d’apprentissage. 1. Regards sur la classe de langue comme objet de recherche, lieu de formation et d’interaction La classe de langue un lieu ordinaire, une interaction complexe Acquisition et interaction en langue étrangère, 16 | 2002 1 2 L’intérêt dans le domaine de la didactique des langues pour la classe comme lieu privilégié de l’apprentissage ou de l’enseignement est ancien, et légitime, car c’est bien là que s’effectue la rencontre entre le pôle enseignant, le pôle apprenant et la matière à apprendre. Si aujourd’hui la pratique de terrain propre aux analystes de la conversation a rendu familières les consignations des événements de la classe grâce aux enregistrements et aux transcriptions, le regard que l’on porte sur ce lieu d’enseignement/ apprentissage et sur ce qu’on attend de lui s’est modifié : les attentes, les représentations, le rôle que l’on fait jouer à la classe ne sont plus les mêmes. 1.1. La classe de langue comme lieu d’une pratique exemplaire 3 Dans les années 60-70, les classes deviennent, dans certains contextes, des lieux de réalisation de méthodologies nouvelles, supposées performantes. On a introduit aux États-Unis la méthode audio-linguale et en France les méthodes structuro-globales audiovisuelles, méthodes qui veulent développer en priorité les compétences orales : la classe devient alors un lieu d’actualisation d’une méthodologie dominante. Les « moments de la classe » des méthodes audiovisuelles constituent des étapes obligées. Cette époque glorieuse, marquée par la conviction de pouvoir valider scientifiquement la mise en place d’une méthode d’enseignement universellement performante est suivie dix ou quinze ans plus tard d’un grand scepticisme (voir la description faite par Coste, 1986 des trois décennies depuis les années 60). Le Pennsylvania Project (Smith, 1970), comparant trois méthodes différentes d’enseignement du français et de l’allemand à des élèves de niveaux débutant et intermédiaire, démontre que n’est pas suffisant l’écart entre les résultats pour qu’une méthodologie puisse être considérée comme meilleure qu’une autre. En France, dès 1974, un article de Moirand à propos du type de communication généré par les méthodes audiovisuelles évoque le « désenchantement » et marque le début d’une déconstruction de l’hégémonie méthodologique. 1.2. La classe de langue comme lieu de formation 4 Assister à des classes fait partie de la plupart, sinon de la totalité, des programmes de formation pédagogique. Afin de ne pas laisser place à des attitudes subjectives, des observations systématiques avec recours à des grilles, qui permettent de noter les événements de la classe, sont utilisées. Ainsi, la célèbre grille de Flanders (1960) a pour objet d’évaluer le comportement d’un professeur, sa directivité ou son autoritarisme, selon qu’il laisse plus ou moins place à l’initiative de l’apprenant, qu’il l’encourage, qu’il le félicite, etc. Sur les dix entrées proposées par la grille, seules deux sont consacrées à l’intervention verbale des apprenants. Malgré cela, il s’agit d’un incontestable tournant : la classe devient le lieu de l’interaction plutôt que la réalisation d’une méthodologie idéale. On voit également l’émergence d’études portant sur des journaux de bord ou journaux d’apprentissage, dans lesquels sont consignés les événements d’apprentissage et le vécu durant un cours de langue (voir les travaux de Grandcolas et Bailey). En France, dans les années 80, les filières Français Langue Étrangère intègrent systématiquement dans leur cursus la rédaction d’un journal d’apprentissage, qui permet aux étudiants de constituer des données rétrospectives sur les conditions d’appropriation d’une langue éloignée de leur langue maternelle, et sur la façon dont cette appropriation est vécue. L’observable – différé, passant par le filtre de la mémoire du scripteur – n’est pas seulement la vie immédiate de la classe, mais relève aussi d’une approche réflexive. 1.3. La classe de langue, lieu d’une interaction La classe de langue un lieu ordinaire, une interaction complexe Acquisition et interaction en langue étrangère, 16 | 2002 2 5 Le développement des recherches sur la conversation dans le domaine de la pragmatique interactionnelle pousse à considérer la classe, à partir des années 80, comme un lieu socialisé, où s’établit un échange actif entre des partenaires ayant leur place dans l’interaction. Les interactants ont des buts partiellement convergents (à visée didactique), préexistant à l’interaction et la légitimant (programmes, objectifs à atteindre, résultats), mais cette planification n’élimine pas pour autant l’existence de dispositifs communicationnels complexes. Constamment, l’action planifiée du professeur rencontre des épisodes pouvant survenir dans le déroulement de l’interaction et la modifier. Dans une perspective alors plus proche de l’approche ethnométhodologique (voir la présentation faite par Mondada, 2000), le regard de l’analyste se porte alors sur les méthodes mises en place par les interactants1 – aussi bien le participant-expert (dont la place exige qu’il fasse appel à diverses stratégies pour se faire comprendre, pour favoriser l’apprentissage, pour attirer l’attention sur les problèmes langagiers, etc.) que les participants-apprenants co-produisant le discours avec l’enseignant. S’il faut se garder de généraliser les résultats d’observations faites sur quelques heures de cours, il n’en reste pas moins que la constitution de corpus à partir de transcriptions d’interactions en classe de langue2 permet de mieux cerner un certain nombre de points : 6 – la place des participants, notamment celle de l’apprenant qui, par des marques intonatives, des marques d’hésitation, rappelle son statut d’individu en train d’apprendre (et peut-être, à ce titre, ayant droit à l’indulgence) ; 7 – le système d’alternance des tours de parole, qui met en exergue le rôle de l’enseignant comme l’interactant qui intervient à la suite de la plupart des prises de parole des apprenants ; 8 – un format interactionnel prévisible montrant que l’on encourage la production verbale (ce but est parfois tellement dominant qu’il écrase les règles conversationnelles des échanges ordinaires) ; 9 – une activité tournée vers l’amélioration de la compétence langagière, se traduisant pour l’apprenant par des reprises, des reformulations, des hésitations, etc., et pour l’enseignant par le recours à des stratégies comme le guidage, l’étayage, les instructions, les réparations, les explications ; 10 – la dimension métalinguistique manifestée, par exemple, par la fréquence de séquences de focalisation sur le code (voir la bifocalisation décrite par Bange, 1992). 11 – l’instauration d’un contrat de fiction lorsqu’il y a nécessité de configurer des univers imaginaires pour faire vivre la langue ; 12 – l’usage de soi, qui perce sous les rôles assignés par le cadre interactionnel, et qui n’étouffe pas – loin de là – la dimension de l’affect dans l’échange. 13 L’accent n’est plus mis sur les seuls actes uploads/Finance/ aile-801.pdf
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- Publié le Oct 12, 2022
- Catégorie Business / Finance
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