778 L’EXPE RT-COM PTAB LE SU ISSE 2014 | 9 CONSEIL D’ENTREPRISES D U Š A N I S
778 L’EXPE RT-COM PTAB LE SU ISSE 2014 | 9 CONSEIL D’ENTREPRISES D U Š A N I S A KO V J E A N - P H I L I P P E W E I S S KO P F Cet article analyse la politique de dividende des entreprises cotées à la bourse suisse en fonction de leur structure de propriété. Notre étude, menée sur la période 2003–2012, montre que les entreprises familiales ont un taux de distribution des bé- néfices et un rendement des dividendes plus élevés que les autres types d’entre- prises. LA POLITIQUE DE DIVIDENDE DES ENTREPRISES FAMILIALES Analyse de l’impact de l’actionnaire majoritaire sur les dividendes des entreprises suisses [1] 1. INTRODUCTION L’année 2013 aura été bénéfique pour la majeure partie des actionnaires investissant en Suisse avec un Swiss Market Index (SMI) en hausse de 20,5%. Ceci est également vrai pour les actionnaires familiaux d’entreprises cotées à la bourse de Zurich. Ainsi, les familles Oeri et Hoffmann ont vu la valeur de leur participation dans Roche augmenter de CHF 4,93 mil- liards. Sur la même période, la richesse de la famille Hayek (Swatch) s’est accrue de CHF 1,36 milliard alors que celle de la famille Jacobs (Adecco et Barry Callebaut) a aussi augmenté de 1,56 milliard. Les assemblées générales de ce printemps ont aussi révélé le montant des dividendes qui ont été perçus par ces familles pour 2013. Ainsi les familles Oeri et Hoffmann ont perçu CHF 633 millions, la famille Hayek CHF 95 millions et la famille Jacobs CHF 116 millions. Etant donné que ces fa- milles sont les actionnaires majoritaires au sein de leur entre- prise, il est légitime de se poser la question de savoir dans quelle mesure ces familles influencent la politique de divi- dende. La réponse à cette question revêt une grande importance pour l’économie suisse puisque la bourse de Zurich compte de nombreuses entreprises ayant un actionnaire majoritaire familial. Ainsi, au sein du SMI, un quart des entreprises en- tretient des liens très étroits avec le fondateur ou sa famille. En dehors du SMI, l’influence des actionnaires et adminis- trateurs familiaux s’avère encore plus importante avec au total 37% d’entreprises familiales dans le Swiss Performance Index (SPI). En moyenne, ces familles détiennent environ 50% du capital de leur entreprise. Leur droit de vote aux assem- blées générales est donc très souvent déterminant ce qui ren- force l’importance de l’ancrage familial et son impact sur les décisions financières. La littérature académique analysant l’effet de la présence d’un actionnaire familial sur les décisions financières des en- treprises s’est essentiellement concentrée sur la question de la performance de ces entreprises. Ainsi, différentes études (Isakov et Weisskopf, 2014 pour la Suisse, Andres, 2008 pour l’Allemagne, Villalonga et Amit, 2006 pour les Etats-Unis ou encore Saito, 2008 pour le Japon) trouvent que les entreprises familiales ont généralement une rentabilité comptable supé- rieure à la moyenne. En revanche, seule une poignée d’études s’intéressent à la politique de distribution de ces entreprises. Notre étude comble cette lacune pour le marché suisse en analysant la politique de dividende de l’ensemble du marché sur la période 2003–2012. L’étude distingue les différentes entreprises en fonction de leur structure de propriété et ac- corde une attention particulière aux entreprises familiales. 2. LA STRUCTURE DE PROPRIÉTÉ DES ENTREPRISES SUISSES La classification des entreprises en fonction de leur action- naire majoritaire soulève différents problèmes qui ont été ex- DUŠAN ISAKOV, PROFESSEUR ORDINAIRE DE FINANCE, FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES, UNIVERSITÉ DE FRIBOURG, FRIBOURG JEAN-PHILIPPE WEISSKOPF, PROFESSEUR ASSISTANT DE FINANCE, ÉCOLE HÔTELIÈRE DE LAUSANNE, LAUSANNE/VD 779 2014 | 9 L’EXPE RT-COM PTAB LE SU ISSE CONSEIL D’ENTREPRISES LA POLITIQUE DE DIVIDENDE DES ENTREPRISES FAMILIALES posés dans un article précédent (Isakov et Weisskopf, 2013). Nous utilisons dès lors une définition qui est courante dans la littérature académique, à savoir qu’une entreprise est clas- sifiée comme étant contrôlée par un actionnaire majoritaire dès que ce dernier détient plus de 20% des droits de vote. Ceci est loin des 50% nécessaires pour l’obtention d’une majorité absolue mais suffit généralement à contrôler une entreprise du fait de la faible participation aux assemblées générales et de la dispersion du reste des actionnaires. Notre échantillon couvre toutes les entreprises non-financières incluses dans le SPI sur la période 2003–2012. Nous excluons les entreprises financières de notre étude car elles présentent des particula- rités qui les rendent difficilement comparables avec les entre- prises actives dans d’autres secteurs. Les entreprises de notre échantillon sont attribuées à l’une des trois catégories suivantes: (i) entreprises à actionnariat dispersé, (ii) entreprises familiales et (iii) entreprises avec l’Etat, d’autres entreprises ou des fondations comme action- naire principal. Le tableau 1 représente l’évolution de la struc- ture de propriété sur la période. En moyenne 36% des entre- prises sont respectivement des firmes familiales ou des so ciétés à actionnariat dispersé. Les 28% restants sont des entreprises avec un autre actionnaire principal. Le tableau 2 représente l’évolution de la part moyenne des actions détenue par le plus grand actionnaire. Pour les entre- prises familiales, les familles détiennent en moyenne 53% des droits de vote et pour les autres actionnaires principaux la participation s’élève en moyenne à 44%. Il est intéressant de voir que même les entreprises à actionnariat dispersé ont en moyenne un actionnaire important détenant 10% de l’entre- prise. En analysant les entreprises familiales plus en profondeur on constate que 35% d’entre elles sont au stade de la première génération (fondateur) alors que 65% se trouvent aux mains d’héritiers. On constate également que beaucoup de familles gardent un contrôle absolu sur l’entreprise avec 60% détenant plus de 50% des droits de vote. Ce pouvoir est souvent com- plété par une participation active en tant que CEO (36%) ou président du conseil d’administration (52% des entreprises familiales). 3. QUELQUES ÉLÉMENTS THÉORIQUES SUR LA POLITIQUE DE DIVIDENDE La politique de dividende d’une entreprise est un des thèmes majeurs de la finance d’entreprise. Depuis les années 1960, Tableau 1: RÉPARTITION DES ENTREPRISES COTÉES EN SUISSE SELON LE TYPE D’ACTIONNAIRE en % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Entreprise familiale Autre actionnaire principal Actionnariat dispersé « Etant donné que ces familles sont les actionnaires majoritaires au sein de leur entreprise, il est légitime de se poser la question de savoir dans quelle mesure ces familles influencent la politique de dividende.» 780 L’EXPE RT-COM PTAB LE SU ISSE 2014 | 9 CONSEIL D’ENTREPRISES LA POLITIQUE DE DIVIDENDE DES ENTREPRISES FAMILIALES un certain nombre de théories ont été proposées pour tenter d’expliquer le paiement de dividendes. En 1961, Modigliani et Miller sont les premiers à modéliser l’effet de la politique de dividende sur la valeur d’une entreprise. Ils trouvent qu’en présence d’un marché parfait (pas de frais de transactions ou impôts) la politique de dividende n’a aucune importance vu que les investisseurs peuvent eux-mêmes créer une situation qui leur convient le mieux. En l’absence de marchés parfaits, la politique de dividende est influencée par différents fac- teurs. La fiscalité joue notamment un rôle important. Ainsi, les dividendes étant généralement plus taxés que les gains en capitaux, les entreprises devraient payer peu (voire pas) de di- videndes car cela présente un désavantage pour les investis- seurs (voir Black, 1976). Baker et Wurgler (2004) proposent une évolution et une gé- néralisation de cette théorie communément appelée effet clientèle. Les auteurs postulent que les entreprises s’adaptent au type de leurs actionnaires et paient de ce fait plus ou moins de dividendes. Ainsi, une entreprise détenue en grande par- tie par des investisseurs institutionnels (qui paient peu ou pas d’impôts sur les dividendes) paieront plus de dividendes que celles qui ont une majorité d’investisseurs privés. Une autre approche considère que les dividendes peuvent être uti- lisés par l’entreprise pour communiquer des informations sur leur santé financière aux marchés (signalling theory) [2]. En effet, réduire ou couper des dividendes est perçu comme un signe d’insuffisance de moyens de la part de l’entreprise pour satisfaire ses besoins en liquidités ou investissements. Une autre approche (bird-in-the-hand theory) [3] considère que les investisseurs préfèrent recevoir des dividendes cer- tains aujourd’hui plutôt qu’une appréciation du cours d’une action incertaine dans le futur. Cette dernière théorie préco- nise que les entreprises devraient payer plus de dividendes. Il faut relever que ces différentes théories ont toutes été dé- veloppées sous l’hypothèse que l’actionnariat de l’entreprise était dispersé (ce qui est très souvent le cas aux Etats-Unis ou en Angleterre, pays dont les chercheurs sont issus). Cepen- dant, une structure de propriété concentrée peut avoir une influence déterminante sur la gestion et les dividendes d’une entreprise. Dans ce cadre, trois nouvelles explications théo- riques concernant le niveau des dividendes ont été proposées. Dans des sociétés à actionnariat dispersé, la séparation entre propriété et contrôle peut amener des actionnaires à faire face à d’importants coûts d’agence. Un de ces coûts est lié à l’utilisation abusive de flux de trésorerie par les gestion- naires de l’entreprise. Jensen (1986) reconnaît uploads/Finance/ analyse-de-l-x27-impact-de-l-x27-actionnaire-majoritaire-sur-dividende.pdf
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- Publié le Mai 24, 2021
- Catégorie Business / Finance
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