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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Fiscalité : après le G20, l’Europe gèle son projet de taxation numérique PAR MARTINE ORANGE ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 13 JUILLET 2021 La réforme de la fiscalité mondiale, proposée par les Américains, est bien un projet sur mesure pour les géants du numérique. Deux jours après avoir adopté le principe d’un impôt mondial, l’Europe renonce – au moins momentanément – à tout projet pour lutter contre les «intaxables». La secrétaire américaine au Trésor, au sommet du G20 à Venise. © Andreas Solaro/ AFP Cela n’a pas traîné. Deux jours après que le G20 a entériné le principe d’une réforme de la fiscalité mondiale et la création d’un impôt minimal mondial de 15%, l’Union européenne a annoncé, lundi 12juillet, le gel de son projet de taxe numérique. Au moins jusqu’en octobre. « La réussite de ce processus [l’implantation d’un impôt minimum mondial – ndlr] nécessitera une dernière impulsion de la part de toutes les parties, et la Commission s’est engagée à se concentrer sur cet effort. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en pause notre travail sur une proposition de taxe numérique», a expliqué un porte-parole de la Commission. Dès dimanche, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, avait demandé à l’Union européenne de reconsidérer son projet de taxe numérique jugé «discriminatoire» à l’égard des groupes américains. L’accord conclu dans le cadre de l’OCDE et confirmé par le G20 «invite les pays à accepter de démanteler les taxes numériques existantes et à s’abstenir d’instaurer des mesures similaires à l’avenir […] Il appartient donc à la Commission européenne et aux membres de l’Union européenne de décider de la marche à suivre», a-t-elle insisté en marge du sommet du G20, à Venise. Les exigences américaines ont été rapidement entendues et suivies. Différer ce projet européenne «nous permettra de travailler main dans la main pour atteindre le dernier mile de cet accord historique» , a confié le commissaire européen à l’économie, Paolo Gentiloni. La promesse d’un impôt minimum global est donc bien une réforme sur mesure pour désamorcer toute attaque contre les géants américains du numérique (voir notre article). La riposte menée par le gouvernement américain a été menée tambour battant. Entre le sommet du G7 début juin, l’adoption par 130pays de l’OCDE le 1erjuillet, et la confirmation par le sommet du G20, il s’est passé à peine cinq semaines pour abattre toutes les lignes européennes. Janet Yellen, secrétaire américaine au Trésor, au sommet du G20 à Venise. © Andreas Solaro/ AFP La taxation des multinationales, et en particulier des géants du numérique (Google, Facebook, Apple, Amazon, Microsoft), est devenu un sujet brûlant entre les États-Unis et l’Europe. Leurs pratiques pour éluder l’impôt dans les pays européens où ils réalisent pourtant des chiffres d’affaires et des bénéfices substantiels sont dénoncées dans nombre de pays. Afin d’éviter des mesures en ordre dispersé, susceptibles de compromettre le marché unique, la Commission européenne a repris le dossier. Elle a proposé l’instauration d’une taxe numérique unique. Cette taxe est censée être une des nouvelles ressources prévues par l’Union pour financer son plan de relance de 750milliards d’euros, adopté après le Covid. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 Sans attendre, le ministre des finances, Bruno Le Maire, s’est érigé en chef de file de la croisade contre ces «intaxables». Plusieurs États membres, dont la France, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne , mais aussi la Grande-Bretagne ont instauré leur propre taxe sur les services numériques. En riposte, les États-Unis ont imposé une hausse des tarifs douaniers sur les importations en provenance de ces pays. Toutes ces mesures, cependant, ont été gelées de part et d’autre, dans l’espoir de trouver un compromis. Ces menaces ont inquiété vivement l’administration Biden dès son accession au pouvoir. D’autant que d’autres textes sont en préparation. Une directive sur la transparence des multinationales est en cours d’adoption: elle vise à obliger l’ensemble des groupes travaillant en Europe à déclarer pays par pays leurs activités, leurs implantations, leurs salariés, leurs chiffres d’affaires et leurs profits. Ce texte, qui doit encore être adopté par le Parlement européen et les différents pays, constitue une avancée majeure dans la lutte contre l’évasion fiscale. De son côté, la direction européenne de la concurrence n’a pas caché ses intentions d’adopter des règles draconiennes contre les Gafam, pouvant aller jusqu’à pousser au démantèlement de ces géants. Une perspective inadmissible pour le gouvernement américain. Même si de nombreux responsables outre-Atlantique commencent à s’inquiéter de la puissance acquise par ces empires du digital et demandent une révision des lois antitrust pour mieux encadrer leur pouvoir, l’administration américaine n’est pas près de laisser à d’autres le soin de lui dicter ses règles. Mais face aux tensions grandissantes avec la Chine, le gouvernement américain ne pouvait rester sourd aux récriminations de ses alliés européens et leurs accusations de pillage fiscal. D’où la proposition de taxer désormais les bénéfices des multinationales en fonction des pays de vente et d’instaurer un impôt minimal de 15%, qui a séduit tous les pays. Mais l’Europe n’est-elle pas en train de lâcher la proie pour l’ombre? Car même si un consensus large s’est dégagé sur la réforme du système fiscal mondial, son adoption est tout sauf assurée. Au sein de l’Europe, l’Irlande, la Hongrie et l’Estonie ont fait connaître leur opposition. Et pour cause! L’Irlande est devenue une des plaques tournantes de l’évasion fiscale au sein de l’Union, attirant tous les sièges sociaux européens des géants du numérique, grâce à des taux officiels de 12,5% d’impôt, mais qui, dans la pratique, peuvent tomber à 1 ou 2%, comme l’ont révélé de nombreuses enquêtes notamment sur Apple. L’adoption de cette réforme fiscale risque d’être encore plus compliquée au Congrès américain. Des sénateurs républicains ont déjà pris ouvertement position contre le projet qu’ils jugent «contraire aux intérêts américains». Pour faire adopter le texte, le gouvernement américain pourrait être amené à accepter de nouvelles concessions, alors que le texte est déjà très peu contraignant, comme le relève l’économiste Joseph Stiglitz. Manifestement peu enthousiaste face à la décision européenne de baisser la garde, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, insiste sur le fait que l’Union européenne reprendra son projet de taxation numérique en octobre, une fois que le projet de taxation mondial sera clair. «Nous continuerons à y travailler. C’est un projet en préparation depuis un certain temps […] Il a un objectif différent de l’impôt mondial minimum, il vise à diminuer le chiffre d’affaires des groupes et non les profits», a-t-elle expliqué lors d’un forum organisé par le Washington Post. En clair, d’encadrer la puissance des géants du numérique et de briser des positions dominantes. Mais la commissaire européenne à la concurrence est la seule à tenir publiquement une telle ligne. À voir le peu de résistance dont ont fait preuve les pays européens face aux pressions américaines, tout laisse présager que le temps où l’Union affichait une volonté de défendre ses intérêts et ses vues par rapport aux intérêts américains est révolu, depuis le départ de Donald Trump. La porte a été promptement refermée. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. 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  • Publié le Dec 02, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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