Politique étrangère Les facteurs économiques de la politique étrangère du Canad

Politique étrangère Les facteurs économiques de la politique étrangère du Canada Bernard Bonin Citer ce document / Cite this document : Bonin Bernard. Les facteurs économiques de la politique étrangère du Canada. In: Politique étrangère, n°2 - 1973 - 38ᵉannée. pp. 149-178; doi : https://doi.org/10.3406/polit.1973.5931 https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1973_num_38_2_5931 Fichier pdf généré le 12/04/2018 LES FACTEURS ÉCONOMIQUES DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA par Bernard BONIN Les relations économiques du Canada avec le reste du monde représentent une sorte de paradoxe. Economie ouverte depuis la naissance du pays (au cours des années récentes, les exportations canadiennes de biens et services ont représenté entre le cinquième et le quart, mais plus près du quart, du produit national brut), on s'attendrait donc à des relations économiques très diversifiées avec le reste du monde. Pourtant, deux pôles géographiques, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ont joué un rôle tellement important dans les relations économiques du Canada avec l'étranger que cette diversification n'a vraiment jamais existé. Si ces relations ont toujours été très étroites, elles ont tout de même montré des changements de structures au cours du dernier siècle, comme le font apparaître les échanges de marchandises et les mouvements de capitaux. Si les deux pays comptent encore au total pour près de 80 pour cent des exportations et des importations canadiennes, il s'est produit toutefois un changement marqué dans leur place respective. Alors que le Royaume-Uni comptait pour environ la moitié des exportations canadiennes jusqu'à 1910, la guerre de 1914- 1918 amènera une tendance à la baisse qui, bien qu'elle ait été marquée de quelques interruptions, se continuera jusqu'à aujourd'hui où le pourcentage du Royaume-Uni n'est plus que de 7,5 environ ; du côté des importations du Canada, le Royaume-Uni a très rapidement perdu la place de premier fournisseur du Canada et ne représente plus aujourd'hui qu'un partenaire comme les autres. Principaux fournisseurs du Canada depuis l'avènement de la Confédération, les Etats-Unis sont aussi devenus ses principaux clients bien que leur importance relative à ce titre ait augmenté rapidement surtout depuis la seconde guerre mondiale. Les deux pays comptaient, il y a un 150 BONIN siècle, pour 89 pour cent des exportations et des importations canadiennes ; aujourd'hui ils représentent encore 78 pour cent des exportations et importations canadiennes. Il reste donc, malgré ce déclin relatif, une importance assez faible pour les autres pays du monde. Quant aux investissements étrangers au Canada, même si nous ne disposons pas de séries chronologiques aussi longues que pour les échanges de marchandises, nous savons que le Royaume-Uni a été le principal pays investisseur pendant une assez longue période. Ses placements de capitaux se faisaient surtout sous la forme de placements de portefeuille, les obligations étant d'ailleurs le plus souvent préférées aux actions. Les Américains sont venus investir au Canada beaucoup plus tard mais ils ont alors rapidement pris la première place. Leur préférence, contrairement aux Britanniques a toujours été très marquée en faveur des investissements directs. Encore là, la Première Guerre est un point tournant dans les relations entre les trois pays ; les Britanniques entrent alors dans une période de dés- investissement, alors que les liens se resserrent entre le Canada et les Etats-Unis. Entre les deux guerres, les Américains deviendront les principaux investisseurs au Canada et ils le demeurent toujours (1). LA SITUATION ACTUELLE A. Echanges commerciaux En ce qui concerne les échanges de biens et services entre le Canada et les Etats-Unis, les Canadiens n'ont pas trop de mal à comprendre l'importance de leurs relations avec leurs voisins du Sud. Même un Américain qui serait disposé à faire un minimum d'efforts en ce sens pourrait se rendre compte de l'importance du Canada dans les échanges commerciaux des Etats-Unis car l'interaction entre les deux pays a atteint un degré sans précédent. Il font probablement, en effet, le plus gros volume d'échanges bilatéraux dans le monde. Les ressources naturelles et l'énergie canadiennes occupent une place de plus en plus grande dans les projets américains. Les Amé- (1) Sur l'histoire des investissements étrangers au Canada, voir Bonin, Bernard, l'Investissement étranger à long terme au Canada, les Presses de l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales, Montréal 1967, chapitre 2. CANADA 151 ricains ont investi davantage de capitaux au Canada que partout ailleurs dans le monde et le Canada enregistre chaque année des sorties considérables d'intérêts et de dividendes vers les Etats-Unis. Les chemins de fer canadiens, les routes, les lignes aériennes et les pipelines sont reliés aux moyens de transport analogues du côté américain de sorte qu'un très gros trafic traverse les frontières (tourisme et services de transport). Une forte partie des travailleurs canadiens syndiqués appartiennent à des syndicats internationaux dont le siège social se trouve aux Etats-Unis. En ce qui concerne le degré de transformation des produits canadiens exportés et importés des Etats-Unis, le Canada importe une forte proportion de produits manufacturés (biens de consommation et biens d'équipement) et il exporte surtout des matières premières peu ou pas transformées, et de l'énergie même si un certain progrès a été fait dans le sens de l'exportation de produits manufacturés par suite de la dévaluation du dollar canadien en 1962 mais surtout à cause d'accords spéciaux avec les Etats-Unis (accord sur l'industrie de l'automobile, par exemple), sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir. C'est ainsi que les Etats-Unis sont devenus un marché de plus en plus important pour le minerai de fer, le fer et l'acier primaires, le pétrole brut et le gaz naturel, les machines et pièces, en plus des véhicules automobiles et des pièces (2). Le recul relatif du commerce canadien avec le Royaume-Uni explique probablement, en bonne partie, la réaction différente du Canada lors de la première négociation visant à l'adhésion de la Grande-Bretagne à la C.E.E. et lors de la dernière qui devait aboutir à un accord. Il y a quelques années la négociation avait provoqué au Canada des réactions assez vives ; la dernière s'est faite dans un climat d'indifférence à peu près complète au Canada. Mais au moment de la première négociation, la Grande-Bretagne représentait encore plus de 15 pour cent des exportations canadiennes ; ce pourcentage a maintenant baissé de moitié et, même si la Grande- Bretagne est encore un marché non négligeable pour quelques produits canadiens (céréales, produits forestiers, aluminium, cuivre et (2) II n'est évidemment pas possible de présenter ici une étude détaillée du commerce extérieur du Canada. Ce sujet a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs ouvrages et articles. Signalons, en particulier, l'excellente étude de B.W. Wilkinson, Canadas International Trade : An Analysis of Recent Trends and Patterns, The Private Planning Association of Canada, Montreal 1968. 152 BONIN nickel, etc.), l'adhésion de la Grande-Bretagne à la C.E.E. ne cause plus les mêmes inquiétudes qu'il y a quelques années. De plus, au cours des années récentes, un certain nombre de problèmes se sont posés dans les relations commerciales entre le Canada et la Grande- Bretagne. Ces problèmes résultent de la modification des tendances à long terme des occasions d'échanges imputable à l'importance croissante du commerce Canada-Etats-Unis et à l'attraction de plus en plus forte qu'exerçait le marché de l'Europe continentale sur la Grande-Bretagne, de l'expérience difficile qu'a connue la Grande- Bretagne depuis la guerre en matière de balance des paiements et des efforts qu'elle a dû faire pour conserver sa capacité concurrentielle sur les marchés internationaux (de toute évidence sans trop de succès), de griefs plus précis au sujet des politiques et pratiques commerciales du Canada (mécanisme de l'évaluation dans l'application des droits canadiens contre le dumping), etc. L'évolution des échanges entre les deux pays a été si nette qu'elle n'exige pas de longs commentaires. Si les relations commerciales du Canada avec la Grande-Bretagne sont en perte de vitesse, en revanche les échanges avec le Japon sont en pleine croissance au point que chacun des pays se trouve au troisième rang parmi les principaux partenaires commerciaux de l'autre. Le tableau 1 nous montre que les exportations canadiennes vers le Japon ont été de 793 millions de dollars en 1970 et les importations de 582 millions. De plus les échanges ont connu, au cours des années récentes, un accroissement beaucoup plus rapide que les échanges avec la Grande-Bretagne si bien qu'il ne faudrait pas se surprendre si le Japon remplaçait d'ici cinq ans la Grande-Bretagne comme deuxième partenaire commercial du Canada. Quant à la France, le même tableau nous montre qu'elle vient au dixième rang parmi les clients du Canada et au sixième rang parmi ses fournisseurs. Les montants en cause des deux côtés sont cependant minimes (154 millions de dollars d'exportations canadiennes et 158 millions d'importations en 1970) et représentent 1,4 pour cent des exportations du Canada et 1,6 pour cent de ses importations. On a pu noter cependant des accroissements rapides au cours des trois dernières années (3). (3) Selon Claude Masson (Les aspects économiques de la Francophonie, Etudes internationales, Québec, septembre 1970), en 1968 à peine 2 % des exportations ou des importations canadiennes impliquent des pays francophones. TABLEAU I EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS NATIONALES DU SES PRINCIPAUX CLIENTS ET FOURNISSEURS (en millions de uploads/Finance/ bonin-les-facteurs-economiques-de-la-politique-etrangere-du-canada.pdf

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  • Publié le Dec 14, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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