Section 1 définition et fondements de l’entrepreneuriat L’ENTREPRENEURIAT : UN
Section 1 définition et fondements de l’entrepreneuriat L’ENTREPRENEURIAT : UN CONCEPT À DÉFINIR ! Le terme entrepreneuriat recouvre différentes acceptations qui méritent d’être clarifiées. La première vision de l’entrepreneuriat est plutôt anglo-saxonne et fait référence à deux courants de pensée : L’émergence organisationnelle, emmenée par Gartner (1988, 1990, 1993), est un processus qui permet à un individu de créer une nouvelle organisation. Les conditions de cette création sont alors privilégiées. Cette approche a été reprise notamment par Aldrich (1999), Sharma et Chrisman (1999) ou Hernandez (1999). L’identification et l’exploitation d’opportunités, emmenée par Shane et Venkataraman (2000) sur les traces de Stevenson et Jarillo (1990) ou Bygrave et Hofer (1991). Dans cette approche, les conditions d’identification et d’émergence d’une nouvelle activité économique sont importantes ainsi que la façon dont elles sont exploitées, mais elles ne conduisent pas forcément à la création d’une nouvelle organisation. Dans ce cas, les opportunités préexistent dans l’environnement. Cette vision associe l’entrepreneuriat à la sphère économique et relaie les valeurs telles que le social et l’écologie au second plan, selon Steyaert et Hjorth (2004). Vision que le Programme d’indicateurs de l’entrepreneuriat OCDE- Eurostat, lancé en 2006, reprend en définissant l’entrepreneuriat « comme le phénomène associé à l’activité entrepreneuriale, action humaine consistant à entreprendre pour générer de la valeur en créant ou en développant des activités économiques grâce à l’identification et à l’exploitation de nouveaux produits, processus ou marchés » (OCDE, 2012, p. 9). Une façon complémentaire d’aborder la création d’entreprise ou d’activité est de faire la distinction entre l’entrepreneuriat par opportunité et l’entrepreneuriat par nécessité. L’entrepreneuriat par nécessité concerne les entrepreneurs qui décident de créer parce qu’ils ne trouvent pas d’autres solutions d’emploi (Bosma et Levie, 2009). Ils sont nombreux dans les pays en développement mais cela touche également les chômeurs et toutes les populations en difficulté qui actionnent les leviers « push » de la création (chômage, licenciement, menace de perte d’emploi). L’entrepreneuriat par opportunité renvoie aux premières définitions et concerne des personnes qui actionnent les leviers «pull » tels que l’autonomie, l’indépendance, la liberté, le statut ou la reconnaissance sociale et l’argent (Carter et al., 2003). La seconde vision est plus globale en ce sens qu’elle considère l’entrepreneuriat « comme un mode de comportement, à la fois complexe et multidimensionnel » (Muzyka, 1998) qui s’inscrit dans un processus et dans une relation dialogique individu (seul ou en équipe) /création de valeur, inscrite dans un environnement et dans un espace temporel (Bruyat, 1993). Dans ce dernier cas, il s’agit de manières particulières de concevoir les choses, en prenant des initiatives et en agissant ; de se comporter avec la volonté d’essayer de nouvelles choses ou de les faire différemment, simplement parce qu’il existe une possibilité de changement (Block et Stumpf, 1992). Il s’agit aussi du souhait de développer une capacité à composer avec le changement et d’expérimenter des idées et agir avec ouverture et flexibilité (Léger-Jarniou, 2001). En un mot, ces deux visions renvoient pour la première à « l’esprit d’entreprise » (souvent associé à la création ou la reprise d’entreprise, sans oublier l’extrapreneuriat) et à « l’esprit entrepreneurial » ou « esprit d’entreprendre » pour la seconde. L’esprit entrepreneurial peut s’exprimer dans des situations d’entreprise et dans sa vie de salarié (via l’intrapreneuriat dans des entreprises existantes ou dans des entreprises familiales) ; mais aussi en dehors de l’entreprise dans sa vie de tous les jours en tant que citoyen (dans des associations ou en tant qu’auto-entrepreneur par exemple). Ces deux visions sont complémentaires en ce sens qu’elles forment un continuum dans lequel la création n’est que la partie visible. C’est la raison pour laquelle l’entrepreneuriat dans ce livre est envisagé dans sa conception la plus large, à savoir un comportement entrepreneurial fondé sur un esprit entrepreneurial et un processus de création d’entreprises. Section 2 la naissance de l’entrepreneuriat et son évolution Nous connaissons aujourd’hui les difficultés à dissocier et rendre nettes les frontières des termes « entrepreneur », « chef d’entreprise », « employeur » ou encore « travailleur indépendant », « travailleur non salarié », « auto- entrepreneur ». En revenant un instant sur l’histoire des concepts d’entrepreneur et d’entreprise (qu’on ne peut étudier séparément), nous pourrons mieux comprendre ces imbrications et les discerner. L’historienne Hélène Vérin (2011) raconte cette histoire et distingue quatre grands domaines dans lequel, à partir du XIIème siècle, la société française leur accorde une place : la guerre, la politique, la police et l’argent. Le Moyen-Âge (XII-XVème siècle) et l’entrepreneur épique Il était au Moyen Âge des chevaliers que l’on nommait « entrepreneurs » et des jeux de guerre que l’on dénommait « entreprises ». Hardiesse, courage et prise de risque étaient les qualités d’un prou entrepreneur. Hélène Vérin définit ainsi l’entreprise chevaleresque comme une « épreuve de soi dans le risque » et un « affrontement par la droiture » (Vérin, 2017 : 31). Plus exactement, elle distingue trois types de chevaliers-entrepreneurs. Les « chevaliers d’aventure », glorifiés dans les romans courtois (XIIème siècle) et notamment ceux de Chrétien de Troyes (Yvain, Lancelot, Perceval, Erec…) ; les chevaliers de joutes ou de tournois en « entreprise de paix » et les chevaliers combattants lors « d’entreprise de guerre ». Durant la Monarchie Féodale qui s’étend du XIIIème au XVIIème siècle, les français trainent pour réputation d’être impulsifs et irréfléchis au combat, d’agir pour leur intérêt propre, au dépend de leur vie et de la victoire du collectif. Dénonçant ces pratiques individualistes et irrationnelles comme une marque de faiblesse ou de « paresse de l’esprit », Vauban, ingénieur et architecte militaire, affirme que bien plus qu’une mise en péril de soi, elle est une mise en péril de l’ordre royal et de sa couronne (Vérin, 2011 : 41). Par extension alors dans le domaine politique, l’entrepreneur est conspirateur et l’entreprise, une remise en cause de l’ordre social. Dans la continuité et dans une France où se développe les corporations et une police des métiers, l’entrepreneur est aussi celui qui déroge aux règles ou détourne une affaire à son profit, encourant des poursuites pénales. En allant plus loin, une entreprise illégale et manœuvrée de manière stratégique, est le fondement du Mal. Le chef des entrepreneurs est alors Lucifer ou sa figure humaine, Machiavel, on parle alors « d’entreprise machiavélique » (Vérin, 2011 : 30, 96). Une dernière forme d’entreprise est celle de l’engagement à prix fait, où un contrat est établie entre l’entrepreneur et un tiers envers qui il s’engage à assumer une tâche. L’entreprise désigne l’accord marchand, non pas une forme d’activité (Vérin, 2011 : 20). Ainsi l’entrepreneur désigne quelques professions qui restent aujourd’hui des symbole de cette figure : l’architecte, l’entrepreneur-maçon et l’artisan. De la conquête du Nouveau Monde à l’Ancien Régime : l’entrepreneur de richesse et le fermier La découverte du Nouveau Monde (1492) et sa colonisation est qualifiée d’entreprise de conquête et les colons, des entrepreneurs de territoire (« Capitalisme », 2014). L’époque des empires coloniaux (Grande-Bretagne, Hollande, Espagne, Italie, France…) est aussi celle de l’internationalisation des échanges (Compagnie hollandaise des Indes Orientales) et par-là, l’expansion du Capitalisme moderne. L’arrivée massive de métaux (or et argent) d’Amérique Latine engendre alors une inflation des marchandises mais aussi un nouveau rapport à la monnaie. La doctrine mercantiliste se développe, ainsi que la publication de traités d’économie politique. Les mercantilistes (Sully, Montchrestien, Colbert, Bodin…), premiers théoriciens de « l’économie nationale » arguent que la croissance économique repose sur trois facteurs : le protectionnisme étatique, l’abondance en homme et l’abondance en argent (Valier, 2005 : 33-38). On passe d’une logique féodale M-A-M (marchandise- argent-marchandise) à une logique A-M-A (argent-marchandise-argent). Jusqu’alors considéré comme un intermédiaire entre deux marchandises, l’argent en tant que métaux devient alors un bien en soit (Piettre, 1979 : 43). S’affirme « l’emprise d’argent », cette nouvelle agitation qui pousse les « entrepreneurs d’argent » en une course effrénée à la richesse privée : paysans, banquiers, marchands, traitants, artisans, fermiers ; mais aussi le gouvernement (Vérin, 2011 : 67 ; Piettre, 1979 : 45). C’est dans ce contexte d’enrichissement des nations et d’abondement des marchés, que nait une nouvelle forme d’entreprise, comme « forme d’activité comprise entre un engagement (avance) d’argent, et sa récupération majorée d’un profit » (Vérin, 2011 : 98). Surnommée par les premiers de « secte des économistes », la physiocratie est un courant de pensée, dont l’invention du nom (mot-valise de « nature » et « pouvoir » en grec) est attribué à Pierre Samuel Dupont de Nemours, qui se développe sur une très courte période en France (1750-1770). Opposée aux mercantilistes et où l’on rencontre Quesnay, mais aussi Adam Smith ou Pierre de Boisguilbert, les physiocrates définissent la richesse, non comme une accumulation de métaux précieux mais comme les fruits de la terre et les biens d’industrie (Jacoud et Tournier, 1998 : 13-14). L’Ancien Régime (1589-1789) se caractérise par une société d’ordre : le Clergé, la Noblesse et le Tiers-État. Ce dernier état se divise en plusieurs groupes sociaux dont les plus expressifs sont les bourgeois (entrepreneurs- commerçants) et les paysans. Sont uploads/Finance/ chapitre-1-1-et-2.pdf
Documents similaires









-
25
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 29, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.0682MB