Les clauses dites « de garantie de passif » dans les cessions de droits sociaux
Les clauses dites « de garantie de passif » dans les cessions de droits sociaux par Gérard NOTTÉ Document: La Semaine Juridique Edition Générale n° 22, 29 Mai 1985, doctr. 3193 La Semaine Juridique Edition Générale n° 22, 29 Mai 1985, doctr. 3193 Les clauses dites « de garantie de passif » dans les cessions de droits sociaux Etude par Gérard NOTTÉ Accès au sommaire INTRODUCTION 1. — Les cessions d'actions et de parts sociales s'accompagnent très souvent de clauses (incluses dans la convention de cession elle-même ou bien insérées en annexe) destinées à garantir les acquéreurs du maintien de la valeur de leur titre en cas de découverte, postérieure à la cession, d'un passif non révélé au moment de la cession. Le cédant s'oblige, soit à indemniser le cessionnaire de la moins-value subie par les titres, soit à payer directement les dettes sociales apparues ; à cette dernière hypothèse devrait être réservée la formule « clause de garantie de passif tandis que l'on devrait qualifier la première branche de l'alternative de « garantie de valeur des parts » ou de révision de prixNote 1. En pratique, on constate que cette distinction n'est pas réalisée. On parle dans les deux cas indifféremment de garantie de passif. Cet abus du sens des mots est susceptible de créer des confusionsNote 2. 2. — L'insertion d'une clause de garantie de passif n'est nullement une obligation pour le cédantNote 3. Le droit commun de l'obligation de garantie du cédant apporte un minimum de protections à l'acquéreur, même si celles-ci sont jugées insuffisantesNote 4. En outre, le cessionnaire qui s'estime lésé et souhaite faire annuler la cession a la possibilité d'invoquer le dol de la part du cédantNote 5 ou plus souvent la réticence dolosiveNote 6 ; la mise en œuvre de ce vice du consentement reste cependant délicateNote 7. Une autre voie peut être empruntée par le cessionnaire : celle de la responsabilité civile. L'octroi de dommages- intérêts lui permettra de compenser la perte de valeur subie par les titres ; c'est assurément la voie la plus commode pour obtenir réparation. Il s'agit ici de responsabilité délictuelle, les faits reprochés étant antérieurs à la cessionNote 8. Une dernière solution s'offre à l'acquéreur qui consiste à intenter un recours contre le cédant en sa qualité — éventuelle — d'ancien dirigeantNote 9. 3. — La difficulté de mise en œuvre de ces procédures et leur risque élevé d'échec sont un atout supplémentaire en faveur de l'insertion d'une clause de garantie de passif. Les praticiens soulignent en outre volontiers qu'une telle clause ne présente pas que des inconvénients pour le cédantNote 10 ; le risque d'être appelé à faire jouer la garantie est faible dans la mesure où les comptes sociaux sont sérieux, et la présence d'une clause de garantie est de nature à faciliter la vente. Document consulté sur https://www.lexis360.fr Revues juridiques Téléchargé le 23/06/2020 Page 2 Copyright © 2020 LexisNexis. Tous droits réservés. 4. — Dans l'hypothèse où le cessionnaire est amené à faire jouer la clause, le recours à l'arbitrage permet en outre aux parties — lorsqu'il est possibleNote 11 — d'éviter l'intervention des tribunaux et la publicité qu'elle entraîne. On comprend ainsi le succès de telles clauses, qui, bien rédigées, sont un facteur de sécurité important. Les litiges soumis à l'appréciation des magistrats concernent, semble-t-il, essentiellement les clauses de garantie de passif, stricto sensuNote 12. 5. — Le fondement de telles clauses (I) est l'objet d'incertitudes en droit positif. Leur mise en œuvre (II) fait également l'objet de difficultés nombreuses et parfois mal résolues. I. — FONDEMENT DES CLAUSES DE GARANTIE DE PASSIF 6. — La validité des clauses de garantie du passif social n'est guère mise en doute par la jurisprudence (A). En revanche, la détermination du véritable bénéficiaire de la garantie soulève de délicates questions (B). A. — VALIDITÉ DES CLAUSES DE GARANTIE DE PASSIF 7. — Si l'on écarte les hypothèses où la cession est annulée — ce qui entraîne par voie de conséquence l'impossibilité de se prévaloir de la clause de garantie, — généralement pour indétermination du prixNote 13, la validité des clauses de garantie elles-mêmes n'est guère mise en doute par la jurisprudence. Un tribunalNote 14 a très nettement affirmé leur validité sans être démentiNote 15 : « ...d'une manière générale, au jour de la cession, la valeur de chaque part a été fixée par les parties en fonction de l'actif et du passif déclarés par le cédant ; si, par la suite, un passif supplémentaire, inconnu au jour de la cession, venait à se révéler, la valeur des parts se verrait diminuée d'autant ; il est donc licite que les cessionnaires exigent du cédant l'engagement de garantir leur créance, c'est-à- dire de faire disparaître le passif non prévu ». L'obligation ne serait donc pas sans cause et l'engagement devrait simplement être considéré comme une application de l'article 1134 du Code civilNote 16. Le débat porte en réalité sur le bénéficiaire de la clause qui n'est pas toujours clairement déterminé par les parties. B. — BÉNÉFICIAIRE DE LA CLAUSE DE GARANTIE DE PASSIF 8. — On pourrait penser à première vue que les cocontractants précisent expressément quel est le bénéficiaire de la clause. En réalité il arrive souvent que dans les clauses de garantie du passif, stricto sensu, cette mention soit absente, et des contestations peuvent surgir si un tiers à la convention — en général la société dont les titres sont cédés — entend agir directement contre le cessionnaire. 9. — L'existence de deux types de clauses distinctes est à l'origine des difficultés rencontrées (1°) . La présence d'un tiers à la convention soulève en outre le problème du fondement de la recevabilité de son action (2°) . » 1° DUALITÉ DES CLAUSES DE GARANTIE 10. — Comme nous l'avons déjà signaléNote 17, deux types de « clauses de garantie » existent : garantie de valeur ou garantie de passif proprement dite. La première correspond à la situation la plus simple : le cédant s'engage à rembourser la différence entre le prix initialement fixé et celui qui résultera de la constatation de la perte de valeur. Document consulté sur https://www.lexis360.fr Revues juridiques Téléchargé le 23/06/2020 Page 3 Copyright © 2020 LexisNexis. Tous droits réservés. Il s'agit donc d'une réévaluation du prix de cession qui est largement pratiquée et recommandéeNote 18. La seconde traduit une réalité différente. Elle conviendrait plus spécialement aux cessionnaires qui entendent jouer un rôle actif dans la société dont ils acquièrent des parts ou des actions. Selon un auteurNote 19, l' « objet de la cession porte davantage sur la société elle-même que sur les droits sociaux ». On constate un déplacement de l'objet de la garantie et en tout cas du bénéficiaire de celle-ci. Le cédant s'engage à payer directement les créanciers sociaux ou bien à rembourser à la société le montant des dettes non révélé au moment de la cession. En d'autres termes, alors que la clause de garantie de valeur des parts (révision de prix) ne peut concerner que les rapports du cédant et du cessionnaire, au contraire, la clause de garantie du passif social oblige à prendre en compte un tiers à la cession. Il est sûr que le terrain d'élection des clauses de garantie du passif social se situe plus particulièrement dans les cessions de contrôle. Comme on a pu le remarquer il est tenu le plus grand compte du passif social dans cette hypothèse, ce qui se comprendNote 20. 11. — Certains auteurs font nettement le départ entre les clauses de garantie de passif et les clauses de garantie de valeur de parts. Ainsi, MM. Barthélémy, Mercadal et Philippe JaninNote 21 affirment que « la clause de garantie de passif doit être distinguée de celle de révision de prix. En effet, sauf volonté contraire des parties elle porte sur la totalité des dettes sociales qui viendraient à se révéler ; en outre, si elle est mise en œuvre, le reversement à la charge du cédant doit être fait à la société ou, cas très fréquent, aux créanciers intéressés, et non aux acquéreurs des parts ou actions... Au contraire, la clause de révision de prix joue au profit des acquéreurs... ». De même un autre auteurNote 22 entend « marquer la différence entre l'engagement de garantie de passif et la clause de révision du prix de vente » en soulignant pour l'essentiel les mêmes différences entre les deuxNote 23. Cette position doctrinale a le mérite de la clarté. Toutefois, on constate qu'en pratique la distinction n'est pas toujours aisée. Ainsi certaines clauses dites de garantie ressemblent « étrangement à des clauses de détermination du prix des parts cédées »Note 24. La difficulté pour les parties de séparer révision de prix et garantie de passif compte tenu des délais d'élaboration des conventions est souvent constatée ; elle est certainement à l'origine de l'imprécision de qualificationNote 25. 12. — L'examen de la jurisprudence révèle que le départ entre ces deux types de clauses n'est pas toujours fait strictement. Un jugement du uploads/Finance/ clause-de-garantie-du-passif.pdf
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- Publié le Oct 05, 2021
- Catégorie Business / Finance
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