POUR UNE THÉORIE DES PROCESSUS ENTREPRENEURIAUX Introduction au dossier Catheri
POUR UNE THÉORIE DES PROCESSUS ENTREPRENEURIAUX Introduction au dossier Catherine Comet La Découverte | « Revue Française de Socio-Économie » 2011/1 n° 7 | pages 13 à 19 ISSN 1966-6608 ISBN 9782707167675 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2011-1-page-13.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Concernant au départ l’acteur économique, elle s’applique aujourd’hui aussi bien à l’acteur social, politique ou culturel, et vient même contaminer la sphère privée. Ce phénomène est concomitant à la montée de l’idéologie néolibérale et à ses corollaires, le retrait progressif de l’État en matière de politiques économiques et sociales et la remise en cause du pacte social fondé sur le salariat, l’emploi à vie et la grande entreprise [voir à ce sujet Lordon, 2002 ; Foucault, 2004 ; Denord, 2007 ; Dardot et Laval, 2010]. Enjoint d’être autonome, l’individu est en même temps contraint à une incertitude croissante. Derrière la rhétorique entrepreneuriale, se des- sine une politique de mise en concurrence généralisée, destructrice de solidarités et d’identités collectives. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le thème de l’entrepreneur connaisse un certain succès dans les sciences économiques et sociales. Il devient, en outre, urgent d’offrir une meilleure compréhension des processus entrepreneuriaux, pour contrecarrer une vision simpliste de la concurrence. Ce dossier reflète la diversité des approches en matière de recherches sur les entrepreneurs. Ce champ s’est largement renouvelé au cours des vingt dernières années, dépassant la tendance indi- vidualisante reprochée aux précédentes perspectives. Les travaux récents se concentrent plutôt sur les dimensions collectives de l’entrepreneuriat. Une tension existe toutefois entre des travaux qui visent à aboutir à une théorie générale et d’autres insistant au contraire sur la singularité des trajectoires. Une troisième voie consiste à s’intéresser aux mécanismes et dispositifs sociaux dont peuvent ou non bénéficier les entrepreneurs. Quel que soit l’intérêt de ces travaux, il semble difficile d’identifier un cadre théorique cohérent, ce qui met en péril la cumulativité des recherches. Cette introduction est l’occasion de nous interroger sur la possibilité d’une théorie de l’entrepreneur. De l’entrepreneur à l’entrepreneuriat 1. Vu la multitude de facettes que traitent les recherches sur l’entrepreneur, la difficulté consiste d’abord à le définir. Le premier réflexe pourrait conduire à douter de la pertinence d’une étiquette unique pour caractériser un champ de recherches aussi hétéroclite. Est-il bien opportun de regrou- per sous un même chapeau des recherches traitant de créateurs d’entreprises, de grands patrons, DOI: 10.3917/rfse.007.0013 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.89.195.68 - 25/11/2019 17:51 - © La Découverte Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.89.195.68 - 25/11/2019 17:51 - © La Découverte 2011 14 07 1er sem. de PME, de managers, d’artisans, de commerçants immigrés, etc. ? Il n’y a d’ailleurs pas de consensus dans la littérature sur ce qu’est un entrepreneur, ni même sur ce qu’il n’est pas. Pierre-Paul Zalio définit les entrepreneurs « comme des acteurs recherchant un profit personnel par la direction d’une entreprise, par l’indépendance profession- nelle ou, à la limite, par la conduite autonome d’activités relevant du salariat » [2009, p. 593]. Peu restrictive, cette définition a le mérite de mettre en relief l’autonomie de ces acteurs et la spécificité des activités entrepreneuriales, consistant à rechercher et à identifier des opportunités de profit, au sens large, en contexte d’incertitude. En revanche, le consensus qui se dégage de la littérature concerne le fait que l’objet des recherches se déplace de l’entrepreneur-individu vers l’entrepreneuriat-activité. Cela s’explique notamment par l’échec, largement reconnu, des premières recher- ches sur l’entrepreneur, qui visaient principalement à élucider les facteurs individuels, notamment psychologiques, favorisant soit la création d’entreprise, soit le succès des créations d’entreprise. Ces travaux se sont surtout développés au sein de Business Schools dans les années 1970-1980. Ils se plaçaient dans le sillage de la théorie de Schumpeter, qui dresse un portrait héroïque de l’entrepreneur, le dotant de qualités exceptionnelles d’innovation, de volonté et d’énergie. Si Schumpeter reste de manière évidente la principale référence dans ce domaine, il est paradoxalement délicat d’en identifier les réels héritages dans les travaux actuels. Howard Aldrich se demande justement si le faible nombre d’articles citant explicitement Schumpeter ne tient pas au fait que sa théorie est trop centrée sur l’action individuelle [2005, p. 456]. Le dépla- cement de la question de l’entrepreneur vers celle de l’entrepreneuriat apparaît, sous cet angle, comme un moyen d’éviter le centrage sur l’action individuelle. Depuis ces premiers développements, les recherches sur l’entrepreneuriat sont sorties du seul giron des Business Schools et concernent actuellement de nombreu- ses disciplines. Au-delà de l’économie et des sciences de gestion, elles intéressent aujourd’hui des sociologues, des historiens, des anthropologues, des politistes… Il existe par ailleurs quelques revues sur l’entrepreneuriat, dont la dernière en date est Entrepreneurship Research Journal, éditée par Berkeley Electronic Press. En France, plusieurs groupes de recherche se sont de plus créés, tels que celui coordonné par Pierre-Paul Zalio et Michel Grossetti sur « Les appuis sociaux de l’entrepreneuriat » dans le cadre d’un programme thématique de l’ANR. Des journées d’études, comme celle organisée en 2010 par Célia Bense Ferreira Alves et Frédéric Poulard au Clersé sur « L’entrepreneuriat artistique et culturel », et des séminaires, comme celui animé à l’EHESS par Michel Villette, « Sociologie de la pratique des affaires », ont régulière- ment lieu sur ce thème. Ce dossier ne peut prétendre rendre compte de la variété des recherches menées. Il propose néanmoins quelques articles assez emblématiques des principales approches qui structurent ce champ. Une diversité d’approches 2. Outre une variété d’objets de recherche, ce domaine présente une certaine diver- sité dans les approches mises en œuvre. Pour schématiser, on peut les classer en trois catégories. La première, relativement globalisante, vise à aboutir à une théorie générale, à l’instar de l’école autrichienne. Cette approche, plus fréquente chez les Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.89.195.68 - 25/11/2019 17:51 - © La Découverte Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.89.195.68 - 25/11/2019 17:51 - © La Découverte 2011 15 07 Dossier : Les entrepreneurs : concurrence et coopération P13 > 19 1er sem. économistes, associe l’entrepreneur à la recherche d’opportunités, à la prise de ris- ques, à l’innovation ou à une capacité à agir en situation d’incertitude. La seconde, plutôt ethnographique, consiste à décrire le contexte d’émergence et d’action ainsi que la singularité des trajectoires des entrepreneurs. Il s’agit de décrire les systèmes de valeurs, les normes et les structures sociales dont les entrepreneurs tirent pro- fit dans l’exercice de leur activité. Enfin, la troisième, intermédiaire, se centre sur les processus et la dimension collective de l’entrepreneuriat en étudiant plus particuliè- rement les dispositifs techniques, relationnels et institutionnels, qui soutiennent les activités entrepreneuriales. Cette approche ambitionne d’aboutir à une théorie de moyenne portée centrée sur les processus sociaux, en s’intéressant notamment aux « encastrements » et aux « découplages » des entrepreneurs et à la dynamique de concurrence et de coopération qui les caractérise. En référence à la première approche, Stéphane Longuet critique, dans son article « L’entrepreneur et la coordination. Les limites paradoxales des approches autrichien- nes », les failles de la théorie autrichienne de l’entrepreneur, à partir de l’étude des travaux de Kirzner, Hayek et Lachmann. D’après lui, ces contributions ne permettent pas d’aboutir à une théorie de l’entrepreneur fondée sur des bases solides, car elles ne parviennent notamment pas à intégrer de manière satisfaisante les problèmes de coordination. Cet article relativise ainsi les apports de l’école autrichienne. Il mon- tre par la même occasion toute la difficulté d’élaborer une théorie de l’entrepreneur reposant sur l’individualisme méthodologique. De ce point de vue, la proposition de J.-P. Bréchet et L. Prouteau de sortir du cadre du choix rationnel semble prometteuse [2010], mais l’option consistant à rabattre l’action entrepreneuriale sur l’action orga- nisée n’est pas satisfaisante. Michel Villette s’inscrit, quant à lui, dans la seconde approche avec son article inti- tulé « Comment répondre à la demande institutionnelle d’enseignement de l’entre- preneuriat ? Compte rendu ethnographique d’une expérience d’enseignement ». À uploads/Finance/ comet-2011.pdf
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- Publié le Sep 04, 2022
- Catégorie Business / Finance
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