L'ORGANISATION DE BANK AL-MAGHRIB DE 1959 À NOS JOURS : L'ÉMERGENCE DE LA BANQU

L'ORGANISATION DE BANK AL-MAGHRIB DE 1959 À NOS JOURS : L'ÉMERGENCE DE LA BANQUE CENTRALE AU MAROC Olivier Feiertag Armand Colin | « Histoire, économie & société » 2016/4 35e année | pages 36 à 52 ISSN 0752-5702 ISBN 9782200930387 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.inforevue-histoire-economie-et-societe-2016-4-page-36.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Fondée en 1959, à partir de l’ancienne Banque d’État du Maroc qui datait du protectorat français, Bank Al-Maghrib présente les trois modèles du central banking qui se sont succédé des années 1960 à nos jours : banque d’émission nationale, elle met son organisation au service du financement de l’économie marocaine en pleine croissance ; la crise de la dette et le plan d’ajustement structurel négocié avec le FMI dans les années 1980 et 1990 font évoluer ce modèle dans le sens d’une banque centrale indépendante qui débouche dans les années 2000 sur une révolution managériale inséparable de l’émergence de l’économie et de la société marocaine. Abstract The history of Bank Al-Maghrib, the central bank of Morocco, provides a case-study for the evolution of the organization and governance of a central bank from the 20th to the 21st Century. Founded in 1959, from the former colonial Banque d’État du Maroc, Bank Al-Maghrib is first designed as « a national bank of issue », financing the economic growth under the aegis of the State ; The debt crisis of the 1980s and the influence of the IMF until the end of the 1990s changed the pattern : Bank Al-Maghrib became an independant central bank which emerged in the 2000s through a managerial revolution at the same time with the emergence of the Moroccan economy and society. L’histoire de la Banque centrale du Maroc — Bank Al-Maghrib dans toutes les langues du monde depuis 1987 — relève de l’histoire du temps présent. Elle s’inscrit pleinement dans l’histoire de la décolonisation et de l’accession à l’indépendance nationale du Maroc. Bank Al-Maghrib est fondée le 30 juin 1959. Elle se substitue à la Banque d’État du Maroc, l’ancienne banque d’émission internationale créée par l’acte d’Algésiras de 1906 dans le Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.248.141.36 - 17/09/2019 03:06 - © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.248.141.36 - 17/09/2019 03:06 - © Armand Colin L’organisation de Bank Al-Maghrib de 1959 à nos jours 37 contexte des rivalités impérialistes de notre première mondialisation1. Le 17 octobre 1959 est institué, dans la foulée, le dirham, nouvelle unité monétaire du Maroc indépendant en remplacement du franc marocain introduit en 1921, moins de dix ans après le début du protectorat français. La création du dirham détache brutalement le Maroc de la zone franc. Il ne fait pas de doute que cette mesure double, création d’un Institut d’émission national et introduction d’une monnaie souveraine, pour reprendre les mots de Daniel Rivet, « clôt symboliquement le processus d’émancipation de la tutelle coloniale entrepris par le Maroc » depuis au moins les années 19302. « Symboliquement » ? Oui, car la monnaie est d’abord un signe et l’on ne méconnaît pas bien sûr la force des symboles pour l’histoire des États nations. Mais, pour autant, qu’en est-il en réalité ? C’est bien le problème historique principal de toute histoire post- coloniale : la rupture du lien de domination politique entre les colonisateurs et les anciens colonisés s’est-elle accompagnée de la fin des rapports de domination économique ? En d’autres termes : la décolonisation politique ne masque-t-elle pas la persistance longue d’un néo-colonialisme de nature économique et financière, moins visible mais tout aussi préjudiciable, jusqu’à nos jours, au développement des anciens territoires coloniaux ? C’est la question que pose explicitement Mohamed Lazhar Gharbi à propos de la création de la banque centrale de Tunisie de 1955 à 19583. À cette question — comme l’écrivait dès 1965 Jacques Berque, grand connaisseur du Maghreb — la réponse n’est pas univoque4. Elle ne peut être qu’historique. D’une part, le monde colonial n’est pas un bloc. C’est l’une des leçons principales des post- colonial studies : plusieurs modèles de décolonisation coexistent. D’autre part et surtout, la décolonisation est un processus de durée variable, pas nécessairement achevé moins d’un demi-siècle après le début des indépendances et qu’il convient donc avant toute chose d’historiciser. Dans le cas du Maroc, on doit en effet se demander si la transition postcoloniale, enclenchée avec le retour d’exil du sultan Mohammed Ben Youssef en 1955, est aujourd’hui achevée5. De cette manière seulement, on peut espérer contribuer à l’histoire encore largement en friche de l’émergence, notion qui, sans cela, risque de demeurer au stade du slogan ou, au mieux, de concept mou6. L’histoire de Bank Al-Maghrib, comme de toutes banques centrales dans le monde, offre une vue pour ainsi dire en coupe des évolutions du Maroc contemporain. Il ne s’agit pas de chercher ici à rendre compte de toute l’histoire de la banque centrale du Maroc, mais bien d’analyser les mutations successives de son organisation7. Comment ont 1. Cf. Samir Saul, « La Banque d’État du Maroc et la monnaie sous le protectorat », in La France et l’outre-mer, un siècle de relations monétaires et financières, Paris, CHEFF, 1998, p. 389-427. 2. Daniel Rivet, Histoire du Maroc de Moulay Idrîs à Mohammed VI, Paris, Fayard, 2012, p. 359. 3. Mohamed Lazhar Gharbi, « Une volonté de décolonisation financière : la création de la banque centrale de Tunisie 1955-1958 », Publications de l’Institut des Belles Lettres arabes, 2e semestre 2003, p. 161-178. 4. Jacques Berque, « Quelques perspectives d’histoire économique coloniale », in De l’impérialisme à la colonisation, Paris, Les Éditions de Minuit, 1965, p. 91-100. 5. Cf. Pierre Vermeren, Le Maroc en transition, Paris, La Découverte, 2001. 6. Cf. Growing Faster, Finding Jobs, Choices for Morocco, World Bank Middle East and North Africa Economic Studies, The World Bank, Washington, D.C., août 1996, préface de Kemal Dervis ; Sylvie Delannoy, Géopolitique des pays émergents ; ils changent le monde, Paris, PUF, 2012. 7. Cette recherche n’aurait pas été possible sans l’accueil qui nous a été réservé à Bank Al-Maghrib depuis 2010 dans le cadre plus général de la rédaction d’une histoire de Bank Al-Maghrib de 1959 à nos jours, entreprise grâce à la médiation des éditions du Cherche-Midi et en particulier du regretté Jean-Pierre Taillandier. Que soient ici remerciées toutes les personnes qui au Maroc, à la banque centrale comme ailleurs, m’ont donné accès aux multiples sources, écrites et orales, primaires et publiées, sans lesquelles aucune histoire n’est possible. Nous n° 4, 2016 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.248.141.36 - 17/09/2019 03:06 - © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.248.141.36 - 17/09/2019 03:06 - © Armand Colin 38 Olivier Feiertag évolué, de la (re) fondation de Bank Al-Maghrib en 1959 jusqu’à nos jours, le modèle de gestion théorique et les modalités du fonctionnement pratique de la banque centrale du Maroc ? Elle apparaît, à l’instar des autres banques centrales dans le monde, comme une organisation complexe et spécifique, en évolution continuelle, juridiquement sui generis et véritablement sans pareil dans le paysage du management, à la croisée des modèles antagonistes de l’entreprise et de l’institution8. L’enquête est d’autant plus fondée que le central banking est au cœur de la thématique de l’émergence9. Sur la banque centrale repose, en fait, l’ensemble du processus « d’ap- profondissement financier » (financial deepening) qui constitue le vecteur principal de l’insertion réussie d’une économie nationale en développement dans le marché mondia- lisé10. Ce qui est proprement la définition de l’émergence. À la banque centrale, la tâche essentielle « d’ouvrir le système financier » et de « superviser » son fonctionnement en se dotant des « moyens humains et matériels » appropriés11. Le rôle crucial que le central banking est appelé à jouer dans les politiques de l’émergence est une raison majeure pour tenter d’ouvrir la « boîte noire » de la banque centrale. Mais il y a une autre raison, tout aussi importante : toute uploads/Finance/ l-x27-organisation-de-bank-al-maghrib-de-1959-a-nos-jours-l-x27-emergence-de-la-banque-centrale-au-maroc.pdf

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  • Publié le Mai 31, 2021
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