Droit de la concurrence Kaouthar JOUINI Chapitre II. La procédure de contrôle d

Droit de la concurrence Kaouthar JOUINI Chapitre II. La procédure de contrôle des concentrations Le contrôle des concentrations est un contrôle a priori, avant que la concentration ne soit opératrice sur le marché. Le législateur a pris le soin de préciser plusieurs aspects de cette procédure, qui est, en fait, celle des autorisations administratives, en s’intéressant d’une part, au déclenchement de la procédure (Section I), et d’autre part, au déroulement de la procédure (Section II) Section I. Le déclenchement de la procédure Le déclenchement de la procédure a été laissé à l’initiative des entreprises concernées. Celles-ci sont obligées de notifier au Ministre du commerce tout projet ou toute opération de concentration et ce dans un délai de 15 jours à compter de la date de la conclusion de l’accord, de la fusion, de la publication de l’offre d’achat ou d’échange des droits ou obligations ou de l’acquisition d’une participation de contrôle1. Il s’agit du système de l’autorisation que l’on connaît en matière administrative. Plusieurs points méritent d’être approfondis pour bien comprendre la procédure du contrôle. §1er. Le moment de la notification Le moment de l’intervention de l’autorité concurrentielle est très important. En effet, pour que le contrôle soit efficace, il faut une intervention au préalable avant que les entreprises ne procèdent à la concentration. C’est ce qu’a fait notre législateur puisqu’il a prévu la notification obligatoire du projet même de la concentration. Cependant, il arrive que les entreprises omettent de notifier ou bien font une mauvaise appréciation de l’impact et de l’importance de leur opération de concentration en estimant qu’elles ne relève pas du contrôle instauré par la loi et par conséquent, ne la notifient pas. Il est aussi à signaler que la rapidité requise dans le monde des affaires ne permet pas aux entreprises de notifier un projet de concentration et d’attendre le déroulement de la procédure avant de la réaliser. Conscient de toutes ces hypothèses qui peuvent se présenter, le législateur a prévu, outre l’obligation de notifier le projet de concentration, la notification 1 Art 9 al 1er. Droit de la concurrence Kaouthar JOUINI de toute opération de concentration déjà réalisée, faisant ainsi preuve de beaucoup de souplesse. Il faut, cependant, souligner que le fait d’obliger les entreprises de notifier le projet ou l’opération de concentration dans les 15 jours de la date de sa conclusion, peut poser des problèmes pratiques. En effet, On ne peut parfois pas préciser le point de départ de ce délai de 15 jours2. Le non respect de cette obligation de notification encourt une sanction consistant en une peine d’amende dont le montant ne peut dépasser 10% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé sur le marché national par les opérateurs concernés au cours de l’exercice comptable écoulé3. Pour plus de rigueur, il aurait mieux valu que la loi retienne plutôt l’astreinte comme sanction, c’est-à-dire prévoir un montant ou un pourcentage du chiffre d’affaires qui se calculerait par jour ou par semaine de retard4. §2ème. Le contenu de la notification La notification doit permettre aux autorités de contrôle de parvenir à une appréciation correcte de l’opération qui leur est soumise. Pour ce faire, la notification doit être aussi complète que possible, elle doit contenir toutes les informations de nature à aider l’autorité de contrôle dans son travail. Le dossier de notification est conçu de manière à permettre d’apprécier outre la taille, l’identité des parties, la nature de l’opération, les marchés concernés5. A partir du dossier présenté par les entreprises concernées, l’autorité de contrôle va tout d’abord déterminer si la concentration entre dans le champ d’application de la loi ou pas. Elle va apprécier si les seuils prévus par le texte sont franchis ou pas par les entreprises parties à la concentration (parts de marché et chiffres d’affaires). Ces éléments vont, également, permettre aux autorités de contrôle d’établir le bilan de la concentration qui leur est soumise, de comparer les inconvénients de l’opération, à savoir essentiellement le degré d’atteinte à la concurrence sur le marché concerné, et les avantages qui sont susceptibles de découler de la concentration. §3ème. Les effets de la notification 2 Si on prenait l’exemple de la fusion, on constate que le Code des sociétés commerciales exige le passage par plusieurs phases pour que la réalisation de la fusion. La question se pose de savoir laquelle de ces phases sera considérée comme point de départ du calcul du délai prévu par la loi. 3 Art 43 de la loi. 4 C’est le cas en droit communautaire. 5 Art 9 al 5 de la loi. Droit de la concurrence Kaouthar JOUINI A partir de la notification du projet ou de l’opération de concentration, le ministre du commerce dispose d’un délai de 3 mois pour se prononcer sur la question. Pendant ce délai, précise l’article 9 al 4, « les entreprises concernées par le projet ou l’opération de concentration ne peuvent prendre aucune mesure rendant la concentration irréversible ou modifiant de façon durable la situation du marché». La notification a donc pour effet de suspendre la mise en œuvre de l’opération de concentration. Lorsque la concentration est encore à l’état de projet, les entreprises ne doivent donc pas procéder à sa réalisation. En revanche, si l’opération est déjà réalisée, c’est sa mise en œuvre qui est concernée par l’effet suspensif (suspension de l’exercice des droits de vote attachés aux participations concernées…). C’est que la mise en œuvre de la concentration pourrait la rendre irréversible et même si une décision négative intervient, elle sera inefficace car il est difficile de démanteler une concentration déjà réalisée et effacer ses effets dur les structures du marché. Dans l’hypothèse où les parties ne respectent pas la loi et mettent en œuvre leur opération sans attendre la décision du ministre du commerce, une amende ne pouvant dépasser 10% du chiffre d’affaires peut être infligée aux entreprises contrevenantes. Section II. Le déroulement de la procédure Le contrôle des concentrations implique des intérêts contradictoires : l’intérêt des entreprises en cause, qui voudraient que le contrôle soit le plus rapide et le plus simple possible puisque dans le domaine des affaires le temps équivaut à de l’argent, et la sauvegarde de l’ordre public économique qui voudrait plutôt que le contrôle soit rigoureux, peu importe le temps que cela peut prendre et en faisant intervenir plusieurs autorités. Force est de constater que la conciliation entre ces différents intérêts est difficile et que l’on fasse prévaloir certains objectifs sur d’autres. C’est le choix de notre législateur qui a fait prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt des entreprises concernées. En effet, la loi a essayé d’instaurer un contrôle assez rigoureux faisant intervenir deux autorités de régulation du marché : le ministre du commerce et le conseil de la concurrence qui doit donner son avis sur la concentration après avoir procédé au bilan économique et social de l’opération. §1er. La décision du ministre après avis du conseil Droit de la concurrence Kaouthar JOUINI Le système de contrôle instauré par la loi est un système d’autorisation préalable semblable à celui qu’on connaît en droit administratif. En effet, à partir de la notification du projet ou de l’opération de concentration, le ministre du commerce dispose d’un délai de trois mois pour l’autoriser ou la refuser. Si, passé ce délai, le ministre ne se prononce pas, la concentration est réputée admise puisque, d’après l’article 9 al 3, le silence du ministre vaut dans ce cas acceptation tacite, une telle solution permettant de préserver l’intérêt des entreprises concernées. En matière de concentrations, et depuis 2005, le ministre est désormais obligé de saisir le conseil de la concurrence afin de demander son avis sur le projet ou l’opération de concentration qu’on lui notifie (contrairement à ce qui était prévu dans la loi de 1995). Cela permet d’atténuer le large pouvoir d’appréciation qui était octroyé au ministre en la matière. Il s’agit là d’un des cas de consultation obligatoire du conseil de la concurrence qui se présente comme une juridiction spécialisée ayant également une mission consultative. Cet avis du CC n’est que consultatif, il n’oblige pas le ministre. Toutefois, il faut rappeler que puisque toutes les décisions et avis du conseil sont publiés, cela constitue une contrainte pour le ministre pour prendre en considération ces avis. Par ailleurs, dans le cas où le conseil donne un avis favorable aux entreprises en question et que le ministre refuse de leur accorder l’autorisation, ces entreprises auraient entre leurs mains un avis qui contiendrait tous les arguments qu’elles pourraient utiliser pour agir devant le tribunal administratif contre la décision de refus. Tout cela fait que, en pratique, le ministre prend toujours une décision conforme à la proposition du conseil de la concurrence, qui est d’ailleurs, l’autorité la plus compétente pour juger de l’opportunité de l’opération de concentration et ses implications sur la concurrence. Le Ministre chargé du commerce peut seul ou, le cas échéant conjointement avec le ministre dont relève le secteur d’activité concernée, prendre toute mesure conservatoire propre à assurer ou rétablir les conditions d’une « concurrence acceptable ». (Art 8) Enfin, il faut préciser uploads/Finance/ concentration-procedures 1 .pdf

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  • Publié le Dec 29, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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