Conclusion et synthèse : le « principe d’incertitude généralisé » 1 – Selon la

Conclusion et synthèse : le « principe d’incertitude généralisé » 1 – Selon la théorie libérale des marchés efficients, les cours de bourses restent parfaitement imprévisibles L’instrument de base, la boussole des boursiers est le PER, (Price Earnings Ratio). Le PER – ou multiple, ou coefficient de capitalisation - est le rapport entre la valeur de marché de l’action et le bénéfice par action, le BPA (attendu pour l’année en cours en général), ou au niveau global entre la capitalisation boursière et le bénéfice de l’entreprise1. Cette contradiction entre le long terme et le court terme, c’est la bourse ! Le moindre bénéfice annoncé un peu inférieur au bénéfice attendu fait chuter les cours (illustré il y a quelques années par le « profit warning », la mise en garde, l’avertissement de Serge Tchuruk, le PDG d’Alcatel2 et encore dernièrement dans la Nouvelle économie). Et inversement. La bourse, de par sa nécessaire liquidité – elle est faite pour ça – tend à être courtermiste, en contradiction avec les fondamentaux qui supposent la prise en compte du long terme. 11 - Prévision possible ou impossible ? De Dow à la crise de 1929 * La prévision possible : « la théorie de Dow » La première théorie moderne des prévisions boursière est optimiste : la prévision est possible : c’est la « théorie de Dow » (cofondateur de Dow, Jones and Co3 en 1882), qui proposait des prévisions des cours des actions dans son Wall Street Journal. L’idée en est que les fluctuations des cours ressemblent aux marées : il suffit donc de pouvoir repérer les marées hautes et basses4. 1 Pour une action de 500 et un BPA de 20, le PER est de 25 : on paie l’action 25 fois son bénéfice actuel. Ce qui peut paraître « cher ». Son inverse ressemble à un taux de rentabilité, ici l’action rapporte en bénéfice de 4 %, ce qui n’est pas beaucoup. L’inverse du PER jugé normal est souvent pris comme approximation de la rentabilité désirée. Si ce taux est de 8 %, le PER normal est de 12,5 : les actions à PER plus élevé sont chères, il faut les vendre ; les actions à PER plus faibles sont bon marché, il faut les acheter. Sauf que cette analyse est absurde si les bénéfices actuels n’ont rien à voir avec les bénéfices futurs. Par exemple pour les fameuses Start up de la E- economics, la Nouvelle économie que l’on enterre aussi vite en 2001 qu’on lui avait promis un brillant avenir sans trop de risque en 1999 et 2000, comme les chemins de fer de la « Nouvelle économie » du milieu du XIXe siècle. Un PER de 1000 ou 2000 n’a jamais empêché un spéculateur de les acheter. Il voit – voyait … - loin, pas seulement les bénéfices de l’année – même des pertes - d’une entreprise pleine d’avenir. 2 On a beaucoup parlé de cet exemple de profit warning ; il semble que quelque colère de quelque fonds de pension soit en fait à l’origine de l’écroulement du cours plus qu’une réaction spontanée de la masse des opérateurs. 3 Et de l’indice Dow Jones. 4 Cette théorie fut reprise par Hamilton jusqu’en 1929 où ce dernier prédit, dans son éditorial du Wall Street Journal du 21 octobre 1929 le reflux de la marée (The Turn in the Tide) qui allait se produire quelque jours plus tard. Mais il avait déjà joué plusieurs fois les Cassandre, en se trompant. Ces analyses fondent ce que l’on appela plus tard les analyses chartistes, par des graphiques : autrement dit, les graphiques de l’évolution des cours peuvent permettre de percevoir les « mouvements des marées ». On parle maintenant d’analyse technique. Ces croyances en la prévisibilité des cours boursiers persistent encore aujourd’hui. Une tentative fut effectuée en 1961 par Sidney Alexander : Prices Mouvements in Speculative Markets : Trends or Random Walks, (Les mouvements des cours boursiers : tendances ou marches au hasard), Industrial Management Review. Elle * L’indétermination radicale du futur boursier selon Bachelier, en 1900, retrouvée après 1929 Dans le livre de Bernstein1, dans la première partie (Le décor) au chapitre 1 (Peut-on prévoir le cours des actions ? C’est douteux) on apprend que la première analyse mathématique de la bourse date d’un siècle (1900). Un mathématicien français, Louis Bachelier, y trouvait déjà une absence totale de possibilité de prédiction : « Les événements passés, les événements présents, et même les événements futurs2 actualisés se reflètent dans les prix de marché, mais souvent ils ne présentent aucune relation apparente avec les variations de cours… Le marché réagit à lui-même et la fluctuation actuelle est une fonction non seulement des fluctuations antérieures, mais aussi de l’état actuel3. Ces fluctuations sont déterminées par un nombre infini de facteurs ; il est donc impossible de pouvoir les prévoir mathématiquement »4. Il estime que « L’espérance mathématique du spéculateur est nulle »5. Ceci ne remet pas en cause le fait que la bourse gagne toujours sur le long terme (le profit ne provient pas du risque mais du surplus économique dégagé), mais le fait qu’il est statistiquement impossible en moyenne de gagner plus que ce trend. Bachelier fait donc référence à ce qui deviendra l’efficience des marchés : « Clairement, le prix considéré par le marché comme le prix probable est le prix courant : si le marché en jugeait autrement, il ne coterait pas ce prix mais un autre prix plus élevé ou plus bas »6. Le hasard est tel que l’amplitude des fluctuations du marché est proportionnelle à la racine carrée du temps, exactement comme le mouvement brownien des molécules d’un gaz, ce que l’on nomme maintenant pour les marchés financiers : la marche au hasard. 12 – Les marchés efficients et l’indétermination des valeurs boursières futures * L’effet de la crise à partir de 1929 Le krach boursier de 1929 donna aux analyses parfaitement inconnues de Bachelier, et au doute fondamental, un essor certain. Alfred Cowles sponsorisera la Cowles Commissions for Research in Economics qu’il proposera à la Econometric Society présidée par Irving Fisher. sembla aboutir à des résultats par une méthode peu différente de celle de la théorie de Dow : il s’agissait de repérer les moments d’inversion du marché. Comme dit un humoriste, la bourse, c’est facile « Buy low, sell high and go golf ! ». Alexander obtiendra avec sa méthode des résultats positifs (sur le passé…) mais reconnaîtra ensuite son excès d’optimisme. Sa méthode ne peut marcher que si la plupart des autres spéculateurs sont mal informés, ont une « connaissance imparfaite » du marché. Il anticipait la théorie des marchés efficients qui a suivi, doutant de la possibilité de battre le marché, de faire mieux – sauf hasard et chance – que la méthode du « buy and hold » : acheter et conserver. 1 Des idées capitales, op. cit. 2 Sans le savoir, Bachelier fait en gros référence à ce qui deviendra la théorie des trois stades, rappelé brièvement plus loin, de l’efficience des marchés : la faible, la semi-forte et la forte. Ces types d’efficience des marchés trouvent en fait leur source chez Bachelier. 3 On peut également trouver là les prémisses de l’analyse de Keynes des conventions et du mimétisme analysée plus loin. 4 Thèse de Bachelier (1900), cité par Bernstein, op. cit. pp. 24-25. Bachelier fut redécouvert par les Américains Savage, puis Samuelson au milieu des années 50. 5 Ibid. p. 26. 6 Ibid. p. 27. Les travaux de cette Commission montreront dans les années 30 que les prédictions boursières tenaient plus aux loi du hasard qu’à une science quelconque1. * Les marchés efficients, impossibles à battre Si les marchés sont parfaits et donc « efficients », la prédiction est impossible. Toute la théorie financière moderne suppose un marché parfait2 ou efficient comme dans la concurrence parfaite du marché des biens et services mais avec d’autres conditions : les prix sur un tel marché reflètent toute l’information disponible. Il s’agit de l’atomicité, de la transparence c’est-à-dire parfaite information sans coût d’accès et coûts de transaction3, de l’absence d’impôts, enfin avec titres parfaitement divisibles. Plus deux conditions importantes : le raisonnement est réalisé sur une période entre l’instant présent t et le futur, le délai n’étant pas précisé ; les anticipations sont homogènes, rationnelles (maximisation de la richesse) et les risques sont évalués de la même façon par tous les agents4. La dernière condition est à expliciter et est trouble. Elle n’existe qu’à l’équilibre du marché parfait. Tout déséquilibre (nouvelle information sur le futur seulement, le passé et le présent étant censés connus) va évidemment modifier l’évaluation de chacun, mais pas dans le même sens ; il y aura des haussiers et des baissiers avant d’atteindre un nouvel équilibre. Il faut de plus distinguer l’information du bruit ou de la rumeur (noise trading). Malheureusement la distinction est difficile, d’où les processus mimétiques analysés dans la partie suivante qui s’opposent à l’efficience des marchés. On définit depuis l’Américain Roberts5, déjà entrevu plus uploads/Finance/ conclusion-et-synthese-le-principe-d-x27-incertitude-generalise.pdf

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  • Publié le Apv 03, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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