CHAPITRE III CHAPITRE III La contrefaçon La contrefaçon est encore trop souvent
CHAPITRE III CHAPITRE III La contrefaçon La contrefaçon est encore trop souvent considérée comme un délit mineur, portant essentiellement atteinte aux entreprises de luxe et bénéficiant par là même d’une certaine tolérance, voire suscitant un certain attrait dans l’inconscient collectif. C’est, pour la plupart des personnes, acheter à très bas prix, une montre ou un sac d’une marque de luxe réputée, tout en sachant qu’il ne peut s’agir que de contrefaçon, objet qui n’aurait jamais été acheté autrement. Or, il s’agit en réalité d’un véritable fléau économique et social, touchant même à la santé et à la sécurité des consommateurs, qui fait des ravages et qui s’attaque à tous les domaines : du médicament aux pièces détachées industrielles, aux produits ménagers, aux jouets, aux produits culturels, aux logiciels informatiques et aux produits de luxe. Toute création peut être contrefaite, copiée et illégalement importée. En effet, la contrefaçon engendre des profits considérables. Différentes affaires élucidées par les services d’enquête mettent en évidence l’existence de réseaux très organisés pour importer et écouler ces produits contrefaisants 1. Ils sont parfois intégrés à de plus vastes ensembles mafieux, pour lesquels l’activité contrefactrice est une source de revenus peu risquée qui côtoie d’autres activités criminelles aux dimensions internationales comme la prostitution, le terrorisme ou les trafics en tout genre, drogues ou armes. Lors du Congrès mondial sur la lutte contre la contrefaçon et le piratage qui s’est tenu à Lyon les 14 et 15 novembre 2005, le secrétaire général d’Interpol 2, Ronald K. Noble, a déclaré : « Nul pays ne peut à lui seul venir à bout des infractions de ce type. En ces temps où les responsables de police sont concentrés sur le terrorisme et sur d’autres formes de grande criminalité, il importe qu’ils ne sous-estiment pas le préjudice que les atteintes à la propriété intellectuelle causent à nos économies, ni le danger potentiel qu’elles représentent pour la sécurité publique ». Dès juillet 2003, Ronald K. Noble avait souligné que « le lien entre les groupes du crime organisé et les produits de contrefaçon est bien établi, mais nous tirons la sonnette d’alarme, car l’atteinte à la propriété intellectuelle est en train de devenir la méthode de financement préférée des terroristes » 3. Page 1 sur 24 I. – Des exemples de liens avec la grande criminalité et l’économie souterraine 1. Contrefaçon et terrorisme Une histoire vraie « romancée » illustrera nos propos. Sur la place du marché d’une ville de banlieue, ce jour mercredi 25 avril 2003, deux jeunes vendent des jeans à 20 euros. Deux policiers en civil, tout frais sortis de l’école, s’attardent devant le stand pour regarder de près la marchandise : les jeans portent tous la griffe d’une marque célèbre : les questions se bousculent alors dans leur esprit : comment ces marchands peuvent-ils vendre à ce prix, tout en gagnant leur vie, des pantalons qui valent une centaine d’euros en boutique : même si les charges d’un magasin et celles d’un étalage n’ont rien de comparables, la différence de prix est assez conséquente pour imaginer du trafic illégal : la marchandise appartiendrait-elle au dernier vol de fret ? Y aurait-il de la contrefaçon ? Vérifications faites, les derniers vols de fret répertoriés concernaient essentiellement des téléviseurs et des bouteilles de champagne. Cette piste est écartée. Contact est pris alors avec la DGCCRF 4. Un contrôleur rejoint très vite les deux policiers sur le lieu des faits et examine avec attention les vêtements : ceux-ci paraissent de qualité médiocre, les étiquettes ne sont pas exactement identiques à l’original ni à leur emplacement habituel. Suspectant sérieusement de la contrefaçon, les enquêteurs commencent leurs contrôles : les identités sont vérifiées, les deux vendeurs ne sont pas connus des services de police, ils sont en situation régulière sur le territoire français, ils sont régulièrement déclarés auprès de la chambre des métiers et ont payé les droits pour leur emplacement sur le marché. Reste à établir l’origine de la marchandise et là deux hypothèses de travail se présentent à nos enquêteurs : – soit nos suspects sont mis en garde à vue pour être entendus sur le nom de la personne qui leur fournit la marchandise, mais ils peuvent se révéler peu loquaces, voire muets ; – soit ils sont laissés libres, mais le parquet ordonnera la poursuite de l’enquête pour tenter de remonter la filière. Par chance, la deuxième solution est choisie. Grâce à des investigations et à des filatures, le réseau est identifié ainsi que la personne qui le dirige. Il s’agit du gérant d’un bar en relation directe avec son cousin résidant à l’étranger et déjà condamné pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Une information judiciaire est alors ouverte et l’enquête est confiée conjointement à la brigade antiterroriste et à la douane judiciaire 5. Les surveillances effectuées montrent que le bar est le lieu de rendez-vous d’individus liés à une mouvance fondamentaliste musulmane dont l’animateur principal est le gérant lui-même. Des documents administratifs volés ainsi que des objets divers sont saisis au cours des perquisitions effectuées aux différents domiciles des personnes mises en cause, mais aussi et surtout dans des boxes privés et dans des entrepôts loués par celles-ci à des sociétés de stockage sur les communes de Paris, d’Argenteuil et d’Aubervilliers sous de faux noms ou au nom de sociétés qui n’existent pas. Sont ainsi saisis de très nombreux cartons de vêtements de luxe et de chaussures de sport contrefaisants prêts à la revente, des étiquettes en rouleau prêtes à poser, de nombreuses sommes d’argent en espèces, des faux papiers d’identité (demandes d’autorisations de séjour, permis de conduire et cartes d’identité), une comptabilité portant sur le trafic, ainsi que des documents officiels de constitution de sociétés commerciales. Au domicile de l’épouse sont saisis des faux papiers et des ordres de virement à un organisme de transfert de fonds. Page 2 sur 24 Chapitre III Est ainsi mise à jour une structure clandestine de commerce de vêtements de luxe contrefaisants servant de base arrière à des opérations liées au terrorisme. Si ce récit vous étonne, il n’en est pas moins proche de la réalité : à savoir que le trafic de contrefaçons est un trafic comme les autres, c’est-à-dire analogue à celui des armes ou des stupéfiants mais moins risqué ; cependant l’objectif recherché est le même : le profit maximum en un minimum de temps dans le but de bien vivre aux dépens de la société et de faire vivre un réseau, ici lié au terrorisme, qui a besoin de grosses sommes d’argent en espèces pour financer sa cause. Ces réseaux apportent ainsi un support logistique et un soutien économique. D’autres affaires réelles peuvent aussi être évoquées. 2. Contrefaçon et mafia En août 2003, une société française dépose plainte auprès de la brigade centrale pour la répression des contrefaçons industrielles ou artistiques (BCRCIA) sur le fondement de l’article 113 alinéa 7 du Code pénal. Cet article dispose que « la loi française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonnement, commis hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction ». Cette société, laboratoire pharmaceutique important, avait constaté qu’était commercialisée dans un pays de l’Est une contrefaçon d’un produit de sa gamme destiné à lutter contre les rejets de greffes. Cette contrefaçon, particulièrement dangereuse, était notamment utilisée à l’Institut de transplantation de Moscou. Les investigations diligentées par le canal Interpol, puis à l’aide d’une commission rogatoire internationale, ont permis aux enquêteurs de la brigade et aux policiers locaux de démanteler un laboratoire clandestin dirigé par une équipe mafieuse, qui alimentait en contrefaçon de médicaments la population moscovite. La présence des mafias dans ce secteur est quasi certaine. Elles distribuent à leur profit des médicaments douteux. Il existe en France, une fondation dont l’objet est de lutter contre les mafias qui sévissent dans ce domaine. Elle est adossée aux laboratoires Pierre Fabre, dont elle détient une participation. Actuellement, elle travaille dans deux pays particulièrement éprouvés par ces maux, le Bénin et le Cambodge. Dans un tout autre domaine, le journal Libération écrivait dans son édition du 23 juillet 2005 : « les Chinois ont investi Vintimille : petite ville italienne aux portes de la France et considérée comme la capitale du faux en Europe. Les trois quarts des habitants qui sont d’origine calabraise, vendaient jusqu’à présent des contrefaçons de production italienne sous le contrôle des organisations criminelles. Mais la contrefaçon industrielle chinoise, débarquée à la tonne dans les ports de Gênes et de Naples, a changé la donne. Depuis deux ans, les Chinois fournissent et même vendent directement. [...] Il est évident que les Chinois travaillent en joint-venture avec les organisations criminelles, sinon des magasins auraient brûlé... » 6. 3. Contrefaçon et faux documents administratifs En juillet 2002, un individu de nationalité franco-algérienne est interpellé dans le cadre d’une procédure de faux et usage de faux documents administratifs importés de Thaïlande (ces faux passeports étant similaires à ceux retrouvés en possession de réseaux terroristes). uploads/Finance/ contrefacon-et-ie.pdf
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- Publié le Jul 31, 2022
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