© Patrice Poncet 1 Choix de Portefeuille et Mesures de Performance par Patrice

© Patrice Poncet 1 Choix de Portefeuille et Mesures de Performance par Patrice Poncet 1. Introduction Le dilemme fondamental de la finance est celui du choix entre obtenir une rentabilité certaine mais faible, ou prendre un risque contrebalancé par une rentabilité espérée plus élevée. Markowitz (1952, puis 1959) fut le premier à formaliser et quantifier l’effet de diversification selon lequel une combinaison judicieuse de nombreux actifs dans un portefeuille permet de réduire le risque total pour un taux espéré de rentabilité donné. Un corollaire extrêmement important en découle directement : l’intérêt d’investir dans un titre financier ne doit pas être évalué séparément mais dans le cadre d’un ensemble de nombreux véhicules d'épargne (actions, obligations, dépôts à terme, immobilier, foncier, etc.) offerts sur le marché. Sur la base des travaux de Markowitz, Sharpe, Lintner et Mossin développèrent dans les années 1960 un modèle (le Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers ou MEDAF, en anglais Capital Asset Pricing Model ou CAPM) qui aboutit, sous certaines hypothèses, à la relation d’équilibre entre la rentabilité espérée d’un actif financier quelconque et son risque. Encore une dizaine d’années plus tard, à la fin des années 70, Ross développa un modèle multifactoriel alternatif au MEDAF nommé APT (Arbitrage Pricing Theory). Le modèle de Markowitz, le MEDAF et l’APT constituent ainsi le noyau dur de la théorie classique du portefeuille. Nous présentons à la section 2 la théorie des choix dans l’incertain et le paradigme espérance- variance sur lequel les modèles classiques sont fondés, à la section 3 le concept de diversification, à la section 4 la construction des portefeuilles efficients (modèle dit de Markowitz), à la section 5 le MEDAF-CAPM, à la section 6 les modèles factoriels, à la section 7 l’APT, et à la section 8 les problèmes de mise en œuvre associés à ces modèles. Les principales mesures de performance et leurs limites sont étudiées à la section 9. Enfin, la section 10 propose en guise de conclusion un résumé des principaux concepts et résultats rencontrés. © Patrice Poncet 2 2. Les choix dans l’incertain Cette section présente succinctement la théorie des choix dans l’incertain et le critère espérance-variance. 2.1 Les choix dans l’incertain et le critère de l’espérance de l’utilité Il s’agit de déterminer la décision optimale parmi des alternatives conduisant à différents gains aléatoires prenant un nombre fini de valeurs (w1, …, wN) avec des probabilités respectives (p1, ..., pN). On peut interpréter comme le résultat d’une loterie et il s’agit d’établir un critère qui permette de comparer différentes loteries afin de choisir la « meilleure ». Selon une conception primitive, un investisseur d’une part serait indifférent entre la loterie au résultat incertain et une somme certaine égale à l’espérance mathématique des gains de la loterie, E( ) = , et, d’autre part, entre plusieurs loteries, devrait préférer celle qui a l'espérance de valeur la plus élevée. Cette présomption simpliste est en fait contredite par le comportement effectif de la plupart des individus face au risque (du moins lorsque ce dernier est important au regard de la richesse de l’individu, ce que nous supposerons tout du long). Considérons par exemple une loterie donnant, avec des probabilités égales, soit 0 soit 200 000 €. La plupart des individus préfèrent nettement une somme certaine de 100 000 € à la loterie alors même que E( ) = 100 000 €. Cette préférence pour le résultat certain reflète l'aversion au risque qui caractérise la plupart des agents économiques. Dans un ouvrage fondamental, Von Neumann et Morgenstern (1944) démontrèrent formellement que tout individu obéissant à quelques axiomes intuitifs de rationalité cherche à maximiser, non pas l’espérance de sa richesse, mais l'espérance de l'utilité de celle-ci. La fonction d'utilité U(.) traduit les préférences de chaque individu, lui est spécifique, et dépend notamment de sa richesse initiale au moment de la décision et de son aversion au risque. Synthétiquement, le programme d’un individu confronté à des choix aux conséquences aléatoires se résume à maximiser E[U( )]. © Patrice Poncet 3 Bien que spécifique, la fonction d'utilité U(.) de la plupart des individus possède les deux caractéristiques suivantes : (i) elle est croissante avec la richesse (on désire toujours être plus riche) ; (ii) elle est concave (le taux de croissance est de plus en plus petit à mesure que la richesse est plus grande) ; c’est cette concavité qui traduit, sur le plan mathématique, l’aversion à l’égard du risque. Exemples La fonction logarithmique U(W) = ln(W) satisfait bien ces deux propriétés d’une fonction d’utilité : elle est croissante et concave (d ln(W)/dW = 1/W > 0 ; d2 ln(W)/dW2 = -1/W2 < 0). La fonction puissance U(W) = (W1-a )/(1-a), avec a > 0 et différent de 1, les satisfait aussi : d U(W)/dW = W -a > 0 ; d2 U(W)/dW2 = -aW-a-1 < 0). Pour résumer, une loterie incertaine a moins d’attrait qu’une somme certaine égale à E( ). Ce résultat qui révèle l’aversion à l’égard du risque de l’agent (interprétation financière) résulte de la concavité de la fonction d’utilité U. 2.2 Le critère Espérance-Variance L’utilisation de fonctions d’utilité générales s’avère en général trop complexe. C’est la raison pour laquelle, à la suite de Markowitz, on simplifie le problème du choix dans l’incertain de l’investisseur en supposant que celui-ci prend ses décisions en fonction seulement de deux paramètres : l’espérance de sa richesse, E( ), qu’il souhaite la plus grande possible, et sa variance, σ2( ), qu’il désire la plus faible possible. On parle alors du critère Espérance- Variance (E-V dans la suite). Il est important et facile de montrer que dans le cas d’une fonction d’utilité quadratique et celui d’une richesse distribuée selon une loi Normale (gaussienne), le critère E-V est bien impliqué par la rationalité de Von Neuman et Morgenstern.1 1 Dans le cas d’une fonction d’utilité quadratique (U(W) = W- bW 2 ; b > 0 ; domaine de définition de la richesse restreint à la partie ascendante de la parabole : W < 1/(2b)), l’espérance d’utilité fait intervenir E( ) et E( 2). Or, E( 2) = σ2( ) + E2( ) et donc l’utilité dépend des seules espérance et variance de la richesse. Dans le cas gaussien, toute la distribution de la richesse est caractérisée par les seuls deux paramètres E( ) et σ2( ) ; on peut alors écrire, pour toute fonction d’utilité U : E [U( )] = f(E( ),σ2( )). © Patrice Poncet 4 L’investisseur qui respecte le critère E-V maximise donc une fonction f (E( ), σ2( )), fonction croissante de E et décroissante de σ2 : à variance σ2( ) donnée, il prend la décision qui conduit à l’espérance maximale de richesse, et, à espérance E( ) donnée, il minimise la variance σ2( ). L’avantage décisif de cette formalisation E-V, outre sa simplicité, est qu’elle permet de raisonner graphiquement dans un espace à deux dimensions seulement, facilitant ainsi le raisonnement et guidant l’intuition. Notons cependant que le critère E-V ne capture pas, en général, tous les aspects de l’aversion au risque, tel par exemple la préférence pour une asymétrie positive (plus de probabilité d’avoir des valeurs très positives que très négatives). 3. La diversification des portefeuilles Pour un investisseur obéissant au critère E-V, il s’agit maintenant de comprendre comment se comportent l’espérance et la variance du portefeuille en fonction des caractéristiques de rentabilité et de risque des titres le constituant. L’espérance de rentabilité du portefeuille est évidemment la moyenne pondérée des espérances de rentabilité de chacun des titres entrant dans sa composition. La contribution de chaque titre à la rentabilité espérée du portefeuille est donc directement proportionnelle à sa rentabilité espérée. En notant xi les poids des titres risqués dans le portefeuille P tels que , où n est le nombre total de titres échangeables sur le marché, l’espérance de la rentabilité de P est égale à : . Nous noterons plus simplement E(R) ≡ µ, et donc : . Quant au risque, nous mesurerons celui du portefeuille par la variance (ou l’écart-type) de sa rentabilité. Cependant, ce qui est vrai pour un portefeuille ne l’est pas pour un titre individuel. En effet, le risque induit par un titre i pour l’investisseur détenant le portefeuille P doit se mesurer par la contribution de i au risque global de P (comme c’est sa contribution à l’espérance de ce dernier que l’on retient). Il est faux de mesurer le risque induit par i par la © Patrice Poncet 5 variance ou l’écart-type de sa rentabilité car c’est sa corrélation avec la rentabilité de P qui constitue ce risque. Pour comprendre cette assertion fondamentale, considérons un titre i négativement corrélé avec le portefeuille P : quand les performances de i sont bonnes (respectivement, mauvaises), celles de P ont une forte chance d'être mauvaises (respectivement, bonnes), et réciproquement. Le titre i tend par conséquent à tirer la rentabilité globale du portefeuille vers sa moyenne et donc à réduire l’amplitude de ses variations. Il réduit ainsi le risque global, bien qu’il puisse avoir une variance très élevée. Au contraire, si i est uploads/Finance/ cours-edc-claire-peltier-vba.pdf

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  • Publié le Jan 05, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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