Commerce électronique et entreprises virtuelles : défis et enjeux Par Louis A.

Commerce électronique et entreprises virtuelles : défis et enjeux Par Louis A. Lefebvre Élisabeth Lefebvre Centre d’expertise en commerce électronique École Polytechnique de Montréal & CIRANO Article publié dans Revue internationale de gestion, vol.24, no.3, Automne 1999, pp.20-33. 1 2 Commerce électronique et entreprises virtuelles : défis et enjeux Le commerce électronique crée une vague de fonds dans les pays industrialisés et, dans une moindre mesure, dans les pays en voie de développement. S’agit-il d’un phénomène passager, d’un canal complémentaire de faire des affaires auquel les entreprises ont le choix d’adhérer ou, au contraire, la condition sine qua non de rester et prospérer en affaires? Cet article examine certains défis et enjeux liés au commerce électronique et à l’émergence d’entreprises virtuelles. Commerce électronique : un moyen incontournable pour la conduite des affaires Le commerce électronique consiste en l’utilisation de moyens électroniques pour échanger de l’information et exécuter des activités et transactions. De cette définition proposée p ar plusieurs organismes nationaux et internationaux et acceptée par une vaste majorité d’entreprises (OECD/ICPP, 1999), il résulte que : • Le commerce électronique recouvre toute une gamme d’applications diversifiées qu’elles soient de nature financière ou non financière, comme par exemple la diffusion et l’échange d'informations numériques, les transferts électroniques de fonds, les activités boursières électroniques, les enchères commerciales, la conception en collaboration et l'ingénierie, les soumissions électroniques, la vente directe aux consommateurs ou les services après-vente. • Il inclut les produits (biens de consommation ou composantes à usage industriel, par exemple), les services (services informationnels, financiers ou juridiques, par exemple). Il permet l’émergence de produits et services numériques, c’est-à-dire des produits et services entièrement « numérisés », intangibles et virtuels comme les livres, les périodiques, les disques compacts, les logiciels, les services bancaires, les émissions télévisées ou radiodiffusées, etc... ; • Il s’effectue entre et au sein de trois types d’entités : les entreprises, les gouvernements et les consommateurs/individus. Le commerce électronique inter-entreprises (entreprises à entreprises) domine largement et représente actuellement 80% des activités recensées (Forrester Research, 1999) ; • Il repose essentiellement sur l’existence des infrastructures nationales et mondiales de l’information (NII – National Information Infrastructures et GII – Global Information Infrastructure) qui ont fait et font encore l’objet d’efforts intensifs et d’investissements majeurs de la part de nombreux pays (Kahin et Wilson, 1997). Par ailleurs, l’infrastructure 3 de l’information va au-delà de l’infrastructure physique (c’est-à-dire les équipements, fibres optiques, satellites ou ordinateurs servant à transmettre, emmagasiner, traiter et déployer les voix, images, sons et données). Elle comprend également : (i) l’information elle-même de nature scientifique, commerciale ou culturelle ; (ii) les applications et les logiciels qui permettent de manipuler, organiser, analyser, transmettre la multitude d’informations et, surtout, d’assurer les transactions électroniques menant au commerce électronique ; (iii) les standards et protocoles qui assurent l’interopérabilité et l’interconnexion entre les réseaux. L’autoroute de l’information est un sous-élément essentiel du NII et l’usage d’Internet, qualifié du réseau des réseaux, est fortement publicisé. Si le commerce électronique basé sur Internet est certainement appelé à une forte croissance, les réseaux privés ou fermés ainsi que les réseaux hybrides jouent actuellement un rôle primordial au niveau du commerce électronique inter-entreprises. Le commerce électronique englobe donc l’usage d’Internet, des extranets, des intranets et des réseaux hybrides. Le commerce électronique : des avantages concurrentiels substantiels pour les entreprises Le commerce électronique est devenu un moyen incontourné voire révolutionnaire de faire des affaires. Les possibilités offertes par le commerce électronique en effet sont telles qu’un retour en arrière devient impensable. Certains avantages concurrentiels sont facilement chiffrables, en particulier les réductions de coûts et les gains en termes de précision et rapidité (tableau 1). Tableau 1 Avantages concurrentiels dérivés du commerce électronique Exemples de réduction des coûts de transactions commerciales Réservation d’un billet d’avion1 Transaction bancaire1 Règlement de facture1 Distribution de logiciel1 Courtage en valeurs mobilières2 Système traditionnel 8.00 $ 1.08 $ 2.22 $ à 3.32 $ 15.00 $ 150 $ à 60 $ Via Internet 1.00 $ 0.13 $ 0.65 $ à 1.10 $ 0.20 $ à 0.50 $ 10 $ Réduction des coûts 87% 89% 71% à 67% 97% à 99% 93% à 83% Exemples d’avantages concurrentiels dans les entreprises manufacturières Coûts de développement3 Nombre de changements d’ingénierie3 Rebuts et retouches3 Distribution de paperasse3 Réduction du temps de conception de nouveaux produits3 Réduction par rapport au système traditionnel 25% à 35% 50% à 90% 75% à 95% 80% 40% à 60% Sources diverses : 1 OCDE, 1999 ; 2 Arthur Anderson, 1999 ; 3 NGM, vol.2, 1997, p.27 4 D’autres avantages concurrentiels plus difficilement chiffrables peuvent également être réalisés : un accès grâce à un médium peu coûteux (Internet) à des marchés internationaux et une visibilité mondiale ; la possibilité de personnaliser produits et services comme par exemple créer un journal selon les intérêts spécifiques d’un individu ou offrir un jean sur mesure selon la morphologie de chaque consommateur tel que le propose le site de Levis ; la possibilité d’offrir un marketing spécialisé ou micromarketing en misant sur les techniques du data mining ; une agilité accrue pour s’adapter à de nouvelles dynamiques concurrentielles comme celle que procure la soumission électronique 24 heures sur 24 ; la capacité d’optimiser la chaîne d’approvisionnement en temps réel et l’accès aux compétences clés des partenaires d’affaires. Les avantages sont également non négligeables du côté des consommateurs qui bénéficient d’un plus grand choix et de prix moins élevés grâce aux moteurs de recherche et agents ainsi que d’une certaine commodité (absence de déplacements inutiles ou d’heures d’ouverture limitatives). En raison de l’interactivité offerte par le commerce électronique, les avantages retirés par les entreprises et les individus/consommateurs sont mutuellement renforçants, contribuant ainsi à l’essor même du commerce électronique. L’entreprise virtuelle Le commerce électronique tel que défini précédemment permet de faire des affaires électroniquement. Dès lors, une question se pose : comment les entreprises s’y prennent-elles? Il est possible d’apporter certains éléments de réponse en considérant les deux extrémités d’un continuum, soit l’entreprise virtuelle dans sa forme la plus simple et celle dans sa forme la plus complexe. L’entreprise virtuelle dans sa forme la plus simple Il existait déjà en 1997 quelques 250 000 cyberentreprises aux États-Unis (Commission Européenne, 1997). Ce sont essentiellement des micro-entreprises qui ont su exploiter les avantages de l’infrastructure de l’information et plus spécifiquement d’une de ses composantes soit l’Internet. Dans la forme la plus simple, ces firmes ont choisi Internet comme moyen de ventes, de promotion, de logistique pour la distribution et pour les transactions financières : elles sont par conséquent virtuelles puisque le consommateur final ne sait pas nécessairement où elles se situent et n’aura probablement jamais à rencontrer un membre de l’entreprise. Dans le cas d’un produit physique (ex : micro-ordinateur, …), la logistique de livraison est sous-traitée électroniquement à des organismes tels que UPS ou Fedex. Amazon.com est le cas classique d’une entreprise virtuelle dans sa forme la plus simple. Cette entreprise créée il y a quelques 5 années n’a pas de points de vente physiques et est quant même devenue une des librairies les plus importantes aux États-Unis avec 4.7 millions de titres. Amazon.com opère sur Internet et peut ainsi offrir des prix très compétitifs et une formule de livraison à domicile très rapide, généralement en moins de 48 heures. De plus, Amazon.com est un chef de file du commerce électronique aux consommateurs basé sur Internet avec 8.4 millions de clients enregistrés et des ventes de 610 millions $US en 1998 (Brown, 1999) Si l’on passe à des entreprises plus complexes, la chaîne de valeur d’une entreprise (figure 1) représente un moyen fort simple de visualiser les activités à valeur ajoutée d’une entreprise qu’elle soit manufacturière ou dans le secteur des services1. Dans cette figure, nous remarquons que la majorité des activités peuvent être réalisées en mode électronique ou virtuel. Lorsque c’est le cas, l’entreprise devient virtuelle. Figure 1 Chaîne de valeur dans une entreprise manufacturière Par exemple, Dell Computer Corporation peut être qualifiée de virtuelle car elle a su capitaliser sur les avantages concurrentiels dérivés du commerce électrique. Ainsi, on retrouve chez Dell les caractéristiques suivantes : i) aucune pièce/composante n’est commandée de ses sous- Directeur général Divisions / Services Marketing Relations publiques Entretien Assurance de la qualité R&D Ressources humaines Production Affaires légales Finance/ comptabilité Activités dans la chaîne de valeur* R&D Concep- tion des procédés Concep- tion des produits Ingé- nierie Entre- posage Fabri- cation Contrôle de la qualité Étude de marché Marke- ting Publi- cité Logis- tique Ventes Distri- bution Répa- ration Service à la clientèle Activités partiellement ou totalement physique Activités pouvant être réalisées en mode virtuel *Tel que proposé par Porter 6 traitants avant qu’une commande soit passée ; ii) le micro-ordinateur se retrouve dans le camion de livraison moins de 24 heures après que la commande soit confirmée ; iii) les ventes réalisées sur Internet connaissent une croissance exponentielle et représentent plus de 14 millions $ US par jour ; iv) le temps moyen pour encaisser une vente est moins de 24 heures (comparé à 35 jours pour Compaq uploads/Finance/ defis-et-enjeux-e-commerce-revue-gestion-2 1 .pdf

  • 25
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 18, 2022
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1236MB