1 [COPYRIGHT, JACQUES BIDET] Jacques Bidet COMMENTAIRE DU CAPITAL Livre I, Sect
1 [COPYRIGHT, JACQUES BIDET] Jacques Bidet COMMENTAIRE DU CAPITAL Livre I, Sections I et II Analyse alinéa par alinéa en complément du livre Explication et reconstruction du Capital PUF, septembre 2004 Ce commentaire constitue la troisième partie de l’ouvrage. Il est ici donné inachevé, dans sa version de septembre 2004. Il est susceptible de développements ultérieurs et de modifications 1 2 Introduction I. Brève introduction à Explication et reconstruction du Capital Cet ouvrage serait difficile à résumer en quelques pages. Je rappellerai seulement, en vue de rendre intelligible le Commentaire, quelques points qui concernent le commencement du Capital. L'EXPLICATION que je propose s'oppose à trois interprétations traditionnelles de la Section I, que l'on trouvera toujours à l'arrière-plan de mon commentaire. Celui-ci en effet s'efforce de tenir compte de l'influence qu'elles se sont acquises à travers les nombreux ouvrages d'introduction auxquels elles ont donné lieu. . (1) L'interprétation historique suppose que Marx analyserait ici la production marchande simple, pré-capitaliste. Je tiens au contraire, avec la plupart des interprètes contemporains, il s'agit ici de l'analyse du capitalisme, et non de sociétés antérieures, mais considéré au simple niveau de sa logique marchande, soit à son niveau le plus général, le plus « abstrait », comme dit Marx. (2) Mais ce niveau le plus abstrait n'est pas à comprendre comme le plus simple, comme un « modèle » élémentaire à partir duquel on construirait, par complexifications successives, le modèle complet, selon une démarche courante chez les économistes, et dont le marxisme analytique anglo-saxon a proposé une formulation particulièrement frappante. La méthode de Marx, même si elle comporte de telles adjonctions de déterminations, n’est pas réductible à un procédure conduisant du simple au complexe. (3) Je propose une interprétation dialectique, mais en opposition à une autre, que je qualifie de « dialecticienne », et qui est aujourd'hui le plus courante chez les philosophes, et à laquelle se réfèrent aussi certains économistes. Selon cette troisième interprétation, le moment « abstrait » de l’exposé du mode de production capitaliste, qui correspond au commencement du Capital, serait celui de l'échange, c'est-à-dire des rapports économiques tels qu'ils apparaissent « à la surface ». Marx partirait donc des rapports d'échange, qui sont aussi des rapports d'argent, sans être encore des rapports de capital. Cette interprétation n'est pas fausse. Mais elle est, si j'ose dire, extrêmement superficielle. Ce dont traite en réalité Marx (dans les termes de l'analyse de la « marchandise »), c’est de la logique de la production marchande comme telle, prise dans ses catégories constitutives : la propriété privée, l'échange, la dépense de force de travail, le travail concret, le travail abstrait, le temps de travail socialement nécessaire, la productivité,, la concurrence dans la branche et entre branches, la valeur, le prix de marché, la monnaie comme marchandise et comme signe, l’instance étatique impliquée dans la production marchande, etc. Dans ce contexte, l’analyse de l'échange est rattachée à celle de production marchande, type de « division du travail » dont elle est un élément. Dire que Marx vise ici la production marchande, mais non la production capitaliste, signifie qu’il vise l'ordre capitaliste, mais pris à son niveau le plus général, dans lequel, comme il le souligne expressément, le travail n'est pas encore pris comme travail salarié, ni la production comme production pour le profit. 2 3 Toute la difficulté, dès lors, est de se situer au niveau d'abstraction qui est celui de Marx dans cette première section, c'est-à-dire à ce moment théorique de son exposé qui n'est pas encore spécifiquement celui du capitalisme, de la structure de classe, mais un moment plus abstrait, que je désigne, pour cette raison, comme celui de la métastructure, où « méta » signifie plus abstrait (ou général) au sens de Marx. C'est là qu’échoue, selon moi, cette tradition d'analyse, que je désigne comme « francfortoise », qui vient principalement de l'exégèse allemande des années soixante, mais domine également aujourd'hui non seulement en France, mais aussi en Allemagne et, sous des formes diverses, dans les autres aires où s’est développé le travail d’interprétation (Italie, Japon, mondes anglo-américain et sud-américain). Le double mérite de cette lecture, à cet égard analogue à l'approche proposée par Althusser à la même époque, est d’une part de dépasser les utilisations purement économistes de la théorie de Marx et d’autre part d'écarter son usage rhétorique et politique dans le sens de l'illustration d'une certaine philosophie de l'histoire. Ces deux approches, la francfortoise et l’althussérienne, orientent l'attention vers la « forme sociale ». Et tel sera aussi, pour l’essentiel, l’objet de mon analyse. La faiblesse de l'approche francfortoise tient à son rapport, scolastique à mes yeux, à la dialectique à l’œuvre dans Le Capital. C’est pourquoi je la désigne comme « dialecticienne » plutôt que comme dialectique (je devrai, évidemment, m’expliquer très précisément sur ces termes). Cette démarche conduit à conforter un certain fondamentalisme, traditionnel dans le marxisme, notamment du fait de la confusion entre ce qui revient aux catégories du marché et à celles du capital. À partir de là, elle ne me semble pas en mesure de produire des concepts adéquats de classe, de lutte de classe, d’alliance de classe, d’Etat, et de système capitaliste du monde. Le point commun à ces lectures « francfortoises » est de prendre appui (contre la version ultime du Capital, celle de la seconde édition, ou de sa version française) sur la première édition, de 1867, et plus encore sur les textes préparatoires, notamment les Grundrisse (de 1857-1858). Parce que ces textes ont une teneur plus explicitement philosophique, ils sont tenus comme philosophiquement et donc aussi scientifiquement supérieurs. Marx, en réalité, me semble-t-il, dans cette phase de la recherche, et pour le développement de son investigation – pour l’analyse des formes sociales qu’il met progressivement au jour, et pour la construction d’une théorie qui en rende compte – puise systématiquement dans sa culture philosophique, cherchant à tâtons tout ce qu’il peut tirer de l’usage des figures dialectiques à sa disposition. Cette façon de procéder est commune à tous les chercheurs, grands ou petits. Tel est en effet le processus habituel de la recherche en sciences sociales. S’il en vient finalement, dans sa dernière version, à écarter tel ou tel concept, ce n’est nullement par souci de « popularisation », comme l’avance parfois l’interprétation « francfortoise ». C’est en général, selon moi, pour de fortes raisons théoriques : c’est parce que ce concept ne répond pas aux réquisits de la théorie, lesquels, comme il est naturel, n’apparaissent à son auteur qu’à mesure que celle-ci se formule de façon plus claire et plus adéquate. L’interprétation dominante, en passe de devenir une nouvelle orthodoxie, prend certes en compte le fait que la théorie de Marx se construit dans le temps. Et elle a fourni de belles études, irremplaçables, sur cette genèse. Mais il ne me semble pas qu’elle soit parfaitement sortie d’une attitude de dévotion, qui l’empêche de comprendre que la recherche de Marx, comme celle de toute autre chercheur, procède par essais et erreurs, les « essais », et donc aussi les possibles erreurs, dans une construction de type d’objet théorique, concernant notamment les concepts utilisables pour capturer 3 4 théorique l’objet réel, en l’occurrence la société capitaliste. Althusser a donné une puissante incitation à s’intéresser aux « coupures » (épistémologiques) qui rendent possible la progression de la recherche. Je me propose de poursuivre dans cette voie. Mais en manifestant non plus les écarts par rapport au Jeune Marx, mais les ruptures décisives qui marquent la phase de production du Capital à partir des manuscrits ou brouillons qui le préparent. Il faut pour cela bien sûr admettre que Marx puisse avoir écrit des « brouillons »… Ce qui est contraire à l’esprit commun de l’exégèse. C’est aussi pourquoi mon commentaire n’est pas à prendre comme une exégèse. Il vise en effet à rendre possible une autre prise de distance, celle de la « reconstruction ». J'en viens donc maintenant à la RECONSTRUCTION. (1) La thèse de deux pôles Marx pense pouvoir commencer la théorie du capitalisme par la seule analyse du marché, comme si les rapports marchands en étaient les seuls structurants primaires. À cela j'oppose la thèse selon laquelle il existe, manifeste dans le capitalisme, une autre forme de coordination rationnelle à l'échelle sociale : « l'organisation ». Celle-ci, à la différence du marché, n'est pas fondée sur la division atomistique de la propriété et sur l'équilibre a posteriori de l'ensemble des productions par la concurrence, mais, comme on le voit par exemple au sein d'une entreprise, sur l'unité de la propriété, au sein de laquelle la cohérence est recherchée a priori par l'adéquation optimale de moyens à des fins prédéfinies. Marx a le premier, dans son chapitre sur la manufacture, clairement identifié ces deux modes de coordination rationnelles de la coordination de la production à l’échelle sociale. Il s’agit là de deux figures, le marché et l'organisation, qui sont à prendre dans leur complexe co-imbrication. Une telle approche de la société capitaliste se retrouve aujourd'hui chez nombre d'économistes hétérodoxes (qui refusent de uploads/Finance/ jacques-bidet-commentaire-du-capital.pdf
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- Publié le Jan 19, 2022
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