1 ECONOMIE DE L’ASSURANCE (première partie) INTRODUCTION L'activité d'assurance

1 ECONOMIE DE L’ASSURANCE (première partie) INTRODUCTION L'activité d'assurance trouve son origine dans la volonté des agents économiques (les individus, mais aussi les entreprises) de se protéger contre les aléas de l'existence, qu'il s'agisse de dommages aux biens (automobiles, habitations) ou aux personnes (santé, invalidité, décès), que ceux-ci aient été causés involontairement à autrui (responsabilité civile) ou à soi-même. Certaines assurances sont obligatoires, comme l'assurance automobile pour les dommages causés aux tiers ou l'assurance-crédit qui rembourse un prêt en cas de décès de l'emprunteur ou encore l'assurance garantie décennale qu'un constructeur immobilier doit souscrire. De nombreuses assurances sont facultatives, comme la garantie dommages en assurance automobile, une assurance complémentaire santé (qui couvre les frais médicaux au- delà du remboursement par la Sécurité sociale) ou une assurance-vie. L'assurance permet le partage des risques entre une multitude de personnes, chaque assuré ayant droit à recevoir une indemnité en fonction de la nature et de l'importance des dommages subis en cas de sinistre ou d'accident, en contrepartie du paiement d'une cotisation appelée prime d'assurance. Le plus souvent, la prime est payée au début d'une certaine période (en général une année) et l'ensemble des primes collectées par l'assureur doit lui permettre de couvrir les indemnités que celui-ci aura à régler pendant la période en question. C'est la raison pour laquelle on parle d'inversion de la relation entre prestataire de services et clients, puisque le client paie ici le prix (la prime) avant de recevoir la prestation (l'indemnité) en cas de sinistre. L'activité d'assurance repose sur la mutualisation des risques, les primes payées par tous les assurés finançant les indemnités versées à ceux qui subissent des sinistres. Une partie des engagements pris par les assureurs peut cependant être transférée à des réassureurs, ces derniers étant donc les assureurs des assureurs. Les traités de réassurance (c'est-à-dire les contrats qui lient assureurs et réassureurs) permettent ainsi la mutualisation des risques entre assureurs. C'est une sorte de mutualisation à un niveau supérieur qui est souvent international, les principaux réassureurs (Swissre, Munichre ou le groupe français Scor) négociant des traités avec des assureurs répartis sur tous les continents. L'activité des assureurs consiste à vendre des polices d'assurance par différents canaux (agents, courtiers, Internet, etc.), à acquitter les indemnités dues en faisant expertiser les sinistres, mais aussi à faire fructifier les placements en actifs financiers (actions, obligations...) ou réels (logements), représentant à la fois les primes perçues et les fonds 1 2 propres détenus. Les grands groupes d'assurance, qu'il s'agisse de sociétés d'assurance (en Europe : Axa, Allianz, Generali...) ou de mutuelles, sont donc des acteurs majeurs sur les marchés financiers. Leur imbrication avec le secteur bancaire est, par ailleurs, de plus en plus étroite, tout particulièrement pour la distribution de produits d'assurance (bancassurance). 1. Le principe de mutualisation a- La loi des grands nombres C'est le principe de mutualisation qui est au cœur de l'activité d'assurance. Pour en comprendre la logique, plaçons-nous dans le cas simple où les dommages subis par un ensemble d'individus sont des variables aléatoires identiques et indépendantes. Cela signifie simplement que tous les individus en question sont confrontés aux mêmes risques (la même probabilité de subir un sinistre – disons un accident – et la même distribution de probabilités des dommages en cas d'accident) et que la probabilité d'avoir un accident ne dépend pas du fait que tel ou tel autre assuré en ait un également. En première approximation, les risques automobiles, les incendies ou les vols sont indépendants. Il n'en va pas de même des catastrophes naturelles – inondation, tremblement de terre ou ouragan, par exemple – qui, lorsqu'elles surviennent, concernent simultanément un grand nombre de personnes. Considérons un ensemble d'individus ayant souscrit la même police d'assurance. La loi des grands nombres nous enseigne que, lorsque les dommages sont distribués de manière identique et indépendante, l'indemnité moyenne par assuré (qui est aléatoire) est en fait presque constante et donc prévisible. Elle est approximativement égale à l'espérance mathématique de l'indemnité (qui est un nombre certain). Par exemple, si chaque assuré subit un accident avec une probabilité 0,1 et reçoit dans ce cas une indemnité de 2 000 euros, l'assureur paiera approximativement 200 euros par assuré. Plus le nombre d'assurés est grand, plus le coût moyen de l'assurance par individu peut être prévu avec précision. Si on fixe la prime d'assurance au niveau de l'espérance mathématique de l'indemnité (200 euros dans l'exemple précédent), les indemnités payées seront approximativement couvertes par les primes reçues : le résultat technique moyen, c'est-à-dire la différence entre ce que rapporte un contrat à l'assureur (la prime) et ce qu'il lui coûte en moyenne, sera approximativement nul. b- Prime pure L'espérance mathématique de l'indemnité payée à un assuré est appelée prime pure ou prime actuarielle. Si les indemnités versées constituaient le seul coût supporté par les assureurs, les mécanismes de la concurrence devraient aligner les primes demandées sur les primes pures 2 3 pour une population d'assurés ayant une même police d'assurance et subissant les mêmes risques (si ceux-ci sont indépendants). En effet, si la prime était inférieure à la prime pure, chaque assureur dégagerait un résultat technique moyen négatif : soit il se retirerait du segment de marché en question, soit il accroîtrait les primes demandées. À l'inverse, si la prime était supérieure à la prime pure, chaque assureur aurait avantage à réduire le niveau de la prime afin d'attirer davantage de clients : l'accroissement du nombre de polices d'assurance vendues ferait plus que compenser la réduction du résultat technique moyen (qui resterait positif si la baisse de prime est modérée), de sorte que le résultat technique total s'accroîtrait. c- Taux de chargement Le raisonnement précédent passe toutefois sous silence trois aspects qui, en pratique, sont importants. En premier lieu, même si, en cas de risques indépendants, la loi des grands nombres garantit que le résultat technique moyen est approximativement nul lorsque la prime est égale à la prime pure, elle n'exclut nullement que le résultat technique total (calculé sur l'ensemble des assurés) puisse fluctuer largement. Un résultat technique négatif se traduira par une réduction des fonds propres de l'assureur. En deuxième lieu, l'hypothèse d'indépendance n'est au mieux qu'une approximation et des phénomènes non prévisibles peuvent venir affecter simultanément le coût de tout un ensemble de polices d'assurance. C'est par exemple le cas lorsque l'évolution des règles de droit modifie le coût de l'assurance responsabilité civile, comme cela s'est produit en France en 2002 en matière de responsabilité médicale (par application de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades) ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles 2. Aversion pour le risque et demande d'assurance a- Notion d'aversion pour le risque Le fait que les individus souscrivent des polices d'assurance est une conséquence d'une attitude très générale qui conduit à ne pas considérer les perspectives économiques auxquelles on est confronté uniquement à travers leurs valeurs moyennes, mais en tenant compte des risques qui leur sont associés. Par exemple, un épargnant sera tenté par l'acquisition de valeurs mobilières dont le rendement moyen est élevé mais, à rendement moyen donné, il préférerait que ses placements soient moins exposés aux aléas des marchés financiers. Cela le conduira, en général, à diversifier son portefeuille et à ne pas détenir exclusivement les actifs financiers dont le rendement espéré est le plus élevé mais qui peuvent être exagérément risqués. C'est la notion d'aversion pour le risque qui exprime cette caractéristique des préférences individuelles face à des perspectives économiques aléatoires. 3 4 On dit qu'un individu a de l'aversion pour le risque lorsque, placé devant la perspective d'une richesse soumise à des aléas, il préférera détenir avec certitude l'espérance mathématique de cette richesse plutôt que d'être soumis aux aléas en question. Considérons, à titre d'illustration, le cas d'un individu dont la richesse initiale (sa maison), égale à 10 000 (dans une monnaie non précisée), est totalement détruite en cas d'incendie. Un incendie se produit avec probabilité 1/100 : la richesse de cet individu devient donc aléatoire, avec une espérance mathématique égale à 9 900. Si celui-ci éprouve de l'aversion pour le risque, il préférera une richesse certaine égale à 9 900, plutôt que de faire face au risque d'incendie. De manière équivalente, on peut dire qu'un individu a de l'aversion pour le risque s'il préfère rester à un niveau de richesse certain plutôt que de courir un risque qui en moyenne (c'est-à-dire en espérance mathématique) ne lui fait rien gagner : dans notre exemple, il préfère avoir une richesse certaine égale à 9 900 plutôt que de courir le risque de perdre 9 900 avec probabilité 1/100 – et donc ne plus rien avoir –, pour espérer gagner 100 avec probabilité 99/100, c'est-à- dire conserver sa richesse initiale de 10 000. b- Équivalent certain On appelle équivalent certain le niveau de richesse considéré par l'individu comme équivalent à la perspective aléatoire devant laquelle il est placé. Dans l'exemple précédent, l'équivalent certain de la situation sans assurance est inférieur à 9 900, puisque l'individu préférerait avoir 9 900 avec certitude plutôt que d'être soumis au uploads/Finance/ economie-de-l-x27-assurance-partie-1.pdf

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  • Publié le Jul 31, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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