1 L'Etat et l'économie Robert André et Christine Delorme (Le Seuil - 1983) Ce l
1 L'Etat et l'économie Robert André et Christine Delorme (Le Seuil - 1983) Ce livre est l'aboutissement d'une recherche sur les origines de la croissance de l'Etat et des dépenses publiques en France. Il se présente comme une confrontation des faits, étayés par un important appareil statistique, et des théories qui proposent des explications très diverses à cette croissance du rôle de l'Etat. L'argument essentiel du livre, publié en 1983, est que, selon les auteurs, Robert André et Christine Delorme, chercheurs au CEPREMAP, l'évolution du capitalisme s'est accompagnée non seulement d'une montée du poids de l'Etat, mais aussi de changements dans les formes et les modalités d'intervention de l'Etat dans l'économie. L'Ancien Régime est marqué par le poids écrasant des dépenses militaires: à une époque de formation des Etats-Nations, l'Etat se pose en garant du territoire national; l'économie est sous la coupe du politique. Avec la Révolution et le développement du libéralisme, la pensée économique cherche à circonscrire l'Etat: A. Smith en donnera une parfaite illustration avec la théorie de l'Etat-Gendarme. Enfin, dès la fin du 19ème siècle, mais surtout après 1945, on passe d'un Etat circonscrit à un Etat "inséré" ou "inscrit". La dynamique des dépenses publiques joue alors un rôle déterminant dans le soutien de la croissance. I. Anatomie des dépenses publiques en France: un mouvement heurté et hétérogène. A. Le mouvement d'ensemble. Se pose tout d'abord un problème de définition: la notion de dépenses publiques recouvre un domaine aux frontières mouvantes. On peut partir de la nature des organismes gestionnaires: en ce sens, les dépenses publiques recouvrent les dépenses faites par les administrations publiques détentrices de prérogatives de puissance publique: Etat central, collectivités locales (communes, départements, régions) et Sécurité Sociale. Une définition économique peut aussi être envisagée; elle est fondée sur la théorie des biens collectifs: ce seraient alors les caractéristiques intrinsèques à certains biens et services (indivisibilité, coût de transaction, caractère tutélaire) qui impliqueraient la prise en charge collective de leur fourniture. Se pose en second lieu la question de la mesure des dépenses publiques. Si la phénomène de croissance des dépenses publiques sur le long terme relève de l'évidence, l'analyse détaillée montre qu'il ne s'agit pas d'un phénomène continu. Des écarts importants de rythmes de croissance apparaissent selon les périodes , en termes absolus et en rapport avec un agrégat comme le PIB. Les deux guerres mondiales délimitent trois sous-périodes: - Une période de croissance lente avant 1914, avec une accélération pour la période 1872- 1912. Ainsi, les taux de croissance moyens annuels sont de 1,3 % pour la PIB et de 1,6 % pour l'ensemble des dépenses publiques (dont 1,4 % pour l'Etat central et 2,2 % pour les collectivités locales). C'est donc le poids du local qui, au 19ème siècle tire à la hausse les dépenses publiques. 2 - L'entre-deux-guerres constitue une période particulièrement heurtée et irrégulière. Le haut niveau atypique des dépenses des années 1920 et 1921 (près de 31 % de la PIB) s'explique par les nécessités de la reconstruction, dans le cadre d'un financement très déficitaire, ouvert dans la perspective du paiement des réparations allemandes. La situation inflationniste qui en découle appelle une stabilisation , obtenue par le gouvernement Poincaré (1926-1929), appliquant une politique budgétaire stricte. Le poids des dépenses publiques dans la PIB passe de 15,8 % en 1926 à 13,6 % en 1929. Suit une période de fluctuation, marquée par la déflation Laval de 1935 (compression des dépenses), puis une nette croissance du poids des dépenses publiques, qui atteint un maximum en 1936 avec 21,5 % de la PIB. - La période d'après 1945 est marquée par une accélération et une plus grande régularité des rythmes d'évolution. L'année 1974 constitue un seuil. D'un niveau proche de 40 % dans la période 1960-1974, le rapport dépenses publiques sur PIB passe brusquement à 45 % en 1975 et n'a plus décru par la suite. Enfin, un dernier indicateur de la croissance des dépenses publiques et de l'Etat peut être fourni par les effectifs d'agents employés et leurs évolutions par rapport à la population active totale. Là encore, la césure se produit au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Alors que la proportion des agents des services publics restait autour de 5 à 6 % de la population active dans l'entre-deux-guerres, elle atteint 9,1 % en 1956 et 15,8 % en 1976. B. Les transformations des dépenses de l'Etat. L'observation des tendances longues de l'évolution des dépenses publiques laisse apparaître une périodisation très nette délimitée par les deux guerres mondiales: on passe ainsi d'un Etat circonscrit, limité, à un Etat inscrit. L'évolution des dépenses et des recettes reflète bien cette évolution: affaiblissement des dépenses liées à la guerre et à la charge de la dette, diversification des dépenses civiles, montée en puissance des transferts sociaux. En premier lieu, l'évolution longue est caractérisée par un affaiblissement des dépenses liées à la guerre et à la charge de la dette publique. "Il ne paraît pas contraire aux faits de résumer l'activité dépensière de l'Etat jusqu'à la Seconde Guerre mondiale à celle du financement de la préparation à la guerre et de sa conduite, puis de la liquidation de ses séquelles, à deux reprises, ainsi qu'à celle du service de la dette." De 1872 à 1938, ces deux groupes de dépenses absorbent plus des deux tiers des dépenses de l'Etat, les dépenses de fonctionnement des pouvoirs publics ne représentant que 10 à 15 % des dépenses. Les pics de charge relative des dépenses militaires sont atteints évidemment dans les périodes autour des guerres: 1912 et 1938 par exemple. L'importance des dépenses militaires ne régressera véritablement qu'à partir de la fin des années 50 (avec encore deux pics en 1952 et 1953 - guerre froide et guerre d'Indochine - pour se stabiliser autour de 15 % depuis 1980. Cette diminution du poids des dépenses liées à la guerre et au service de la dette est compensée, après 1945 surtout, par l'accroissement des dépenses de tous les autres domaines civils. L'action sociale commence à prendre de l'importance à partir de 1909. Le véritable bouleversement intervient après 1945: dépenses de reconstruction, effort considérable en matière de logement et d'urbanisme... La poussée des dépenses civiles est donc continue jusqu'à nos jours. Ainsi, sur la période, la dynamique des dépenses publiques est redevable, pour une large mesure, à celle des prestations sociales: sans elles, les dépenses publiques seraient restées stables à 22 % environ du PIB jusqu'en 1973. 3 II. Comment expliquer le développement des dépenses publiques ? A. L'analyse des déterminants du rôle de l'Etat. Il s'agit de ce que l'on pourrait qualifier d'études "positives" des déterminants des dépenses publiques en longue période. Deux éléments essentiels en sont issus. Le premier élément porte sur la mise en lumière de "lois d'évolution" de portée générale: la "loi de Wagner" en constitue la principale illustration. La loi de Wagner, du nom d'Adolf Wagner, économiste allemand (1835 - 1917), qui publie au début du 20ème siècle un ouvrage important, Les fondements de l'économie politique, dont la dernière partie porte sur "l'Etat au point de vue de l'économie nationale". Sa thèse fait référence à une "loi de l'extension croissante de l'activité publique et de l'Etat", d'après laquelle les dépenses publiques ont tendance à croître relativement plus vite que les dépenses privées, par suite des effets de l'industrialisation. Une formulation mathématique simple consiste à relier le rapport Dépenses publiques sur PIB au revenu par tête: G Y f Y N ( ) ou g f y ( ) avec dg dy 0 Wagner avance trois catégories d'arguments: les dépenses dites "régaliennes" doivent augmenter en raison des tensions sociales plus fortes dans une société industrielle; les dépenses de culture et d'éducation trouvent leur origine dans les "conditions de la vie nationale arrivée à un degré de civilisation élevé"; enfin, Wagner estime que l'Etat doit avoir une activité productive par le biais des entreprises publiques. Le second élément repose sur l'utilisation de techniques statistiques permettant de faire des "coupes transversales" et de repérer les fractures significatives dans les évolutions longues des dépenses publiques. Les travaux de Peacock et Wiseman (1967) appartiennent à cette seconde catégorie. On doit à ces auteurs la mise en lumière d'effets de déplacement des dépenses publiques. Les périodes de paix (ou du moins de "non-guerre") sont peu propices à l'accroissement des dépenses publiques, car les agents économiques ne sont pas prêts à supporter la charge fiscale qui s'y rapporte. Par contre, les crises et les guerres sont susceptibles, devant la nécessité, d'entraîner un accroissement des dépenses publiques et de la pression fiscale, ce qui provoque un effet de déplacement: le rapport dépenses publiques/PIB progresserait ainsi par paliers successifs. Toutefois, l'absence de théorie du comportement fiscal collectif remet en cause le caractère scientifique de l'analyse. Elle se contentera d'un statut empirique et intuitif. B. Les approches individualistes. Les approches individualistes sont fondées sur l'idée que l'activité de l'Etat et les dépenses publiques s'expliquent par le jeu des comportements individuels fondés sur les notions de rationalité et d'utilité; il s'agit donc uploads/Finance/ etat-economie-andre-delorme.pdf
Documents similaires
-
22
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 02, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.1159MB