A LIRE ALTERNATIVES ECONOMIQUES N° Numéro A2 ! J'ACHÈTE + VOIR LE S Faut-il avo
A LIRE ALTERNATIVES ECONOMIQUES N° Numéro A2 ! J'ACHÈTE + VOIR LE S Faut-il avoir peur des monopoles ? ARNAUD PARIENTY 01/04/2003 ALTERNATIVES ECONOMIQUES N°213 La peur du monopole réunit en une étrange alliance les partisans du marché, favorables à la concurrence, et les adversaires du capitalisme, qui y voient l’instrument de la domination des puissances de l’argent. De fait, les entreprises en situation de monopole sont peu incitées à réduire leurs prix et à améliorer leurs produits, et sont souvent en mesure de tourner les règles du jeu à leur avantage. Sur de nombreux marchés, le monopole n’est pourtant que le fruit de la concurrence. Par leur capacité de recherche ou d’investissement notamment, les grandes entreprises ont des atouts qui peuvent les rendre plus e!caces qu’un grand nombre d’entreprises en concurrence. Plutôt que d’empêcher les concentrations, il est donc préférable de réglementer, même si, comme toutes les politiques publiques, la réglementation est aujourd’hui contestée. 1. Le monopole inefficace ? La concurrence est l’idéal des économistes, mais les entreprises n’ont de cesse d’y échapper. Elles di"érencient leurs produits de manière à ce que le consommateur accepte de les acheter plus cher qu’un produit proche, avec lequel la concurrence est donc imparfaite. D’où la multiplication des produits dans les linéaires des supermarchés. Mais le principal frein à la concurrence résulte de ses propres e"ets : elle provoque une concentration des entreprises. En e"et, sur la plupart des marchés, les rendements sont croissants : les coûts moyens diminuent à mesure que la production augmente, ce qui assure la domination des plus gros. Résultat : les petits ont pour seul choix de fusionner ou d’être acquis par plus gros qu’eux. A la limite, s’il n’existe aucune tendance limitant les économies d’échelle, une entreprise unique peut produire moins cher que plusieurs entreprises concurrentes et le marché est un monopole naturel*, comme c’est le cas dans certains services en réseau (distribution d’eau ou d’électricité, par exemple). Un monopole naturel peut cesser de l’être, par suite de l’évolution technique (c’est, pour le moment, le cas du téléphone) ou par changement de la taille des marchés (ouverture des frontières, par exemple). Si la concurrence fonde le marché, l’apparition de monopoles** découle donc de son fonctionnement. Le terme de monopole dé#nit en toute rigueur un marché servi par une entreprise unique. On peut aussi l’utiliser de manière plus large, pour désigner une entreprise de grande taille ayant un pouvoir de marché, c’est- à-dire la possibilité d’in$uer sur les prix. C’est dans ce sens que le terme est utilisé ici. Si une entreprise n’est pas seule à vendre un bien, son pouvoir de marché naît d’un accord explicite ou tacite avec ses concurrentes, ou de sa capacité à di"érencier le produit qu’elle vend. Les monopoles existent depuis très longtemps, mais ils sont aujourd’hui la forme d’entreprise qui domine. La concurrence met en e"et aux prises un nombre limité de grandes entreprises, ce qui attise les craintes que provoquent ces entreprises. Trois thèmes reviennent traditionnellement : les monopoles font des pro#ts injusti#és en vendant cher, ils font peu d’e"orts pour être e!caces et ils utilisent l’Etat à leur pro#t. La capacité à in$uencer les prix peut se faire au détriment des fournisseurs, les économistes parlent alors de monopsone***. La grande distribution utilise ainsi son pouvoir de marché pour capter à son pro#t les gains de productivité réalisés en amont, en obtenant des industriels ou des agriculteurs une baisse des prix correspondant aux gains de productivité qu’ils réalisent. Le pouvoir de marché peut aussi s’exercer au détriment des consommateurs. Dans ce cas, le monopole pro#te au contraire d’une faible concurrence pour vendre plus cher. Non seulement, c’est une répartition discutable des revenus, mais les prix transmettent alors une information fausse qui conduit les acteurs à prendre des décisions erronées. Ce pouvoir de marché, lorsqu’il est très fort, rend les pro#ts de l’entreprise peu sensibles au prix et à la qualité de la production ou des services. Autrement dit, l’entreprise échappe à la sanction du marché et n’a donc pas d’incitation su!sante à utiliser au mieux les ressources disponibles. Pour les économistes orthodoxes, le monopole est ine!cace par dé#nition, puisque le principal aiguillon qui pousse à l’e!cacité est la concurrence. Les politistes, de leur côté, insistent sur la capacité des monopoles à tourner les règles du jeu ou à les orienter à leur pro#t. L’historien Fernand Braudel soulignait déjà que le capitalisme prospérait grâce à l’Etat et non contre lui. Aussi, les grandes entreprises cultivent-elles les liens avec l’Etat. Les entreprises américaines contribuent de manière importante au #nancement des campagnes des partis politiques et des juges. Au Japon ou en France, la pratique du " pantou$age ", c’est-à-dire le recrutement par des entreprises privées de hauts fonctionnaires ayant géré les liens de l’Etat avec ces entreprises, est fréquente. Les très grandes entreprises ont également les moyens de tenter de corrompre les représentants de l’Etat, une pratique généralement d’autant plus e!cace que le régime est peu démocratique . Cette in$uence est utilisée pour réduire la concurrence par le protectionnisme ou par l’obtention de marchés publics, ou pour réduire les coûts #scaux, sociaux ou environnementaux. 2. Les bonnes raisons du monopole On peut aussi voir un facteur positif dans le développement d’acteurs dominants, aptes à s’abstraire des contraintes de la concurrence. L’économiste autrichien Joseph Schumpeter conteste ainsi formellement l’idée que la petite entreprise en situation de concurrence soit e!cace. Pour lui, seule une grande #rme faisant d’importants béné#ces peut accumuler les moyens d’innover dans ses produits comme dans les procédés de fabrication. Le monopole, dans le sens large que nous lui avons donné, est alors l’organisation la plus e!cace et la plus favorable à la croissance. L’argument est fort, mais doit être nuancé. En fait, la dynamique du capitalisme suppose que les entreprises disposent de l’horizon qui leur permet d’investir pour développer de nouveaux produits ou de nouveaux procédés de fabrication, tout en demeurant soumises à l’aiguillon de la concurrence, ce qui leur évite de s’endormir sur leur rente. Ainsi, la pression des grands distributeurs sur leurs fournisseurs, notamment pour les produits vendus sous les marques distributeur, limite la capacité d’innovation de ceux-ci : ils se contentent de copier les innovations introduites par les grandes marques en utilisant des procédés de fabrication souvent banalisés. Trop de concurrence limite ici l’innovation. Inversement, AT&T a exercé, jusqu’à la #n des années 70, un quasi-monopole sur le réseau téléphonique des Etats-Unis. La #rme était son propre fournisseur d’équipements à travers sa #liale Western Electric et disposait de laboratoires de recherche uniques au monde (les Bell labs) ; ils furent à l’origine de nombreuses découvertes qui ont révolutionné l’électronique et l’informatique, telles que le transistor ou le logiciel Unix (avec Xerox). AT&T avait les moyens de #nancer une recherche quasi fondamentale, grâce à la rente tirée de son monopole. Mais, comme dans le même temps, sa position de monopole était contestée et faisait l’objet de procès antitrust, la #rme s’est vue contrainte de céder les licences de ses découvertes à des prix permettant leur rapide di"usion. On voit là un bon exemple des vertus du monopole pour autant qu’il peut être contesté. Dans d’autres cas, la constitution d’ententes monopolistiques, en imposant une norme, contribue à produire de la coordination d’une manière qui peut béné#cier au consommateur. C’est ainsi que Philips et Sony sont parvenus à imposer leur norme pour les cassettes puis pour le CD audio, tandis que Matshushita imposait la norme VHS pour les magnétoscopes, contre le Betamax ou le V2000. L’existence d’une seule norme a, dans ces trois cas, favorisé l’essor de la concurrence. En revanche, l’existence d’un standard dominant, comme l’est aujourd’hui le système d’exploitation Windows de Microsoft, peut jouer un rôle pervers. Il permet en e"et à son fournisseur de verrouiller le marché des produits liés, en l’occurrence les progiciels de traitement de texte, de calcul ou d’accès à l’Internet. On mesure, à tous ces exemples, que le monopole, s’il peut se révéler favorable à l’innovation, voire même à l’organisation de marchés concurrentiels, doit aussi pouvoir être remis en cause. Soit parce que les autorités de régulation peuvent contraindre les #rmes en situation de monopole à en partager les béné#ces, soit parce que les #rmes considèrent elles-mêmes qu’elles ont intérêt à faire partager aux consommateurs les pro#ts tirés de leur rente a#n d’éviter qu’un concurrent tente d’attaquer leur position. C’est ce qu’explique la théorie des marchés contestables , qui développe l’idée qu’une entreprise en monopole se comportera comme si elle était en situation de concurrence à partir du moment où il est possible à un concurrent potentiel d’entrer et de sortir librement du marché. 3. Réglementer : difficile, mais nécessaire Inconvénients et avantages des monopoles ont conduit les pouvoirs publics à mener des politiques souvent contradictoires. Les politiques industrielles soutiennent la constitution de " champions nationaux ", tandis que les politiques de la concurrence s’e"orcent de limiter leur domination. Le développement de la construction européenne a conduit à con#er la politique de la concurrence à la direction générale de la Commission européenne, tandis que uploads/Finance/ faut-il-avoir-peur-des-monopoles-alternatives-economiques 1 .pdf
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- Publié le Apv 03, 2022
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