S1 M1 Droit économique – Héloïse Miereanu Année 2010-2011 Droit des biens appli

S1 M1 Droit économique – Héloïse Miereanu Année 2010-2011 Droit des biens appliqué à la matière économique La fiducie-sûreté et le droit des procédures collectives « Parce qu’elle se distingue de la propriété ordinaire, et même la disloque » la fiducie-sûreté éveille les soupçons, en tant qu’elle transfère la propriété en garantie d’une créance. On craignait « l’introduction, sous le manteau familier et vénéré de la propriété, d’une institution qui mettrait en péril des intérêts que notre droit »1, et notamment le droit des procédures collectives. Une formulation synthétique, percutante, avec laquelle le professeur Michel Grimaldi présentait, dès 1991, le dilemme posé par la fiducie-sûreté, consacrée par la loi du 19 février 2007 à l’article 2011 du Code Civil sous le terme générique de fiducie. Celui de son articulation avec les principes du droit des procédures collectives, au rang desquels figurent l’égalité des créanciers, la protection du débiteur en difficulté ou encore la suspension des poursuites. Comme les autres propriétés- sûretés (cession de créances Dailly ou clause de réserve de propriété), elle dotait les créanciers d’un droit exclusif sur les biens affectés et d’une immunité à la règle de suspension des poursuites, permettant de court-circuiter la procédure. Or, attribuer à la fiducie-sûreté la même opposabilité que la cession de créances Dailly revenait à nier la nécessité d’un traitement différentié, pour une sûreté- propriété qui, à la différence de la cession de créance, n’implique pas toujours dépossession de la part du débiteur, et peut au contraire s’effectuer « sans dépossession » des biens affectés. Derrière l’absence de dépossession, se dissimule une présomption forte : celle de biens utiles et nécessaires à l’exploitation et à l’activité de l’entreprise. La fiducie-sûreté posait donc deux difficultés majeures dès son introduction. D’une part, sa réalisation immédiate et généralisée annihilerait ipso facto toute chance de redressement des entreprises, les actifs lui étant immédiatement retirés. Toute perspective de sauvegarde serait réduite à néant. D’autre part, se posait le problème d’un gaspillage de crédit et donc d’une possible disproportion par rapport à la créance garantie, avec le risque que les entreprises soient précipitées vers la procédure collective. Par les lois du 4 août 2008, ainsi que l’ordonnance nº 2009-112 du 31 janvier 2009, le législateur s’est saisi de ces enjeux pour aménager et corriger le régime juridique de la fiducie-sûreté, que la doctrine qualifie aujourd’hui majoritairement d’ « équilibré ». Dès lors, dans quelle mesure le régime juridique actuel répond-il aux enjeux que sont la nécessité de remédier au gaspillage du crédit et l’impératif de sauvegarde des entreprises ? Le mécanisme de fiducie-sûreté rechargeable permet de conjurer le risque de disproportion (I). Ensuite, la fiducie-sûreté repose sur un traitement différentié selon les « scenarii »2 envisageables (II), à savoir, fiducie-sûreté avec ou sans dépossession. Alors que dans le premier cas, la réalisation immédiate ; dans le second, celle-ci est paralysée, jusqu’à la phase de liquidation. I. LE MÉCANISME DE FIDUCIE-SÛRETÉ RECHARGEABLE : UNE RÉPONSE AUX RISQUES DE DISPROPORTION ET DE GASPILLAGE DE CRÉDIT A. Les enjeux : gaspillage du crédit et disproportion 1 Michel GRIMALDI, La fiducie, réflexions sur l’institution et sur l’avant-projet de loi qui la consacre, Doctrine et Jurisprudence, p. 917. 2 Reinhard DAMMANN, Mylène ROBBINET, « Quel avenir pour les sûretés réelles classiques face à la fiducie-sûreté ? », Cahier du droit de l’entreprise, juillet-août 2009, p. 36. S1 M1 Droit économique – Héloïse Miereanu Année 2010-2011 Droit des biens appliqué à la matière économique 1. Deux risques inhérent à toute propriété-sûreté  Tout transfert de propriété à titre de garantie porte en germe un risque de disproportion3, du fait du droit exclusif qu’il confère sur les biens affectés  Illustration du gaspillage de crédit : dans le cadre une hypothèque sur un immeuble de 3 millions d’euros, plusieurs emprunts peuvent être garantis sur la valeur de l’immeuble. A contrario, pour la fiducie-sûreté (dans son régime de 2007), seule une sûreté-propriété peut être transférée à titre de garantie, bien que le prêt ne s’élève par exemple qu’à hauteur d’1 million d’euros. Un gaspillage inévitable : des capacités de financement diminuées  Un risque disproportion : l’assiette des biens est fixe, ne diminue pas en fonction du remboursement de la créance ni de la valorisation des biens affectés 2. Difficultés de financement pour les entreprises  Un effet de seuil pervers lorsqu’il ne reste qu’une fraction faible à rembourser. La valeur initialement résiduelle devient dès lors particulièrement importante.  Une capacité de crédit éminemment réduite : l’impossibilité de souscrire des crédits nécessaires à la poursuite de l’activité  difficultés de financement  Conséquence : le risque d’entreprises précipitées vers les procédures collectives B. Réponse juridique : le mécanisme de fiducie-sûreté « rechargable » 1. Régime d’un mécanisme innovant  L’apport de l’ordonnance du 30 janvier 2009 : possibilité de stipuler la fiducie-sûreté « rechargeable »  Source d’inspiration : l'hypothèque rechargeable, consacrée par l'ordonnance du 23 mars 2006  Le principe : affectation du patrimoine fiduciaire au remboursement des plusieurs opérations de crédit  Conditions : avenant au contrat de fiducie et respect de l’articles 2019, qui s’ajoutent aux conditions générales de constitution de la fiducie-sûreté : la valeur fixée par expertise ou cotation officielle sur un marché organisé au sens du Code Mon et Fin. (Art. 2373-3) - Mention par écrit de la dette garantie (Art 2372-2) et Publication au registre national des fiducies (décret n°2010-219 du 2 mars 2010 2. Le risque de disproportion neutralisé  Utilisation de l’intégralité de la valeur des actifs transférés : une garantie contre le « gaspillage de crédit »  Une position avantageuse pour le créancier : l’octroi d’un rang avantageux pour les créanciers (déterminé par date d’enregistrement de la convention de rechargement) et le risque écarté d’une nullité pour disproportion (Art. 3R. Dammann et M. Robinet, "Quel avenir pour les sûrétés réelles classiques face à la fiducie-sûreté", Cahier de l’entreprise 7/8-2009, p. 35 S1 M1 Droit économique – Héloïse Miereanu Année 2010-2011 Droit des biens appliqué à la matière économique 650-1 Code Com)  une plus grande disposition du banquier à octroyer des crédits.  Une capacité de financement accrue pour les entreprises : diversité des biens susceptibles d’affectation (biens mobiliers et immobiliers) II. UN REGIME JURIDIQUE DIFFÉRENCIÉ ET ACCORDÉ AUX FINALITÉS DE LA PROCÉDURE : FIDUCIE-SÛRETÉ AVEC OU SANS DEPOSSESSION La clé de l’équilibre que réalise la fiducie-sûreté réside dans ses effets très différentiés selon les cas : dépossession ou absence de dépossession des actifs transférés à titre de garantie, le critère objectif étant celui de l’existence ou non d’une convention de mise à disposition des biens au débiteur, par laquelle celui- ci en garde la jouissance. Alors que dans le premier cas, la réalisation de la fiducie-sûreté est immédiate et son efficacité, maximale (A), dans le second cas de figure, celle-ci est nuancée par l’impératif de sauvegarde de l’entreprise pour se trouver paralysée, jusqu’à la phase de liquidation (B). A. Primauté de la fiducie-sûreté avec dépossession : une procédure « court-circuitée » L’efficacité de la fiducie-sûreté s’apprécie à l’aune de sa réalisation en procédure collective. En cas de dépossession, elle permet donc de « court-circuiter » la procédure collective, en conférant un droit exclusif sur le patrimoine fiduciaire. 1. « Une technique d’exclusion des créanciers autres que fiduciaire4 »  Une sûreté-propriété (le transfert de propriété à titre de garantie)  Un patrimoine d’affectation autonome : une exception légale au principe d’unicité du patrimoine  Un contrat de fiducie (2372-1) : « transfert de propriété, distincte de la propriété ordinaire, à des fins de garantie d’une créance et consiste en « l’affectation de biens, droits ou sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, le tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent en dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires »  La spécificité de la propriété fiduciaire (temporaire, en ce qu’elle ne dure que jusqu’à l’échéance de la dette) par rapport à la propriété ordinaire (exclusive et perpétuelle)  la fiducie-sûreté « n’a ni le contenu ni tous les caractères de la propriété ordinaire »5 posée à l’article 544 du Code Civil.  Droit d’exclusivité sur le patrimoine fiduciaire vs droit de préférence conféré par d’autres sûretés : l’idée même de concours entre créanciers est supprimée ; toute concurrence, absente. 4 Ibid, p. 921. 5Michel GRIMALDl, « La fiducie, réflexions sur l’institution et sur l’avant-projet de loi qui la consacre », Doctrine et Jurisprudence, p. 915. S1 M1 Droit économique – Héloïse Miereanu Année 2010-2011 Droit des biens appliqué à la matière économique  La double « perméabilité »6 du patrimoine fiduciaire aux créanciers du débiteur et du fiduciaire 2. Une efficacité maximale : l’immunité7 de la fiducie-sûreté face aux contraintes de la procédure collective  Réalisation immédiate de la sûreté en cas en non-paiement  la propriété cesse d’être fiduciaire pour se fondre dans le patrimoine du créancier. A contrario, si le constituant rembourse sa dette, le fiduciaire lui rétrocède le bien.  Une procédure collective court-circuitée8  Un régime favorable sur trois aspects : le contrat de uploads/Finance/ fiducie-surete-et-droit-des-procedures-collectives-version-corrigee.pdf

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  • Publié le Jan 02, 2023
  • Catégorie Business / Finance
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