1.1.1. L’hypothèse de free cash flow L’affectation du free cash flow est au cœu

1.1.1. L’hypothèse de free cash flow L’affectation du free cash flow est au cœur de la problématique des relations d’agence et de la création de valeur actionnariale. La théorie avancée par Jensen postule qu’il existe une source de conflits entre les actionnaires et les dirigeants liée à la présence de free cash flows élevés dans les firmes à faibles opportunités de croissance. Le risque est celui d’une gestion inefficiente de cette ressource, qui prend en particulier la forme du surinvestissement et entraîne une destruction de valeur pour les actionnaires (Shleifer et Vishny, 1997). Le cash en excès incite les managers à accroître la taille de leur firme au-delà du niveau optimal pour plusieurs raisons : d’une part, cela leur permet d’augmenter les ressources sous leur contrôle et, par répercussion, d’augmenter leur pouvoir discrétionnaire et leur prestige (Mueller, 1969 ; Charreaux, 1997 ; Paquerot, 1997) ; d’autre part, cela leur permet d’accroître le niveau de leur rémunération personnelle, dans la mesure où les hausses de rémunération sont liées à celles du chiffre d’affaires et à la croissance de l’entreprise (Murphy, 1985 ; Schmidt et Fowler, 1990 ; Lambert et al., 1991). Autant d’actions qui peuvent venir diminuer la valeur globale de la firme, alors que l’objectif de maximisation de la valeur impliquerait au contraire une distribution des fonds discrétionnaires aux actionnaires. Face à ce risque, Jensen souligne le rôle majeur de l’endettement pour réduire le cash en excès. Des distributions externes permettent certes de réduire la présence de ces fonds, tout comme le rachat d’actions, qui entraîne une amélioration des prévisions de bénéfices par action, de manière significative dans les deux cas, ce qui est cohérent avec l’hypothèse de free cash flow, dans la mesure où cela limite, de fait, l’investissement dans des projets destructeurs de valeur. Mais la discipline exercée par l’endettement est plus efficace, selon Jensen. Elle contraint les managers à affecter cette ressource au service de son remboursement, sous peine de voir la société placée en règlement judiciaire, ce qui réduit leur propension à investir dans des projets destructeurs de valeur. Cet effet disciplinaire, qui peut venir se substituer à celui exercé par la distribution de dividendes, précise Jensen, prend tout son sens dans les entreprises disposant de niveaux de free cash flows substantiels et présentant de faibles opportunités de croissance ou, a fortiori, dans les firmes en phase de déclin. Sans nier l’existence des coûts de faillite liés à une augmentation de l’endettement, Jensen note qu’il existe un ratio d’endettement optimal qui maximise la valeur de la firme, au point d’équilibre où coût marginal et bénéfice marginal de la dette se compensent. 1.1.2. Revue des études empiriques Les recherches empiriques tendent plutôt à confirmer l’hypothèse de free cash flow, avec des nuances plus ou moins affirmées selon qu’elles centrent l’analyse sur les politiques de restructuration financière et d’endettement, de dividendes, de rachats d’actions ou bien encore, d’investissement. La création de valeur engendrée par les politiques de restructuration financière reposant sur l’endettement peut s’interpréter, selon plusieurs auteurs, à la lumière de l’hypothèse de free cash flow. Griffin (1988) constate que les dépenses d’investissement du secteur pétrolier engagées au début des années 1980 apparaissent non seulement comme la conséquence de la réduction du cash flow liée aux restructurations d’entreprises, mais aussi comme celle de la profitabilité anticipée des investissements, compte tenu d’un coût du capital donné, ce qui tend à valider, au moins partiellement, le modèle de free cash flow. Pour leur part, Lehn et Poulsen (1989), en s’intéressant aux opérations de type « leveraged buyouts » ou « management buyouts », qui se caractérisent par un recours substantiel à l’endettement, constatent que la relation positive entre le niveau de fonds discrétionnaires et le prix payé aux actionnaires est statistiquement significative, ce qui confirme qu’une source importante de gains pour les actionnaires dans ces opérations réside dans la réduction des problèmes d’agence associés au free cash flow. Dans un esprit voisin, Gupta et Rosenthal (1991) constatent que le niveau de cash en excès des firmes ayant connu des opérations de « leveraged recapitalization », voisines des « leveraged buyout », explique le niveau des primes payées aux actionnaires, ce qui confirme le rôle de la dette dans la résolution des conflits d’agence liés au free cash flow. Toutefois, d’autres, à l’instar de Graham et Harvey (2001), suggèrent que les coûts d’agence liés au cash en excès ne constituent pas une préoccupation majeure des hauts dirigeants lorsqu’il s’agit de déterminer un niveau optimal d’endettement. La dette ne constituerait pas, selon eux, un moyen efficace de discipliner le management dans la perspective défendue par Jensen. S’agissant des politiques de dividendes, même si certaines recherches constatent que ce sont les firmes les moins exposées au risque de free cash flow qui présentent le taux de distribution de dividendes le plus élevé (Gaver et Gaver, 1993), les études soulignent en général une association entre une augmentation des taux de distribution et une réaction positive du prix des actions3. Une étude, conduite par Lang et Litzenberger (1989), montre que le versement aux actionnaires dans les entreprises qui ont tendance à surinvestir (et considérées comme telles dans la mesure où elles présentent un Q de Tobin inférieur à l’unité) est perçu plus favorablement que celui observé au sein des entreprises qui sont dans le cas inverse. Vogt et Vu (2000), pour leur part, observent que les firmes dégageant des fonds discrétionnaires significatifs, combinés avec des dépenses d’investissement passées importantes, présentent des rentabilités en excès faibles, alors qu’inversement, les firmes ayant procédé à des distributions de dividendes élevées ou ayant procédé à des rachats d’actions massifs présentent des rentabilités en excès plus élevées. Lie (2000), enfin, constate, sur un échantillon de firmes à forte distribution de dividendes, que le marché financier tend à réagir positivement à l’annonce de distribution de cash, et que cette réaction est plus forte pour les firmes à faibles Q de Tobin et niveaux de cash importants. Pour ce qui est précisément des politiques de rachats d’actions, Gibbs (1993) montre qu’elles s’expliquent de manière égale par les conflits d’agence, le free cash flow (et son interaction avec les mécanismes de gouvernance), tout comme par la crainte d’une prise de contrôle. Choi et Park (1997), pour leur part, montrent que les effets des annonces de rachats d’actions sur la valeur sont positivement reliées à l’importance des fonds discrétionnaires préalablement à ces opérations, ce qui confirme qu’il s’agit là d’un moyen de réduire le cash en excès et que cette réduction est source de création de valeur. Nohel et Tarhan (1998) notent, en ce qui les concerne, que la performance d’exploitation des firmes suivant les offres de rachats d’actions s’améliore uniquement dans les firmes à faible croissance, ce qui suggère que les rachats d’actions s’inscrivent dans une politique de restructuration globale de nature à réduire les inefficiences liées au free cash flow. La littérature la plus récente constate qu’au cours des dernières années les rachats d’actions sont devenus la méthode privilégiée de distribution de cash aux actionnaires (Fama et French, 2000 ; Grullon et Michaely, 2001). Enfin, s’agissant des décisions d’investissement, des études montrent que l’augmentation des dépenses en capital est négativement reliée au prix des actions des firmes à faibles opportunités d’investissement, alors que le surinvestissement du cash en excès semble être un phénomène répandu aux États-Unis (Richardson, 2002). Lang et al. (1989) observent que la rentabilité des actions constatée à l’occasion de fusions-acquisitions est plus élevée lorsque sont impliquées dans l’opération une entreprise initiatrice présentant un Q de Tobin élevé et une entreprise cible présentant un Q de Tobin faible. Szewczyk et al. (1996) constatent, quant à eux, bien qu’aucune différence dans les taux de rentabilité anormaux ne soit perceptible en fonction des niveaux de fonds discrétionnaires, que les rentabilités anormales positives apparaissent positivement reliés au pourcentage d’augmentation des dépenses de recherche-développement, au ratio d’endettement financier et à la propriété institutionnelle, ce qui semble ouvrir la voie à une interprétation large de l’hypothèse de Jensen. Vogt (1997), enfin, souligne que les rentabilités anormales enregistrées à l’occasion de l’annonce de dépenses d’investissement sont négativement reliées à la capacité des entreprises à couvrir avec le cash flow les dépenses annoncées, les firmes à fonds discrétionnaires élevés présentant en outre des rentabilités anormales plus faibles que les firmes se trouvant dans la situation inverse. uploads/Finance/ free-cash-flow.pdf

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  • Publié le Aoû 04, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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