1 La petite histoire de la Fondation MusicAction et l’affaire Jastar Martin Gla
1 La petite histoire de la Fondation MusicAction et l’affaire Jastar Martin Gladu L’important, c’est de jumeler les efforts des stations de radios. Malcolm Scott (La Presse 1 mai 1986) The program will aid these programmers with this severe supply (of product) problem. Rob Braide (RPM 15 mars 1986) Comme son nom l’indique, la Fondation MusicAction est une fondation privée à but non lucratif. Sa mission consiste à soutenir financièrement la production et la commercialisation de nouveaux enregistrements musicaux. Constituée le 9 septembre 1985 par des hommes d’affaires du monde la radio (voir la liste en annexe), ses objectifs – le premier étant de leur assurer un approvisionnement en musique francophone – furent fixés en consultation avec l’association des producteurs de disques du Québec, l’ADISQ (Le Devoir, 28 octobre 1985). En fait, sa mise sur pied découle d’une promesse de CHUM Ltd. au CRTC suite à son acquisition, en août 1985, des stations CHOM et CKGM (RPM, 15 mars 1986). CHUM Ltd. a ainsi contribué 100 000$ à son fonds de départ, et Standard Broadcasting, second en lice, 20 000$. Le contexte Au moment de sa création, les compagnies de disque étrangères accaparent 72% des productions au Canada et y collectent 89% des revenus (La Tribune, 11 octobre 1986). MUCH Ltd. opère, depuis 1970, le label Much Productions Ltd. ainsi que les maisons d’édition Winterlea Music et Summerlea Music, toutes deux acquises du futur directeur général de la CIRPA, Brian Chater. Ce dernier avait codirigé, quelques années auparavant, ces entreprises avec la québécoise Carole Risch. 2 Les radios sont, elles aussi, « pointées du doigt comme responsable du mauvais sort jeté sur la chanson québécoise » (La Presse, 1er mai 1986). On avance même que la mise sur pied d’une fondation leur permet de se racheter d’avoir tourné le dos aux artistes francophones canadiens. L’industrie de la radiodiffusion est réglementée : les radiodiffuseurs ont des quotas à respecter (65% de la programmation des radios québécoises doit être du contenu francophone). Moribonde depuis 1978 (Le Devoir, 10 mai 1986), l’industrie canadienne du disque, qui compte alors entre 11 000 et 15 000 travailleurs, génère plus de 663 millions de dollars en revenus (La Tribune, 11 octobre 1986). Friands de disques et de cassettes, les Canadiens ne sont devancés dans le palmarès des consommateurs de musique que par les Hollandais (Le Devoir, 10 mai 1986), et ce, malgré le chômage élevé, la forte inflation et la récession du début des années 1980. L’industrie du vidéoclip, propulsée par Moses Znaimer, en est alors à ses premiers balbutiements. La Fondation veillera à la soutenir, au grand plaisir de CHUM Ltd. Il est aussi question d’un accord de libre-échange avec les États-Unis. La question de la « souveraineté culturelle, » qui avait été le thème de la campagne électorale de Robert Bourassa de 1973, du Canada est sur toutes les lèvres alors que le négociateur en chef des États-Unis, Peter Murphy, soulève l’ire des élus Canadiens de ses déclarations revêches. « Pourtant, les États-Unis reconnaissent que c'est par l'exportation culturelle qu'ils réussiront à amener les autres peuples à partager leur idéologie, » dira plus tard devant la Commission de l’économie et du travail du Gouvernement du Québec le producteur de films et de spectacles René Malo. Motivés, certes, par des visées protectionnistes, les commanditaires de la Fondation (voir la liste en annexe) constituent un fonds de départ de 170 000$ (362 000$ en 2020). Ils entendent distribuer ce montant à des artistes et à des producteurs de musique francophone, assurant ainsi une partie de leur approvisionnement. Évidemment, ils espèrent que ces derniers lui donneront des hits. Suite aux audiences du CRTC, Allan Slaight, dont l’entreprise vient d’acquérir Standard Broadcasting, accepte de lui verser 57 000$ en novembre 1985. Aussitôt le financement initial bouclé, on s’inspire de la Foundation to Assist Canadian Talent on Records, mise sur pieds (avec un budget de 200 000$) à l’initiative de la CIRPA en 1982 par CHUM Ltd., Moffat Communications et Rogers Broadcasting et fusionnée à la Canadian Talent Library de Standard Broadcasting en 1985. Cette année-là, la CIRPA abandonne l’administration de FACTOR à son équipe de direction, ce que les Québécois font d’emblée. 3 Trois types d’aides sont dès lors offertes par MusicAction : 1) prêts à terme, accordés sans avoir recours à un jury de pairs; 2) prêts MusicAction, sans intérêts et remboursables à même les revenus du disque; 3) bourses à la relève. Nota : Le financement par prêt est accordé jusqu’à concurrence de 50% du devis du projet d’enregistrement et seulement si les dépenses pour l’administration n’excèdent pas 10%. Pour profiter du volet Tournée, le producteur doit avoir un distributeur reconnu dans le marché qu’il veut percer. Les premières aides sont accordées dès février 1986, les producteurs de la chanteuse Estelle Esse et du duo Paparazzi se voyant accorder les prêts inauguraux. Chantal Beaupré, Jacques Demers, Daniel Jean, et Sophie Lapierre en sont les premiers boursiers. Puis, en mars 1986, la Conférence des industries culturelles et le Fonds de recherche et de développement des industries culturelles et des communications sont formés pour surveiller les négociations sur l’Accord de libre-échange canado- américain. L’avocat de l’ADISQ, André Noreau, est élu à la présidence des deux organisations. Il est soutenu par Michel Gélinas (directeur général de MusicAction et producteur d’émissions de télévision), Claudette Fortier (directrice générale de la SARDEC), Émile Subirana (président de la Guilde des musiciens du Québec), Christiane Bélanger (ballerine) et Alain Paré (CINARS et président de l’ADISQ). On fait pression pour que la culture soit exclue du traité. Le gouvernement fédéral embarque Au moment de la création de la Fondation, le gouvernement fédéral du Parti Conservateur dit préférer attendre la finalisation de sa politique sur la radio avant de participer à son financement. Le comité Coallier-Bergeron publie d’ailleurs son rapport en 1985, recommandant, entre autres, l’imposition de quotas de musique francophone à la radio anglophone. Nota : Le système MAPL et la politique du Contenu canadien (CanCon) étaient entrés en vigueur le 1er octobre 1970. Au même moment, le comité Caplan-Sauvageau analyse les politiques gouvernementales en matière de radiodiffusion et la possibilité d’une réforme législative. Nota : Dans son rapport de 1986, le comité conclu que le milieu de la radiodiffusion au Canada ne contribuait suffisamment à la culture canadienne : les 4 radiodiffuseurs étaient trop chiches, CBC/SRC était sous-financée, et le CRTC avait failli à son mandat. Puis, en mai 1986, Marcel Masse, alors ministre des Communications, annonce la création d’un programme d’aide à la production de disques de 25 millions (51 047 904$ en 2020) sur cinq ans. Masse, qui a intégré l’équipe de négociateurs du Canada pour l’Accord de libre-échange canado-américain, est ensuite réaffecté par le premier ministre Brian Mulroney au Ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources le 30 juin 1986. Soucieux des impacts négatifs qu’une telle mesure discrétionnaire peut engendrer, il renonce à l’imposition d’une surtaxe à l’importation de disques étrangers. Lors de l’annonce du programme, Masse explique qu’il a investi son ministère de l’administration du subside « selon la formule de Téléfilm » et étale la logique derrière l’intention du gouvernement de voir 40% de l’aide aller aux productions francophones malgré le fait que les francophones ne représentent que 28% des Canadiens. Lorsque le journal Québec-Rock lui demande s’il financera aussi la production d’émissions radiophoniques, il répond : « Oui. On enregistrera des spectacles qu’on offrira ensuite aux radiodiffuseurs. Ainsi, on aidera la production de spectacles mais aussi l’industrie de la radio. » Il est aussi question de la première révision de la Loi sur le droit d’auteur de 1924. En septembre 1986, le ministère des Communications, dont la nouvelle ministre est Flora MacDonald, conclu un accord avec la Fondation. L’entente, qui devait être reconduite pour les quatre prochaines années (donc, pour un total de cinq années), prévoit le versement d’une aide de 3,7 millions par année (7 555 090$ en 2020). Les signataires en présence sont : Mme. la Ministre MacDonald; Duff Roman (CHUM Ltd. et président de FACTOR); Malcolm Scott (Radio Futura et président de MusicAction); Andy Hermant (Manta Sound Company); Moses Znaimer (CHUM/MuchMusic/MusiquePlus); Bernie Finkelstein (True North Records et président de VideoFact); André Di Cesare (Disques Star et administrateur de MusicAction), Michel Gélinas (directeur général de MusicAction). L’ex-Harmonium Michel Normandeau, qui vient tout juste de faire son entrée dans la fonction publique fédérale, est aussitôt nommé gestionnaire du programme, poste qu’il occupera pendant vingt-deux ans. En octobre 1986, la composition du conseil de la Fondation est modifiée pour une répartition des membres qui prévaudra jusqu'en 2004, soit cinq radiodiffuseurs, quatre membres ADISQ, deux membres SPACQ, un distributeur et un détaillant. 5 Un journaliste de La Presse écrit en décembre 1986 que la subvention fédérale a provoqué une affluence d’investisseurs privés dans le marché. Cela était vraisemblablement attribuable au fait que les contribuables canadiens assumaient maintenant 50% du risque lié à la production et à la commercialisation de nouveaux enregistrements musicaux. Le budget de la Fondation est de 2,2 millions en 1987. Il provient majoritairement du Gouvernement uploads/Finance/ la-petite-histoire-de-la-fondation-musicaction-et-l-x27-affaire-jastar.pdf
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- Publié le Mar 26, 2021
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