- 1 - LA RECHERCHE ET LA FINANCE D’ENTREPRISE : DES THÉORIES PEU PRATIQUES Céci

- 1 - LA RECHERCHE ET LA FINANCE D’ENTREPRISE : DES THÉORIES PEU PRATIQUES Cécile Carpentier1, Université Laval 15 juin 2000 1 École de Comptabilité, Faculté des sciences de l’administration, Pavillon Palasis-Prince, Bureau 5244, Sainte-Foy (Que) G1K 7P4 Canada, cecile.carpentier@fsa.ulaval.ca - 2 - LA RECHERCHE ET LA FINANCE D’ENTREPRISE : DES THÉORIES PEU PRATIQUES Résumé Dans le domaine d e la finance d’entreprise, l’approche traditionnelle de la recherche théorique et empirique semble marquer le pas. L’article synthèse de Harris et Raviv (1991) illustre clairement l’absence de consensus quant aux facteurs qui gouvernent le comportement des entreprises. Cette situation rend particulièrement intéressantes les études basées sur une approche différente, consistant notamment à interroger les directeurs financiers pour tenter de comprendre comment, en pratique, se prennent les décisions de financement. Cet article propose une synthèse de ces études menées au moyen de questionnaires. Il ressort que les praticiens ne valident que très partiellement les prescriptions théoriques. Par contre, ils utilisent des facteurs non pris en compte par les cadres conceptuels, comme la flexibilité financière et les conditions de marché. La constatation de ce décalage entre ce que prévoit la théorie et ce que montrent les travaux menés sur le terrain a conduit certains auteurs à aménager les préceptes théoriques pour les ajuster aux pratiques des firmes. - 3 - LA RECHERCHE ET LA FINANCE D’ENTREPRISE : DES THÉORIES PEU PRATIQUES Près de quarante années après les articles pionniers de Modigliani et Miller (1958, 1961), force est de constater que l’on ne dispose toujours pas de théories capables d’expliquer et de guider les choix de financement des entreprises (Myers, 1993). Des centaines de travaux ont analysé l’effet de variables liées à la fiscalité, aux normes sectorielles, aux préoccupations relatives au contrôle, au risque de faillite, à la croissance et au taux de rendement des actionnaires. L’article synthèse de Harris et Raviv (1991) illustre clairement l’absence de consensus quant aux facteurs qui gouvernent le comportement des entreprises. Dans le domaine de la finance d’entreprise, l’approche traditionnelle de la recherche théorique et empirique semble marquer le pas. Une telle situation rend particulièrement intéressantes les études basées sur une approche différente. Celle-ci consiste à aller sur le terrain interroger sans préjugés les directeurs financiers pour tenter de comprendre comment, en pratique, se prennent les décisions de financement. Bien que non exempte de défaut2, cette approche constitue un compromis entre les études empiriques sur de grands échantillons, qui ne permettent pas de tenir compte des aspects qualitatifs et les analyses de cas, dont les résultats sont trop spécifiques pour être généralisables. Les études par questionnaires offrent à la fois la possibilité de tester statistiquement la vraisemblance des résultats, et celle d’introduire une dimension qualitative (Graham et Harvey, 1999). La réalisation de telles études reste cependant relativement rare dans le cadre de la recherche en finance, particulièrement en matière de choix de financement à long terme et de décisions relatives à la structure de capital des firmes (Kamath, 1997). Ces travaux constituent pourtant un moyen unique d’information quant aux pratiques des entreprises (Graham et Harvey, 1999). Ils méritent un examen attentif pour juger de la pertinence de l’orientation des recherches actuelles et futures en finance d’entreprise3. Ainsi, Trahan et Gitman (1995) mettent en évidence la prédilection des directeurs financiers pour le développement des connaissances dans les domaines clés que sont la structure de capital et le coût du capital. Cet accroissement du savoir passe cependant par une compréhension des pratiques des entreprises, pour lesquelles aucune vue d’ensemble n'est actuellement disponible. Dans leur article qui fait aujourd’hui référence, Harris et Raviv (1991) analysent les études relatives à la structure de capital, mais se limitent aux travaux théoriques et empiriques. Aussi, c’est à la lumière des réponses recueillies dans 2 Les études par questionnaires peuvent être biaisées si l’échantillon des réponses obtenues est non représentatif ; certaines études ne prennent ainsi en compte que les plus grandes entreprises (Fortune 500 ou Forbes 200), ou peuvent prés enter des caractéristiques différentes de l’échantillon d’origine. Graham et Harvey (1999) tiennent compte de ce phénomène en testant statistiquement la différence entre les caractéristiques du groupe des entreprises ayant répondu et celles de la population d’origine. 3 Comme en témoigne d’ailleurs le récent congrès intitulé « Complementary Research Methodologies: The Interplay of Theoretical, Empirical and Field-Based Research in Finance » organisé par le Journal of Financial Economics et la Harvard Business School, en juillet 1999 à Boston, Massachusetts. - 4 - ces études dites « par questionnaires » que nous proposons une synthèse des pratiques du financement. La première partie du texte met à jour le fait que les prescriptions théoriques ne sont que très partiellement validées par les praticiens. La seconde montre que certains éléments clés des décisions de financement ne sont pas intégrés aux principaux cadres conceptuels. Enfin, la dernière partie tire les conclusions de cette situation en terme d’évolution de la recherche en finance d’entreprise. 1 DES PRESCRIPTIONS THÉORIQUES PARTIELLEMENT VALIDÉES Nous examinons en premier lieu les caractéristiques générales des études par questionnaires, avant d’analyser leurs conclusions. 1.1. CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DES ÉTUDES PAR QUESTIONNAIRES Entre 1980 et 1999, plusieurs études américaines et canadiennes analysent, au moyen de questionnaires, les pratiques des directeurs financiers des grandes entreprises. L’objectif ultime de ces travaux est de comprendre les motivations des dirigeants en matière de décisions de financement, et de les confronter aux prescriptions des travaux de recherche. Graham et Harvey (1999) souhaitent notamment que leurs travaux servent de base à la modification voire à l’abandon de certaines pistes de recherche actuelles et au développement de nouveaux courants. Le tableau 1 liste les différents thèmes abordés au sein de ces analyses menées par voie de questionnaires. Certaines études sont spécifiquement dédiées au problème de la structure de capital (Scott et Johnson; 1982, Pinegar et Wilbricht, 1989; Norton, 1991) ou à la politique de dividendes (Baker et coll, 1985). D’autres analysent simultanément plusieurs thèmes, tels les pratiques budgétaires, les choix d’investissement et le coût de capital (Graham et Harvey, 1999; Jog et Srivastava, 1994). Ces enquêtes reposent sur l’envoi de questionnaires à un échantillon de grandes entreprises. Comme le montre le tableau 2, les échantillons initiaux (auxquels sont envoyés les questionnaires) comprennent, en majorité, les sociétés listées dans Fortune 1000 ou 500, Business Week 1000, ou des firmes cotées sur le NYSE. Graham et Harvey (1999) élargissent leur échantillon, et intègrent en plus des firmes de Fortune 500, les entreprises dont le directeur financier est membre du Financial Executive Institute. - 5 - Tableau 1 Domaines de la finance d’entreprise examinés par les auteurs des études par questionnaires des pratiques de financement de 1980 à 1999. Auteurs Structure de capital Coût du capital Politique de dividende Choix d’investis- sement Divers Scott et Johnson (1982) x Gitman et Mercurio (1982) x x Baker et coll. (1985) x Gitman et Maxwell (1985) x x - comparer les pratiques et le contenu des livres de référence en finance - gestion du fonds de roulement - niveau d’expérience requis en finance et emplois Pinegar et Wilbricht (1989) x Pruitt et Gitman (1991) x x x - Principe de séparation entre investissement et décision de financement Norton (1991) x Petry et Sprow (1993) x x x - Fusion et Acquisition - Inflation - objectifs firmes publiques/privées - théorie et pratique en enseignement supérieur Jog et Srivastava (1994) x x x x - Concurrence étrangère - Obstacles à la formation de capital Trahan et Gitman (1995) x x - Gestion financière internationale - Préférences de lecture et opinions sur la recherche Billingsley et Smith (1996) x Kamath (1997) x Graham et Harvey (1999) x x x - 6 - Tableau 2 Caractéristiques des échantillons des études par questionnaires portant sur les pratiques de financement. Le lieu de l’étude est celui du marché analysé, l’échantillon initial comprend le nombre de firmes contactées ayant reçu le questionnaire, la nature et la version de la base de données (Fortune 1000 1979 correspond aux firmes listées fin 1978), l’échantillon final est le nombre de firmes ayant renvoyé un questionnaire exploitable, le taux de réponse est la proportion des firmes contactées ayant répondu de façon exploitable. Auteurs Lieu de l’étude Échantillon initial Échantillon final Taux de réponse Scott et Johnson (1982) États-Unis Fortune 1000 1979 212 21,2% Gitman et Mercurio (1982) États-Unis Fortune 1000 1980 177 17,7% Baker et coll. (1985) États-Unis 562 firmes cotées sur le NYSE 318 56,6% Gitman et Maxwell (1985) États-Unis Fortune 1000 1982 236 23,6% Pinegar et Wilbricht (1989) États-Unis Fortune 500 1986 176 35,2% Pruitt et Gitman (1991) États-Unis Fortune 500 et 500 firmes de Compustat 1987 114 11,4% Norton (1991) États-Unis Fortune 500 1984 98 21% Petry et Sprow (1993) États-Unis 449 parmi Business Week 1000 1990 151 33,6% Jog et Srivastava (1994) Canada 582 firmes dont TSE 300 1991 133 22,9% Trahan et Gitman (1995) États-Unis Fortune 500 et Forbes 200 1991 84 12% Billingsley et Smith (1996) États-Unis 243 firmes ayant émis des obligations convertibles entre 1987 et 1993 88 36,2% Kamath (1997) États-Unis 690 firmes cotées sur uploads/Finance/ la-recherche-et-la-finance-d-x27-entreprise-des-theories-peu-pratiques.pdf

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  • Publié le Jui 27, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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