Revue africaine de l’Intégration Vol. 3. No. 2, Octobre 2009 La reforme du sect

Revue africaine de l’Intégration Vol. 3. No. 2, Octobre 2009 La reforme du secteur bancaire camerounais 99 La reforme du secteur bancaire camerounais Mathurin TCHAKOUNTE NJODA et Charles Alain BITA1 Résumé : Cet article, examine la crise bancaire qui a secoué le secteur bancaire camerounais au milieu des années 80 jusqu’au début de la décennie 90. Cette crise était due à une politique de répression financière dont les principales mani- festations furent: une politique monétaire interventionniste, la prédominance des banques publiques et une faible régulation prudentielle. Du fait de l’accumulation d’actifs non perfor- mants, le financement privilégié du gouvernement et la dégradation des systèmes de paiement gérés par les banques, la crise s’est traduite par des faillites bancaires en chaîne. Afin de corriger ces dysfonctionnements, l’Etat camerounais et les institutions financières sous-régionales ont restructuré les banques défaillantes, adopté de nouvelles réglementations prudentielles, libéralisé le secteur financier, et assoupli la politique monétaire. Cependant, si de nos jours le secteur bancaire a retrouvé sa solvabilité, il importe de renforcer le dispositif de surveillance au moyen d’une régulation indépendante. The regulation of the Cameroonian banking sector Abstract: This article, examines the banking crisis that shook the Cameroonian banking sector in the middle of the 1980s until the beginning of the 1990s. This crisis was due to a 1 Mathurin TCHAKOUNTE NJODA et Charles Alain BITA sont Enseignants à la FSEG de l’Université de Ngaoundéré. Adresses : B.P. : 454, FSEG, Université de Ngaoundéré, Cameroun. Email : mtchakou@yahoo.fr ; Email: bitacharles@yahoo.fr; Revue africaine de l’Intégration Vol. 3. No. 2, Octobre 2009 La reforme du secteur bancaire camerounais 100 financial repression policy whose main demonstrations were: interventionist monetary policy, predominance of state-owned banks, and weak prudential regulation. Because of accumulation of non-performing loans, privileged government financing and breakdown of bank-controlled payment systems, the crisis resulted in a drain of banking bankruptcies. In order to correct these problems, the Cameroonian state and the sub-areas financial institutions restructured the failed banks, adopted new prudential regulation, liberalized the financial sector, and softened monetary policy. Although the banking sector recovered its solvency, it is important to reinforce the surveillance device with an independent regulation system. INTRODUCTION Le Cameroun, tout comme la plupart des pays membres de la Zone Franc, était caractérisé jusqu'à la fin des années 80 par un secteur financier dominé par les banques à capitaux publics, une politique monétaire essentiellement inter- ventionniste, et surtout le non-respect de la réglementation prudentielle. Cette situation a eu de nombreuses conséquences, notamment des services financiers de mauvaise qualité, la faible profondeur financière, la sous- capitalisation des banques, l’accumulation des actifs non performants, le manque de transparence, un financement orienté vers le gouvernement, etc. (Brownbridge, 1998 ; FMI, 1999 ; Joseph, 2002 ; Detragiache, Gupta et Tressel, 2005; et Gulde et al. 2006). Les problèmes bancaires ont donné lieu à de nombreuses faillites (Fouda, 1999). Comme dans la plupart des pays en développement (Folkerts-Landrau et al. 1995), ces problèmes ont souvent été le résultat de décisions peu judicieuses en matière de crédits et d’une gestion inappropriée du crédit risque, à l’instar de la Revue africaine de l’Intégration Vol. 3. No. 2, Octobre 2009 La reforme du secteur bancaire camerounais 101 surexposition à certains types de risques, et ils ont engendré des pertes considérables. Au cours de la décennie 90, les banques se sont peu engagées dans le financement de l’économie. Sur le plan sectoriel, une enquête menée par DIAL (1993) et la Direction de la Statistique et la Comptabilité Nationale (DSCN) a montré que pour l'exercice 1990/91, 85 % des industries de 20 employés et plus avaient besoin d'un crédit pour financer leurs investissements. Parmi celles-ci, 70 % avaient eu des difficultés à l'obtenir. Le coût du crédit était évoqué par 28 % des industries et le fait que les banques prêtent difficilement par 42 %. Sur le plan macroéconomique, il convient d'indiquer que les crédits à l'économie ont diminué de 27 % en terme réel de 1993 à 1994, et de 10 % en 1995. Entre 1995 et 1997, cette tendance ne s'est pas améliorée, et les crédits ont encore diminué de 17 % en terme nominal (Joseph, 1998). Sans entrer dans les détails, il s’en est suivi une faible capacité d’investissement (Banque Mondiale, 1995 ; Ndjanyou, 2001 ; Kamgnia, 2002 ; FMI, 2003). À la suite de la crise économique et bancaire, des reformes visant à mieux réguler le système bancaire ont été mises en œuvre (Groupe ESF, 19990). Par exemple, sur le plan institutionnel, la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) a été créée en 1992 et s’est substituée aux organes nationaux de régulation. L’entrée en fonction de cette commission sous-régionale a été complétée quelques mois plus tard par l'Harmonisation de la Réglementation Bancaire en Afrique Centrale. Avant la mise en place de ces conventions de régulation institutionnelle, l’Etat à travers la Société de Recouvrement des Créances (SRC) a absorbé une grande partie du passif des banques et a assuré le coût administratif de leur liquidation et/ou de leur restructuration. Au milieu des années 90, plus de 15 milliards de francs CFA ont été nécessaires pour la Revue africaine de l’Intégration Vol. 3. No. 2, Octobre 2009 La reforme du secteur bancaire camerounais 102 restructuration des banques en faillite. Quels sont les contours de la régulation bancaire au Cameroun ? Quelles en sont les insuffisances ? Comment l’améliorer ? Cette étude cherche à donner des réponses à ces interrogations. La régulation est nécessaire à l’intermédiation bancaire et financière (Lenoir, 1989 ; Dimitri, 1992). Ce n’est donc pas un hasard que le secteur financier puisse figurer parmi les secteurs économiques qui subissent le plus la régulation et la supervision (Hardy, 2006). Dans certains pays, comme par exemple les Etats-unis, il existe des organes de régulation pour des catégories d’institutions financières différentes2 (Choi, 2002, Weinberg, 2002). Dans d’autres, il n’en existe qu’une seule pour plusieurs pays (cas de l’Afrique centrale). De par les moyens dont elles peuvent disposer, certaines grandes banques ont en leur sein des organes permanents intégrés de régulation. Si la régulation impose des coûts, l’absence de régulation peut coûter encore plus chère. En ce sens, la régulation affecte directement la solidité ou la fragilité du système bancaire, d’où son importance. Jusqu’à l’avènement des crises bancaires, la régulation était appréhendée dans un sens strict, limitée uniquement à l’action d’institutions publiques ou parapubliques. On parle de régulation externe, car conçue par les agents du gouvernement et appliquée par les institutions externes aux institutions bancaires. En règle générale, ces institutions mettent sur pied un réseau de mesures visant à influencer le comportement des agents intervenant dans le secteur bancaire lorsque l’évolution probable de la situation est peu satisfaisante (Tartati, 2002). La régulation externe est différente de la régulation interne (ou endogène). On parle de régulation interne ou autorégulation lorsque les réformes 2 A ce propos, R. J. Rosen (2003) a signalé que la concurrence entre les régulateurs financiers est bénéfique par ce qu’elle conduit à terme vers une régulation approprié. Revue africaine de l’Intégration Vol. 3. No. 2, Octobre 2009 La reforme du secteur bancaire camerounais 103 sont exclusivement l’émanation des agents du système bancaire. Etant donné qu’aucun système ne peut prétendre se réguler par lui-même, les acteurs de l’autorégulation sont nécessairement en interaction avec ceux de la régulation externe. En matière de régulation bancaire, deux courants de pensée s’affrontent. Il s’agit des théories positives qui visent surtout à retracer les concepts généraux et des théories normatives qui expliquent la régulation du système bancaire en particulier. Les théories positives partent de l’idée qu’une faillite bancaire entraîne des externalités négatives qui détériorent le bien-être individuel et social. Les agents rationnels interagissent pour éviter cette perte d’utilité. Dans cette approche, la régulation est le résultat d’interactions entre les agents et les structures institutionnelles. La régulation du système bancaire met en jeu différents groupes d’intérêt, à savoir les fonctionnaires, les politiciens, les managers, les actionnaires et les déposants des banques. Trois principaux courants théoriques peuvent être évoqués : la théorie de l’intérêt public, la théorie des groupes d’intérêt, et la théorie de l’agence. Pour la théorie de l’intérêt public, le gouvernement régule dans l’intérêt de toute la société et principalement pour défendre les consommateurs des produits bancaires (Posner 1974 ; Miller et Posner, 1978 ; Kane, 1997). Pour la théorie des groupes d’intérêt, la régulation est le résultat de la pression exercée sur le gouvernement par les différents groupes (Stigler, 1971). Cette régulation sert les intérêts des groupes particuliers et notamment des producteurs ; les banquiers en effet sont moins nombreux et mieux organisés. Avec la théorie de l’agence, les théories positives de la régulation ont évolué vers la justification de la régulation Revue africaine de l’Intégration Vol. 3. No. 2, Octobre 2009 La reforme du secteur bancaire camerounais 104 pour des raisons institutionnelles. Rattachée au courant de « new institutional theories »3, la théorie de l’agence soutient que la régulation est très influencée par les structures institutionnelles, les contrats et les procédures sociales. Cette approche devance le modèle de l’agent purement rationnel axé uploads/Finance/ la-reforme-du-secteur-bancaire-au-cameroun.pdf

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  • Publié le Mai 26, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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